Chroniques d’un anthropologue au Japon (13)

Vous n’avez pas envie de rentrer en France parfois ? Pas spécialement. Voir votre famille ? Ma famille vient au Japon chaque année. Mais, la nourriture ne vous manque pas ? Pas plus que ça, on trouve tous les produits dont on a besoin à Osaka ; et puis je n’aime pas l’ail.

Souvenirs

Un grand jardin, je veux dire, vraiment grand. Les cinq mille mètres carrés de terrain autour de ma maison, à Ychoux, dans les Landes. Les gens l’appelaient le château. Des fenêtres grandes comme des portes. J’y ai vécu entre mes 9 et 11 ans seulement. Des heures perdues à roder dans le jardin. Ou bien jouer à cache-cache avec B. et sa grande sœur. Utiliser B. aussi, comme bouc émissaire, pour se rapprocher d’elle. Un peu plus grande que moi, les cheveux bruns courts, de très jolis yeux bleus. J’ai oublié son nom. Je cherche encore.

Au coin de la rue, la seule fenêtre sur le reste du monde : une petite station service qui vendait des magazines. J’y achetais Player One, une revue de jeux vidéo, 30 francs, tous les deux mois. Une rubrique Dessins animés japonais, avec parfois des illustrations cochonnes que je cachais à ma mère. Quelques news dans les premières pages sur des technologies japonaises qui ne débarqueraient jamais ici. Je ne connaissais même pas encore Bordeaux. J’avais acheté un ancien numéro, avec un bon de commande postal. Le magazine était arrivé quatre mois plus tard. C’était le plus beau jour de ma vie.

Dans la forêt, les girolles, ou bien un champignon qui y ressemblait. Un peu plus petit, avec le chapeau plus sombre, mais le même parfum. Les livres disaient que c’était dangereux, qu’on pouvait se tromper. Moi, j’avais l’impression de pouvoir les reconnaître juste à l’odeur. Et je n’en suis jamais mort. Il était possible d’entrer dans la forêt, directement, n’importe où. Les arbres étaient assez espacés pour s’y promener confortablement. On pouvait grimper aux branches, traverser des petits cours d’eau en poussant des troncs au travers. Au Japon, la forêt est trop dense. Impossible d’y pénétrer sans chemin aménagé.

Rémi