Navarin d’agneau printanier

Par Gourmets&co

Il vient de loin. Il descend sans doute de l’ancien Haricot de mouton du Moyen-Age dont on trouve la trace dans l’ouvrage de Taillevent « Le Viandier » (1486), où il est orthographié « hericoq de mouton ». Pas de haricots bien sûr, car en vieux français harigoter voulait dire « déchirer, couper en morceaux » et le nom fait référence à un ragoût de viandes, de pommes de terre et de navets.

Le plat est populaire, familial, nourrissant comme tous les ragoûts et il traverse les siècles sans trop de changements, le navet et le mouton restant la base de la préparation.

Au début du XIXème siècle, le nom change et l’on parle de navarin de mouton. Mais quelle est l’origine de ce nom navarin ? Comment est-il apparu et pourquoi ce changement ?

Les querelles sur l’origine du nom furent homériques au XIXème siècle. Tout le monde s’en mêla jusqu’au Figaro qui fit une grande enquête auprès de ses lecteurs en 1898 pour trancher et déterminer la version la plus crédible.

Au final trois versions s’affrontèrent :
1 – il s’agirait d’un cuisinier originaire de Navarre qui aurait codifié ce plat. Faux.

2 – Le mot est attesté en 1847 dans le « Dictionnaire de la langue verte » d’Alfred Delvau, en argot au sens de « navet ». En effet, l’argot parisien est florissant à cette époque dans les classes populaires et beaucoup de métiers ont leur propre argot, le but final étant d’utiliser un langage que les « autres » ne comprennent pas. Ainsi, un navarin est un navet dans le langage des voleurs, voulant sans doute signifier un objet sans grande valeur. En effet, navet depuis le Moyen-Age a pris une signification péjorative de « nullité » (1278). Au XIXème siècle, navet signifie un très mauvais tableau (1853), puis, plus proche de nous, un mauvais film.
Il est probable que, par métonymie, le navarin soit associé au ragoût à base de navets. Le nom est officialisé en 1866.

3 – Philéas Gilbert (1857-1942), cuisinier auprès d’Auguste Escoffier puis, par la suite, devenu un grand érudit et théoricien de la cuisine, fit (presque) l’unanimité avec sa version. Navarin fut le lieu d’une célèbre bataille dans la baie du Péloponèse lors de la guerre d’indépendance grecque, en octobre 1827 (France et Angleterre contre l’Empire Ottoman). Au lendemain de la victoire, l’Amiral de Rigny donna l’ordre d’améliorer le repas des marins du navire de guerre Le Trident pour fêter cette victoire. Le cuisinier qui servait du riz avec son ragoût de mouton le remplaça par quelques légumes de différentes couleurs pour rappeler les couleurs de l’uniforme des soldats. Le « Ragoût de Navarin » était né et il fit fureur peu de temps après dans les restaurants parisiens.

Dans les années 1960, on remplaça le mouton par l’agneau et celui-ci étant meilleur au printemps on introduisit les jeunes légumes qui apparaissent à cette époque de l’année : jeunes carottes, oignons nouveaux, petits pois, navets nouveaux, et pommes de terre nouvelles. Le navarin d’agneau printanier fut ainsi nommé.

A Food Saga, nous sommes un peu puristes et nous aimons à ce que les mots aient un sens. Le véritable Navarin d’agneau printanier ne contient ni tomates, ni concentré de tomates, pas plus des haricots verts, fèves, ou autres légumes verts comme on le voit trop souvent aujourd’hui. Chacun est libre de changer une recette mais il faut alors en changer le nom.

Dans son restaurant « Pleine Terre » le chef Jimmy Desrivières a fait pour Food Saga ce plat superbe et délicieux, fidèle à la tradition. Belle viande, légumes de petits producteurs du Val de Marne d’une fraicheur exemplaire, sauce parfumée à souhait après un mijotage de plus d’une heure, le tout présenté en casserole de cuivre. Un festival de couleurs et de saveurs.

Pour accompagner ce plat riche et délicat, Food Saga a sélectionné un Chinon, 100% cabernet franc, du Domaine Couly-Dutheil, cuvée René Couly 2016. Ce vin rouge, franc et gourmand, léger dans sa jeunesse, prend avec l’âge des goûts presque giboyeux et s’accorde parfaitement aux ragoûts en général et au Navarin d’agneau printanier en particulier. Un bel accord tout en puissance retenue.

Pleine Terre
15, rue de Bassano
75116 Paris
Tél : 09 81 76 76 10
www.restaurantpleineterre.com
M° : Alma Marceau ou Charles de Gaulle/Etoile
Fermé samedi midi, et dimanche

Vins
Domaine Couly-Dutheil
12, rue Diderot
37500 Chinon
Tel : 02 47 97 20 20
www.coulydutheil-chinon.com