[Critique] ENRAGÉ
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Titre original : Unhinged
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Derrick Borte
Distribution : Russell Crowe, Caren Pistorius, Gabriel Bateman, Austin P. McKenzie, Jimmi Simpson, Lucy Faust, Stephen Louis Grush…
Genre : Thriller
Durée : 1h30
Date de sortie : 19 août 2020
Le Pitch :
Alors qu’elle conduit son fils à l’école, Rachel klaxonne de manière insistante à un automobiliste quand celui-ci n’avance pas à un croisement alors que le feu est passé au vert. Quelques mètres plus loin, alors qu’elle se retrouve coincée dans les embouteillages, Rachel voit arriver à sa hauteur l’individu qu’elle vient d’invectiver. Furieux, celui-ci lui demande de lui présenter des excuses mais Rachel s’y refuse. C’est alors que l’homme perd le contrôle et commence à la suivre…
La Critique d’Enragé :
Si le premier film de Derreck Borte, La Famille Jones, avec Demi Moore, David Duchovny et Amber Heard est un tant soit peu parvenu à faire parler de lui à sa sortie en 2009, les suivants n’ont pas vraiment fait d’étincelles chez nous. Autant dire qu’on ne misait pas grand chose sur son nouveau long-métrage, Enragé. Et ce malgré la présence au casting de Russell Crowe. Même le trailer ne laissait pas présager autre chose qu’un thriller au raz des pâquerettes, racontant une histoire déjà vue mille fois et probablement en mieux. Et pourtant…
Road rage
Avec son postulat évoquant le Chute Libre de Joel Schumacher, dans lequel Michael Douglas pétait lui aussi un câble dans les bouchons, vivant la pire journée de sa vie et s’arrangeant au final pour faire partager sa détresse à tous ceux qui avaient la malchance de croiser sa route, Enragé se démarque pourtant assez vite, en prenant une toute autre direction, venant par moment rouler sur les plates-bandes du Duel de Steven Spielberg avant d’encore bifurquer. C’est d’ailleurs l’une de ses forces : à la fois répondre par l’affirmative aux exigences des spectateurs en proposant un cocktail assez franc de violence frontale mais tout de même tenter de déjouer leurs pronostics. Le tout sans pour autant chercher à tout prix l’originalité, se contentant parfois de simplement bien faire les choses avec les moyens mis à sa disposition. L’histoire de ce fou furieux qui décide prendre en chasse une jeune mère de famille s’avérant à l’arrivée bien plus prenante que prévu, stressante à souhait, divertissante et remarquablement rythmée.
Maximus pied au plancher
L’autre force d’Enragé est de ne pas hésiter à y aller franco. Le scénario donnant à Derrick Borte l’opportunité de monter dans les tours sans qu’à l’écran, cela ne paraisse suspect. Un script caractérisé par sa capacité à embrasser des codes propres aux séries B les plus solides tout en prenant garde à conserver une belle cohérence tout du long. Alors que le personnage campé par Russell Crowe est dans tous les sens du terme bigger-than-life, massif et caractérisé par une collection de tics parfois assez flippants, les décisions prises par les personnages répondent à une logique qui empêche au film de sombrer dans le ridicule. Et si la raison même pour laquelle ce cinglé ultra-violent décide en premier lieu de se déchaîner sur la mère de famille apparaît un poil abusive au départ, on comprend vite que cela permet à Derrick Borte de lâcher les chiens et ainsi de justifier les outrances d’un scénario plus malin qu’il n’y paraît. Le fait que Russell Crowe soit un peu en roue libre va aussi dans ce sens. Enragé reste une série B bien costaud, aux bases solides. Un thriller sec comme un coup de trique qui nous prend rapidement à la gorge pour ne pas relâcher son étreinte mais jamais trop plombant, grâce à une prise de distance maligne. Comprendre par là qu’ici, de manière finalement très surprenante, l’équilibre est quasi-idéal. Ne serait-ce qu’au niveau des acteurs. D’un côté l’imposant Russell Crowe et ses réactions de gros bourrin psychopathe avec punchlines à l’appui, qu’on dirait sorti d’un film de vidéo-club des années 80, et de l’autre Caren Pistorius, qui évolue dans un registre plus subtil. D’un côté cette tension qui monte en flèche et qui parvient à se maintenir au fil de séquences chocs et de l’autre ces éclairs bourrins, parfois presque gore et à n’en pas douter cruels. Alors oui, Enragé est plus basique que Chute Libre, qui avait vraiment quelque chose à dire. On voit bien qu’il y a ici une tentative de parler de notre époque, où le stress conduit parfois à des comportements extrêmes, on remarque des scènes visant à dénoncer certains comportements au volant et toute l’introduction ressemble à s’y méprendre à celle d’un film post-apocalyptique, avec ses images d’archives et ses voix off montrant du doigt une vraie détresse quotidienne, mais au fond, tout ce qu’Enragé fait, c’est d’aller d’un point A à un point B, les mains bien accrochées au volant, effectuant quelques efficaces détours et nous clouant à notre siège sans discontinuer. C’est déjà énorme.
En Bref…
Excellente surprise, Enragé n’est pas le petit thriller bas du front qu’il aurait pu être, tel que le suggérait le trailer. Non, Enragé, à vrai dire, porte bien son nom. Un film furieux, porté par un Russell Crowe en roue libre, qui parvient rapidement à trouver son équilibre pour nous tenir en haleine 90 minutes durant. Le genre de série B solide et généreuse qu’on aimerait voir plus souvent.
@ Gilles Rolland