Emmanuel Macron est encore à la télé, il s'auto-félicite sur un accord européen. Il a la trouille que la pandémie revienne, alors que le pays n'est pas prêt. Il a trop promis, il est nu.
Il lui reste la peur.
Comme Sarko.
Il était tout fier, ou bien il faisait mine de l'être. Mardi 21 juillet, Macron nous inflige sa présence à la télévision, une semaine à peine après le 14 juillet, pour célébrer "le moment le plus important depuis la vie de notre Europe et la création de l'euro"...
Un plan de relance européen à 750 milliards d'euros... 40 milliards d'euros sur ce plan de relance attribué à la France, et sur deux ans... soit 1% du PIB français... Macron a la relance modeste, très modeste. Si l'on veut être optimiste, on se consolerait en pensant que l'Europe nous rembourse la moitié du faramineux et inefficace CICE (cette aide de 40 milliards par an qui n'a servi à rien, sauf aux dividendes), pendant deux ans, et on remboursera quand même, mais plus tard.
Les 27 ont décidé 750 milliards d'euros de dépenses, pas le financement: " nous nous sommes engagés à créer de nouvelles ressources propres". Vraiment ? En fait, non. Il n'y a rien. Les 27 ont été incapables de se mettre d'accord pour taxer les pirates de l'optimisation fiscale en Europe. Ils ont même accepté de réduire à 390 milliards d'euros le montant des aides (qui devront être remboursées d'ici à 2058 au plus tard) et ils ont ajouté 360 milliards qui seront empruntés sur les marchés financiers, via la Commission européenne. Et un emprunt, ça se rembourse.
Macron ressemble à un gars tout ravi d'avoir décroché un crédit CETELEM.
" La force de ce projet, sa nouveauté, c'est précisément que ce n'est pas le contribuable français qui paiera cette dette, ce sont des acteurs (...) qui aujourd'hui ne sont pas assez sollicités et qui vont payer progressivement cette dette par la fiscalité européenne que nous allons bâtir. C'est là où tout se tient. "
Là, notons l'argument, inédit chez Macron... On dépense d'abord, on verra ensuite comment on finance.
Pire, Macron et Merkel ont accepté des coupes dans les contributions des États dits "frugaux" au budget européen commun... quelle solidarité !
Le projet d'un programme européen de santé (EU4Health) a été entièrement abandonné, en plein pandémie... Puisqu'on vous dit que c'est "le moment le plus important depuis la vie de notre Europe et la création de l'euro".
Ailleurs en Europe, en Espagne et en Italie où l'enveloppe européenne est bien plus conséquente, les ambitions sont toutes autres: le confondateur de Podemos semble ravi - " Le dogmatisme néolibéral qui a fait tant de mal à l'Europe du Sud a été corrigé." Il se réjouit du "renoncement historique de l'Europe à l'austérité" et de cette "manière d'affronter la crise économique diamétralement opposée à celle de 2008."
Il faut prendre le paradoxe pour ce qu'il est: cet accord est une entaille au dogme libéral, le COVID a eu raison de la doxa germanique qui interdisait l'endettement. Mais comme dans toute farce, il y un dindon, ou plutôt un coq, voire un poulet. Il est Français. Macron est venu vendre en France cet accord pour ce qu'il ne sera pas pour la France - un plan de relance sociale. L'Europe a dégagé des fonds, dont la France bénéficiera peu. Et Macron n'a pas été capable de revendiquer une solidarité sociale pan-Européenne si contraire à ses principes.
Peut on faire confiance à une Présidence des Riches pour devenir une République sociale ?
Non, et voici pourquoi.
On se rassure aujourd'hui en observant Donald Trump et Jair Bolsonaro, c'est dire si les ambitions macronistes sont élevées.
