Méditer avec Matthieu Ricard (4)

Publié le 30 juillet 2020 par Eric Acouphene
Lors des catastrophes naturelles, la solidarité est toujours immense. Il y a plus de comportements altruistes, des études l’ont prouvé.
Va-t-on vers un changement de culture, moins d’individualisme ? J’espère. C’est la grande question. Va-t-on accorder la prééminence à l’environnement, puisqu’on sait que les catastrophes environnementales risquent d’être beaucoup plus graves que cette crise sanitaire ? Les gouvernements ont montré qu’ils pouvaient prendre des mesures draconiennes. Feront-ils preuve d’un dixième de cette détermination pour endiguer des problèmes à plus long terme, mais plus menaçants ? Hélas, ils parlent déjà de faire repartir la consommation. Les gens changent. Ils louent la solidarité, la sobriété heureuse, la proximité avec la nature. Il y a une forme de redécouverte de la tranquillité et du ralentissement. Ont-ils assez apprécié pour modifier leurs comportements ? Un vrai changement n’est pas impossible. On notait déjà une évolution : chercher davantage de coopération, s’efforcer de faire mieux avec moins, viser à l’harmonie durable au lieu d’un développement quantitatif éternel. On ne peut pas utiliser toujours plus de ressources naturelles ! Mais on n’arrivait pas à arrêter cette course effrénée. Malheureusement, l’évolution nous a équipés pour nous émouvoir des dangers immédiats, pas lointains. Moi, à 74 ans, je pourrais dire : « Après moi le déluge. » Non, ça me préoccupe. Un ministre a dit un jour : « Mes enfants, mes petits-enfants, je vois, mais après, c’est abstrait. » C’est ridicule et irresponsable ! Quand Greta Thunberg, aux Nations unies, lance que nous trahis­sons les générations futures, elle a raison. ­Voulons-nous être des traîtres égoïstes ? À chacun de voir.

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Source  : La Vie

Docteur en biologie moléculaire, Matthieu Ricard est devenu moine bouddhiste à 33 ans et a vécu en Inde et au Népal. Fils de l’académicien Jean-François Revel, il a publié avec lui le Moine et le Philosophe (NiL Éditions, 1997). En 2000, il a fondé l’association Karuna-Shechen (karuna-shechen.org) pour les populations de l’Himalaya. Photographe passionné, il a notamment publié Émerveillement (La Martinière, 2019). « Je pratique la photo depuis l’âge de 13 ans. C’est sans doute le seul métier que je connaisse vraiment », dit-il.