Anxiété et ruminations... Des craintes, des peurs, des pensées négatives qui tournent en boucle, nous empêchant de voir les choses clairement. Comment sortir de cette cage mental, et vivre plus sereinement ?
L'anxiété est un mécanisme sournois qui nous entraîne dans une spirale dont nous n'avons, la plupart du temps, jamais conscience. Avez-vous remarqué à quel point notre pensée s'agite toute la journée ? Sans même que nous ayons besoin de le stimuler, notre cerveau nous envoie continuellement des idées ou des remarques à propos de tout et de rien. Ce sont le plus souvent des pensées automatiques qui s'imposent, nous martelant sans cesse, comment nous sommes, d'où nous venons. Elles nous rappellent aussi nos blessures du passé, et nous conditionnent à ne pas les oublier.
C'est comme cela que peut se développer le trouble anxieux généralisé : c'est le fait de répéter sans cesse des inquiétudes d'une manière incontrôlée, générant un état de détresse. Les femmes seraient deux fois plus concernées par ce problème que les hommes. Le psychologue américain, Daniel Goleman, décrit ainsi le problème " Les anxieux chroniques s'inquiètent de toutes sortes de choses, dont la plupart n'ont pratiquement aucune chance de se produire ; ils voient des embûches sur le chemin de la vie que les autres ne remarquent jamais. "
Or, sans aller jusqu'à un trouble d'anxiété généralisé, il semblerait que cette propension à envisager plus souvent le pire, plutôt que le meilleur, soit déjà bien ancrée dans notre manière d'être. Nous ruminons beaucoup plus facilement ce qui ne va pas. Des études montrent que 65% de nos pensées sont négatives et répétitives. Dans un mécanisme de vigilance pour maintenir sa survie, notre cerveau accorderait beaucoup plus d'importance aux événements négatifs et menaçants, qu'aux instants rassurants et positifs. C'est ce qui produit un état d'esprit anxieux.
Les rouages de l'anxiétéPour Claude, de nature anxieuse, il suffit que la rame du métro dans laquelle il se trouve s'arrête brutalement, pour qu'il se mette tout de suite à imaginer le pire. Peut-être va- t-on leur annoncer qu'il s'agit d'une panne ou d'un accident ? Il se voit déjà bloqué là pendant plusieurs heures, ne pouvant pas aller récupérer ses enfants à la garderie. Pour ne rien arranger, il a oublié son mobile au travail et, de ce fait, ne peut prévenir personne. Comme d'habitude il lui manque le nécessaire quand il en a le plus besoin. Il n'a vraiment pas de chance. Pourquoi cela ne lui arrive t-il qu'à lui ? Et ce fichu métro qui est toujours bloqué. C'est sûrement grave. Tout à coup, la lumière s'éteint, plongeant tout le monde dans le noir. Un silence de plomb accompagne l'instant. Claude n'est plus capable de penser calmement et raisonnablement. Il se vide de toute son énergie, ses mains deviennent moites, son cœur s'accélère et cogne jusqu'aux tempes. Pour lui, cela n'augure vraiment rien de bon. Il s'attend au pire. Mais, quelques secondes plus tard, tout se rallume. Le métro redémarre...
Pendant ces deux ou trois minutes, qui lui ont parues interminables, Claude n'était vraiment pas bien. Il a vécu un moment de stress aigu.
S'il n'y prête pas attention, cet état d'anxiété peut conduire Claude vers le développement progressif d'une tendance à la rumination. Selon Bernard Anselme, neuropsychologue, " les personnes anxieuses ou qui ont tendance à la dépression ruminent plus que d'autres. "
Il explique que " La rumination se distingue des autres pensées négatives - comme le doute, l'inquiétude ou le regret - par son caractère répétitif et par l'absence d'action. Quand on rumine, que l'on est dans le reproche contre soi ou contre les autres, on ne cherche pas de solution. On s'emprisonne dans une cage de pensées. "
La fausse croyance appelle la fausse croyance qui s'enracine chaque jour un peu plus, nous persuadant de sa véracité.
C'est le cas de Judith qui doute énormément d'elle-même, qui se juge sévèrement, ne se sent pas digne d'être aimée, a toujours l'impression de n'en donner jamais assez aux autres. Lorsque son conjoint arrive tard le soir et qu'il lui adresse à peine la parole, elle va tout de suite penser qu'il n'a plus envie de la voir, qu'elle ne mérite pas le bonheur et la joie. Qu'elle ne peut-être que malheureuse et rejetée des autres... Qu'il va donc certainement la quitter. Elle est absorbée dans un courant d'émotions négatives qui entraîne avec lui un enchaînement de pensées négatives. Judith est entrée dans sa cage de pensées. A aucun moment, ne lui viendra l'idée d'ouvrir la porte en se disant que, peut-être, son conjoint est fatigué par sa longue journée de travail, et qu'il n'a, pour le moment, tout simplement pas envie de parler.
