Quelque soit son accoutrement, la pinup se reconnait à ce qu’elle son intention principale est d’en porter le moins possible : le fleuret, accompagné optionnellement du masque ou du coeur, va donc suffire amplement à habiller l’escrimeuse.
Article précédent : 2 Le coeur sur la poitrine
Aux deux bouts de la série chronologique, elle s’exerce à faire des brochettes de coeurs.
Carte postale italienne, dessin H Clemency, 1910-20
Cette ancêtre des pinups souligne la supériorité de l’escrime sur le duel, de l’arbitre sur les concurrents, et des affaires d’amour sur les affaires d’honneur.
Escrimeuse,
Vers 1930, photographie de Franz Loewy
Le mystère, souligné par l’ombre cornue, est dans l’objet caché dans la main gauche. Il doit s’agit de la mouche qui protégeait l’extrémité du fleuret : comprenons que la lame est aussi nue que la dame.
Dans les années 30, la pinup découvre le short, anticipant de quelques années les vraies escrimeuses.
Elle confirme le vertu fortifiante du fleuret pour la poitrine.
Couverture par Enoch Bolles, Film Fun, octobre 1933
Elle révèle enfin son secret : le spectateur a aussi un petit coeur à piquer.
James Montgomery Flagg, 1938, collection privée
Certains artistes audacieux explorent le charme trouble des accessoires de théâtre : perruque, cape et bottes mousquetaire.
1942, huile de Gil Elvgren pour le calendrier de la Louis F Dow Company
La même année, les deux maîtres du style pinup mettent en concurrence libidinale la blonde glaciale et la rousse qui s’échauffe.
« Si vi e cara la pelle » (Si vous tenez à la peau)
Publicité pour les lames de rasoir Alita, Milan, date inconnue (1943-50)
Le slogan à double sens évoque la peau sensible du client ou bien celle de l’escrimeuse.
Carte postale anti-japonaise
Le fleuret comme arme de destruction massive.
La paix revenue, l’escrimeuse peut servir à nouveau le sport…
Publicité pour Coca-cola, 1947
Publicités pour la crême à barbe Barbasol, 1949
… et les douces lois du commerce.
Bettie Page
Si le thème disparaît très vite aux USA, c’est parce qu’il est cannibalisé souterrainement par un même encore plus puissant, qui en reprend certains des codes sans s’embarrasser du coeur rouge. Mais ceci est une autre histoire.
On retrouve l’escrimeuse en France, petit retour sans lendemain.
L’actrice Barbara Darrow, 1955
De loin en loin, sa panoplie intéresse encore quelques starlettes…
George Petty, 1955
…ou un dessinateur retardataire.
Finalement, plutôt que de sombrer dans le vulgaire, elle choisit de passer à l’Est…
Andrey Tarusov, calendrier pour les Jeux olympiques de Rio de Janeiro, 2016
…où on l’a encore aperçue récemment.
Fin d’une histoire ?
Le thème des femme combattantes a envahi universellement l’imaginaire des graphistes. Mais dans cette déferlante de lutteuses musculeuses, sabreuses galactiques ou cosplayeuses en armes, les simples escrimeuses sont rares. Ci-dessous une sélection parfaitement subjective :
Zylphiacrowley, deviantart.com
Une confrontation directe évitée
Publicité pour Byrrh, Georges Léonnec, L’Illustration, février 1932
Au final, les illustrateurs ne se risquent guère, autrement que sur le mode humoristique, à élucider le rôle de la femme à l’épée face à sa victime symbolique : l’homme dont la lame a flanché.
Duel entre le prince Demetri et la princesse Wanda,
Carte publicitaire pour la pièce « L’assassin », 1906
Cette pièce haletante et toute en finesse fut jouée au Royal Theatre de Melbourne en juillet 1906. Le mauvais prince Demetri veut épouser la princesse Wanda, qui préfère épouser un anarchiste. Lors du duel final, le méchant prince russe est pourfendu à la satisfaction de tous [11].
Emilia Clarke, photographie de Norman Jean Roy, Harper’s bazaar US , Juin/Juillet 2015
Un bon siècle plus tard, le sexe fort ne cherche même plus à se faire embrocher.