Ni poésie, ni roman, ni récit poétique dans le sens courant du terme, il s’agit plutôt d’une suite de fragments en prose plus ou moins liés entre eux, sans début ni fin, et où seul compte le temps de la création. Au fil des pages, des personnages apparaissent et tissent une toile d’arrière-fond où l’on doit se perdre ; les voix qui la composent se mêlent tant et si bien qu’elles ne forment plus qu’un chœur unique : la voix de la naissance.
Il s’agit, dans ce livre, de reconstruire un espace intérieur, une identité fragile (celle de la voix principale du texte) tout en créant une seconde identité (celle de l’enfant de cette voix). Ces deux mouvements vont de pair et se fondent dans le tout qu’est la création littéraire, donnant ainsi lieu à une triple naissance : celle du livre en tant qu’objet ; celle de la voix poétique en tant qu’unifiée et solide malgré sa fragilité ; enfin, celle de l’enfant qui comme une étoile tombera dans la nuit.
À travers un lyrisme puissant et une écriture finement ciselée, le livre accède à cette triple naissance qui, tout en étant symbolique et métaphorique, s’ancre dans un contexte social bien défini : celui d’un pays meurtri – le pays de Taman et de Jeiran – où la vie est pourtant encore possible. Derrière la douleur et la tristesse qui traverse certains fragments du livre, c’est toujours l’espoir qui se cache et qui finit par l’emporter, comme l’ouverture d’un futur dans le présent.
Stéphane Lambion
« Hier soir mon jardin était dense, profond, comme serti de noir et de désir. Je l’ai regardé, j’y suis entrée comme dans un lac tranquille. J’ai eu besoin de le voir encore, j’ai besoin d’y revenir chaque jour, même si je ne sens qu’à peine ses odeurs et ne peux toucher ses arbres, ses pétales, ses murs. Il est l’horizon que je respire et qui me ramène à cette trace intérieure. J’y reviens chaque jour et à chaque fois j’ai besoin de le vérifier, de vérifier sa présence, son pouvoir sur moi, sa puissance changeante au fil des saisons. Je vérifie ainsi chaque lieu dans lequel je ne suis plus ; je le vois, il change mais il est toujours là, c’est bien, il est là, alors je peux le réinscrire dans le présent, le recouvrir des couleurs et du temps que je suis. » (p. 11)
Mathilde Vischer, Comme une étoile tombe dans la nuit, Samizdat, 2019, 116 p., 25CHF
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