Je ne sais plus si je vous en ai déjà parlé mais je demande souvent pardon.
Très souvent, trop sans doute.
Ce n’est pas tant l’effet d’une nature obséquieuse qui toute en courbettes exagérément aplaties espère quelques faveurs ou récompense.
Enfin je ne crois pas.
Il s’agirait plutôt d’un aspect dérivé d’une incapacité dont je vous ai parlé, je crois bien, il y a peu.
De même que j’ai le plus grand mal à estimer l’espace qu’occupe ma carcasse – ayant un peu toujours le sentiment de devoir diriger quelque chose de lourd, peu maniable pas très stable et dont les dimensions par rapport à ce qui l’entoure m’ont toujours échappé – de même je ne suis jamais certain que ma manière d’être, de parler, de me mouvoir, en général de me comporter ne soit l’occasion d’impairs par centaines.
N’étant pas par ailleurs pourvu de l’instinct social qui permet de saisir et comprendre, sans que cela ait été forcément expliqué, les bons et mauvais usages, je suis obligé de me renseigner et de retenir ce qui, dans telle ou telle circonstance, même la plus quotidienne, se fait comme ne se fait pas.
Une tâche infinie.
A la réussite donc impossible.
Dans le doute je multiplie les excuses au cas où j’aurais fait preuve d’une impolitesse flagrante sans m’en être rendu compte.
Ce qui, malgré mes nombreuses précautions, peut arriver ; ne manque pas d’arriver, même.
Le cas de figure le plus rageant après coup étant l’impair suivi de l’absence, pour une fois, d’une demande de pardon.
Le réaliser après plusieurs heures ou jours me provoque fureur et embarras.
(Une belle occasion parmi d’autres de s’insulter copieusement.)
Idéalement, pourtant, je voudrais surtout ne pas déranger.
Et si je devais un jour me réclamer d’une devise ce serait justement celle-ci : je ne voudrais pas déranger.
Devise que je vais d’ailleurs immédiatement appliquer en me retirant car je n’oublie pas que le temps presse et votre patience s’use.