Judith ne voit pas la réalité. Elle ne parvient pas à rationaliser et à changer de point du vue. Elle reste derrière ses barreaux sans chercher la solution qui lui permettrait de sortir de sa prison mentale. La rumination est un cercle vicieux qui l'empêche de s'arrêter, pour prendre du recul, et voir les choses plus clairement dans leur réalité.
Thomas Borkovec (Université de l'Etat de Pennsylvanie), par ses recherches sur l'impact des inquiétudes dans nos comportements, explique que si on laisse une préoccupation s'imposer de manière répétée, sans la combattre, sa force de persuasion augmente.
Ainsi, plus l'on se répète intérieurement les mêmes choses, que l'on s'inflige les mêmes reproches, les mêmes doutes, les mêmes peurs, les mêmes jugements, plus notre cerveau construit les chemins neuronaux qui les mémorisent, nous programmant à les reproduire encore davantage.
La fausse croyance appelle la fausse croyance qui s'enracine chaque jour un peu plus, nous persuadant de sa véracité.
Les ruminations sur le virus SARS-COV-2La rumination est un processus qui peut aussi très bien s'enclencher via un événement particulier générant de la peur, sur une longue période. Prenons l'exemple de l'épidémie du COVID-19.
Depuis plusieurs décennies, la science médicale s'est imposée dans nos vies. Nous lui avons accordé toute notre confiance. Nous nous sommes presque totalement abandonnés dans ses mains expertes et salvatrices. De nos jours, beaucoup de maladies, beaucoup de symptômes, s'accompagnent d'un traitement allopathique.
Pour le moindre mal de tête, la moindre petite fièvre ou douleur musculaire, nous avons le réflexe paracétamol ou crème anti inflammatoire.
A tel point que nous en avons oublié que notre corps était notre premier médecin. Nous nous sommes éloignés des capacités naturelles, et infiniment expertes de notre corps. Nous avons oublié notamment que nous avions un système immunitaire puissant, capable de nous protéger des virus et des bactéries.
Est-ce pour cela que nous nous sentons totalement démunis et vulnérables face au SARS-COV-2, en ruminant notre peur d'être contaminé et notre anxiété d'une éventuelle deuxième vague ?
Une peur et un sentiment de vulnérabilité très largement alimentés par les médias de masse et les mesures barrières. Ils nous rappellent et nous martèlent sans cesse que nous sommes en danger et vulnérables face au virus SARS-COV-2. Des idées qui se répètent, chaque jour, et s'ancrent de plus en plus profondément dans notre cerveau.
- Le virus est toujours là
- Il menace notre santé
- Le nombre de cas augmente
- Il faut se préparer à une deuxième vague
- Il faut se préparer à un nouveau confinement
- Porter un masque nous protège de la contamination
- Le vaccin est indispensable
- Seul le vaccin pourra nous sauver
Observer, comprendre à partir de faits réels et non pas à travers les filtres de nos peurs et de notre anxiété, c'est principalement cela qui nous évite de ruminer.
Selon Thomas Borkovec, pour évacuer notre anxiété, il convient dans un premier temps de prendre conscience de la pensée anxieuse au moment où elle se manifeste.
Ensuite, nous devons pratiquer une technique de relaxation sur le moment afin de la détourner. Cela peut être une séance de respiration profonde, un exercice de yoga ou une routine d'EFT.
Après cela, il est alors possible d'exercer son regard critique sur le contenu de cette pensée et de se poser un ensemble de questions.
S'agissant du SARS-COV-2, on pourrait notamment se demander :
- Le risque que cet événement que l'on redoute se produise est-il aussi important qu'on le pense ?
- Le virus est-il toujours là et tout aussi virulent que cet hiver ?
- Le nombre de cas augmente t-il vraiment ?
- Quels sont ces cas ?
- Y aurait-il un rapport entre le signalement des nouveaux cas et l'augmentation significative des tests ?
- Peut-on alors vraiment parler d'une reprise de l'épidémie ?
- De quoi s'agit-il exactement ?
- Dois-je vraiment porter ce masque toute la journée ?
- Quel est le risque de porter un masque pour ma santé et mon système immunitaire ?
- Pourquoi faudrait-il se préparer à un nouveau confinement ?
- Existe-t-il un moyen de parer à cette éventualité ?
- Comment fonctionne mon corps face à un virus ?
- Mon système immunitaire est-il efficace ?
- Comment puis-je le booster ?
Ainsi en remettant en question notre pensée anxieuse, et en envisageant un autre point de vue, cela permet de l'invalider. Ce travail de réflexion objective se fait en synergie avec l'état de relaxation, initialement mis en place. Il favorise en effet une meilleure disponibilité d'esprit et une plus grande concentration. Cela, grâce à l'amortissement des signaux d'inquiétude, transmis par notre cerveau émotionnel. De cette manière, nous ne cédons plus à la panique, nous utilisons sainement tout le potentiel de notre cerveau. Nous développons nos capacités critiques, notre pouvoir d'observation et notre réflexion. Nous nous libérons de l'emprise des nos peurs incontrôlées. Nous prenons tranquillement le temps d'observer la réalité.