Le plus surprenant, ou pas, reste l'obstination du gouvernement à poursuivre sa politique de l'offre quand c'est la demande qui s'effondre: certes, les contraintes sanitaires renchérissent les coûts de production des biens et services, mais une majorité de PME déclarent qu'elles manquent tout simplement de clients. Pour la Fonction publique, même son de cloche: la nouvelle ministre, cette aristocrate ex-cadre du privé qui se félicitait d' " avoir fait le job" en supprimant l'ISF en 2017, a confirmé aux organisations syndicales que leurs salaires resteraient gelés, encore une fois.
Cette semaine, le gouvernement valide que la seule voix qu'il entend est celle de la protestation: quand Macron annonce le port du masque obligatoire dans tous les lieux publics clos, à une date finalement (heureusement) plus avancée (dès le 20 juillet), des voix s'élèvent pour réclamer des masques gratuits pour tous, et surtout les plus précaires. Dans les couloirs du palais, ça couine, ça proteste, ça rechigne. Macron lâche même mardi, " L'État - et le contribuable français - n'a pas vocation à payer des masques [...] pour tout le monde, tout le temps." "Donc je pense que ça doit rester une politique sociale ." Et il reste flou, alors que la solution est si simple: Est-ce qu'il faut une prise en charge complémentaire ? C'est un bon débat, je n'ai pas la réponse ce matin, mais je trouve que c'est une question qui se regarde attentivement "
Et finalement, le lendemain, son ministre de la santé confirme - 7 millions de foyers pauvres auront des masques gratuits: "La France ne laissera pas des personnes dans l'impossibilité de s'équiper en masques. (...) Nous allons envoyer 40 millions de masques grand public lavables, utilisables 30 fois, de manière à fournir 7 millions de Français qui sont au niveau du seuil de pauvreté - bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire -, de manière à ne leur demander aucune démarche."
C'est comme pour la revalorisation (modeste) des soignants: pourquoi faut-il toujours quémander, protester, pressurer, manifester pour arracher à la pingrerie de classe de cette Présidence des Riches le moindre soutien social de bon sens et d'équité ?
Donc il faut faire peur, accuser le manque de rigueur, le relâchement des gens, fustiger ceux qui ne portent pas les masques que le gouvernement a déclaré inefficace pendant toute la pandémie. Les masques sont nécessaires, les lits en réanimation aussi, les tests tout autant.
un " Une autre pétition, avec 20 000 signatures de jeunes 13 à 25 ans, réclament son départ et déclarent leur honte d' pays où 93 000 femmes sont victimes de viols ou de tentative de viol par an et où 57% des viols sont commis sur des personnes mineures."
Dans les colonnes du Figaro, Darmanin reprend l'argumentaire sarkozyste de 2007, celui de Marine Le Pen depuis et même celui-là même du suprémaciste blanc Laurent Obertone: " il faut stopper l'ensauvagement d'une partie de la société." Il faut faire peur, encore. Y-a-t-il plus sauvage que cette classe qui s'enrichit, frappe et mutile ?
Mais Darmanin a raison sur un point: "nous assistons à une crise de l'autorité". Car la Macronie a détruit le crédit de la police. Plus personne ne peut se sentir à l'abri de l'arbitraire policier, de la violence policière. La répression a frappé les gens de toutes sortes - des étudiants, des lycéens, des Gilets Jaunes, des retraités, des infirmières, des cheminots, des écolos, des parents d'élèves, des immigrés, des chômeurs, etc. " Les forces de l'ordre valorisent de plus en plus le caractère offensif et répressif de leur action au détriment d'autres pratiques de police" explique l'historien Emmanuel Blanchard dans les colonnes de Bastamag.
Le ministre suspecté de viol ne fait pas exception, incapable de comprendre et reconnaitre le discrédit de la police: " les policiers et les gendarmes nous protègent, et ils courent derrière les voyous".
Non, la police ne nous protège plus.
Un rapport secret de l'IGPN a été dévoilé par Mediapart et Libé. Il révèle que les flics ont caché comment ils ont tué le chauffeur Cédric Chouviat.
La police républicaine est nécessaire, elle fait peur quand elle ne l'est plus.
Ami sarkozyste, reviens. Ton mentor sort un livre de mémoires, avant son procès pour corruption cet automne.