Retour à ce blog pour parler d'une cause malheureusement perdue, en tout cas à l'heure ou j'écris ces lignes.
En 2016, les éditions Warum éditent L'Heure des Lames, de Rob Davis. Ce livre est annoncé comme le premier tome d'une trilogie, intitulée Knive O'Clock. Et l'éditeur français est plus qu'enthousiaste, malgré le côté franchement atypique de cet album. Cet enthousiasme et l'insistance d'un libraire, luis aussi sous le charme, m'ont convaincu de sauter le pas. je dois aussi reconnaître être sensible à l'esthétique qui mêle swinging sixties et ce décor urbain qui évoque un Londre-sous-les-bombes assez inquiétant
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Rob Davis imagine un monde foncièrement original, qui semble à la fois complètement fou tout en restant terriblement cohérent. Nous sommes plongés dans un univers régi par des propres règles, selon une logique qui échappe au lecteur. Dans ce monde, les enfants construisent littéralement leurs parents, les objets du quotidien sont des divinités domestiques, il pleut des lames de couteaux et, surtout, le jour de votre mort est consigné au commissariat. Il est évidemment interdit de s'y soustraire.
Mais... qui est Vera Pike ?
L'histoire est difficile à résumer parce qu'elle intègre toute la folie de cet univers qu'il faut décrypter au fur et à mesure. Pourtant, la lecture n'est jamais fastidieuse parce qu'il se dégage une atmosphère entêtante, mêlant insouciance de la jeunesse, une fantaisie de tous les instants et un malaise diffus. Sans doute influencé par le look des personnages, qui rappelle vaguement les Mods, j'imagine une bande-son qui mélange les Kinks et le My generation des Who! (I hope I die before I get old... très ironique en considérant la situation de Scarper Lee), voire des Yardbirds.
Le deuxième volet, au titre toujours aussi mystérieux, La fille de l'ouvre-boite paraît l'année suivante. Il continue dans la même veine, levant par ailleurs le mystère sur les origines de Vera. Pour qui a aimé le premier tome, la suite reste très agréable, mais l'étrangeté de cette oeuvre a visiblement dérouté plus d'un, a tel point qu'après une longue hésitation, Warum a renoncé à publier le dernier volume, Le livre des fourchettes.Pour le moment, ça n'est pas prévu.
D'une part, parce que les ventes de la série sont tellement faibles que c'est un acte suicidaire que d'éditer le 3. alors que l'œuvre est géniale, l'accueil du public est malheureusement... très mitigé.
Pour le tome 2, nous avons réussi à toucher quelques ultimes fans dont je fais partie, mais ça ne dépasse pas les 500 personnes. (ce qui veut dire que, sur un tome 3, on en toucherait moitié moins). Or, ce genre de livre a un point d'équilibre élevé, plus proche de 1000 que de 250 acheteurs.
Du coup, pour le moment, j'essaie de trouver des solutions pour que la trilogie trouve sa fin, et, pour être honnête, je n'en ai pas encore le début d'une idée.
Vu mon niveau plus que suffisant en anglais, je me suis finalement rabattu sur l'édition originale. Pour être honnête, j'avais hésité à lire cette série en VO depuis le début, mais j'avais fait le choix de soutenir Warum, estimant que lorsqu'un éditeur prend des risques pour éditer un ouvrage difficile, il faut le soutenir. Il faut d'ailleurs souligner le travail de traduction, très ardu, tant Rob Davis utilise de néologismes issus de la rencontre parfois inattendue entre des concepts très étranges. Beaucoup de nuances devaient être difficiles à traduire, voire simplement à conserver.
La difficulté centrale lorsqu'il s'agit de clore un récit qui repose en grande partie sur un mystère est de réussir à donner des réponses satisfaisantes pour que la résolution soit à la hauteur des attentes. Rob Davis ne pouvait se contenter de laisser le lecteur avec une construction absurde qui ne répond qu'au bon vouloir de son créateur. Ce dernier tome alterne donc les aventures de Scarper et Vera tentant de rejoindre Castro, ce dernier occupé à compléter son grand oeuvre, et des pages de ce livre, qui compose une sorte de cosmogonie délirante, trouvant une origine logique à la folie de Bear Park. Au fil de ces pages, le lecteur se rend compte que tout cet univers n'est qu'une extension du nôtre. Non pas au sens littéral, mais parce que Rob Davis part de notre société et imagine ce qu'il pourrait advenir en poussant jusqu'à l'absurde les dérives de notre société actuelle.