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Carl von Clausewitz, La campagne de 1812 en Russie

Publié le 25 juillet 2020 par Antropologia

Carl von Clausewitz, La campagne de 1812 en Russie Bruxelles, Complexe, 2005.

Le hasard m’a mis dans les mains ce livre traduit en français en 1900 puis réédité en 1987 et 2005. On ne peut le lire qu’en parallèle avec La guerre et la paix de Tolstoï qu’à l’évidence, il a profondément inspiré. Nous pouvons y retrouver le rôle du hasard, le parcours des armées à la recherche de nourriture, la rivalité entre les généraux, le rôle des cosaques et bien d’autres aspects.

Ce militaire prussien, passé au service des Russes contre Napoléon rédige entre 1814 et 1824 le compte-rendu de la campagne de Russie à laquelle il a participé. On peut y trouver les matériaux pour une théorie de la guerre qui ressortent çà et là. J’y vois surtout une leçon d’observation et de poétique, presque de l’anthropologie.

A l’évidence lecteur de Kant – jugement analytique et synthétique – un autre Prussien, Clausewitz porte sur les informations auxquelles il accède le fer de la « critique historique » selon ses propres termes mais selon des modalités qui n’ont jamais été aussi actuelles.

Tel l’anthropologue enquêteur, il commence par préciser chaque fois sa place dans l’accès aux informations. Il dit quelques fois « je » mais le plus souvent décrit la place de « Clausewitz », parfois de l’« auteur ». Il répète sa méconnaissance du russe, ses postes successifs, ses relations avec les chefs de la guerre jusqu’à l’Empereur Alexandre. Surtout, partant de ce qu’il a observé – jugement analytique – il cherche à accéder au « jugement synthétique », à la théorie, aurait-on dit il y a peu.

Mais pour présenter des idées générales il a recours à un procédé poétique aussi efficace qu’original, il rompt la chronologie. La bataille de Borodino si émouvante pour tout lecteur de Tolstoï, est renvoyée à part, en fin de livre après la présentation de la fuite française, pour n’y voir, à la différence du romancier, qu’une conséquence stratégique de la retraite russe antérieure. Dès lors, il passe de considérations empiriques et statistiques, chaque fois suffisamment contextualisées pour que le lecteur puisse l’accepter comme une évidence à l’abstraction par la voie de la poétique.

Ce théoricien de la guerre devient aussi celui de la poétique, l’un s’appuyant sur l’autre, mais cette dernière face peut devenir la plus importante en tout cas pour les sciences sociales, en tout cas pour nous.

Bernard Traimond


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