Observer, comprendre à partir de faits réels et non pas à travers les filtres de nos peurs et de notre anxiété, c'est principalement cela qui nous évite de ruminer.
Des faits réelsBenoît Blanc, vice-président des médecins libéraux en Dordogne explique à l'antenne de Sud Radio le 24 juillet 2020* " Ce qu'on vous dit : " Les foyers épidémiques se multiplient ". On ne sait pas si les foyers se multiplient. Peut-être ? Mais on ne le sait pas. Ce que l'on sait, c'est que l'on teste alors que l'on ne testait pas. On teste, on le découvre... Mais pour savoir si ça se multiplie il aurait fallu avoir des comparaisons et donc, le testing, il aurait fallu le faire dès le départ... Donc on découvre parce qu'on teste. "
Concernant le risque d'une deuxième vague, il ajoute " Première vague, il y en a eu, oui : l'Alsace, le Nord, Paris. L'Aquitaine et l'Occitanie, est-ce qu'on peut parler de vague? Peut être une vaguelette... Pour parler de la deuxième vague... Je ne vois pas ce qui peut nous dire qu'il va y avoir une deuxième vague. "
Il précise que les vrais indicateurs ce sont les constats chiffrés sur le terrain. Il ajoute qu'en Aquitaine notamment, le nombre d'hospitalisations, le nombre de réanimations et le nombre de décès sont en diminution constante.
De son côté, Pascal Nakache, président d'honneur de la ligue des droits de l'homme de Toulouse, également invité à l'émission de Philippe Rossi, s'interroge sur les fondements de la décision de l'exécutif qui se prépare déjà à une deuxième vague " J'ai beau compulser un certain nombre de revues et de documents concernant la pandémie, je n'ai pas encore vu les chiffres sur cette seconde vague... En tout cas je n'ai pas l'impression que les chiffres aillent dans ce sens là... " A propos de l'obligation de porter les masques dans les lieux clos, il s'interroge également : " Sur quels chiffres s'appuient-on ? Sur quelles études ? "
Quant à Philippe Bilger, nous retrouvons dans ses propos au cours de la même émission au micro de Sud Radio, un exemple type de l'inquiétude et de l'anxiété contagieuse ambiante, propices à la rumination et à la fragilisation : " Moi j'avoue ma totale ignorance. Je suis un citoyen très frileux, très peureux. Ma seule obsession, c'est qu'on puisse revivre normalement un jour. Au fond, je m'en remets totalement à ce que décide le pouvoir. Je suis incapable d'apprécier le bien fondé. Je veux simplement qu'on m'offre les moyens de sortir de l'inquiétude singulière et collective qui est la nôtre. "
Pour sortir de son inquiétude, nous l'avons vu, Borkovec lui proposerait, dans un premier temps, de prendre conscience de sa pensée anxieuse et de pratiquer une technique de relaxation au moment où elle se manifeste. Ce qui lui permettrait de s'apaiser, de créer un espace de liberté entre lui et son inquiétude, favorisant sa capacité de prendre du recul, d'observer la situation sous un autre angle et d'exercer son esprit critique. Il pourrait par exemple s'intéresser aux résultats chiffrés de divers centres hospitaliers.
Voyons ce que déclare notamment le Pr Philippe Parola, directeur de service de soins et d'unité de recherche à l'IHU Méditerranée-Infection , le 24 juillet 2020** :
" Actuellement, la situation est comparable à ce que nous vivons depuis deux ou trois semaines. Nous continuons depuis le début de l'épidémie à tester tous les jours. Les résultats d'hier : sur 258 patients qui sont venus se faire dépister à l'IHU, nous avons eu 3 positifs. De façon plus large, le laboratoire, sur 600 prélèvements reçus de l'ensemble de la région, a diagnostiqué 17 nouvelles infections. Nous sommes dans le même profil de patients : des voyageurs, des petits clusters familiaux, des marins. Nous avons une attention particulière pour les soignants... Il y a quelques cas isolés, inexpliqués, d'où la nécessité de continuer à tester et à surveiller. Mais, au jour d'aujourd'hui, l'épidémie n'a pas redémarré, au moins dans notre région et dans ce que nous pouvons observer. " Concernant l'utilité de porter un masque, il précise " Est-ce qu'il m'est possible, moi, de convaincre les gens de son utilité aujourd'hui ? Non, parce que nous ne sommes pas en phase épidémique et je n'ai pas les arguments pour le faire. "
Voilà peut-être quelques éléments, parmi d'autres qu'ils pourront chercher personnellement, permettant aux personnes sujettes à l'anxiété ou à la rumination, d'ouvrir la porte à la cage de leurs pensées.
*Mesures contre le Covid : Avez-vous l'impression qu'on vous prive de liberté ? Les Vraies Voix - sur Youtube
**A quoi servent les masques ? - sur Youtube
Ouvrir la porte à la cage de nos pensées nous libère de notre anxiété