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Le pays des autres, de Leïla Slimani

Publié le 15 juillet 2020 par Francisrichard @francisrichard
Le pays des autres, de Leïla Slimani

Le régiment d'Amine était stationné dans son bourg à quelques kilomètres de Mulhouse et ils avaient dû attendre pendant des jours des ordres pour avancer vers l'Est. De toutes les filles qui encerclèrent la Jeep le jour de leur arrivée, Mathilde était la plus grande.

A l'automne 1944, Amine, le Marocain, et Mathilde, la Française, se rencontrent. Elle a dix-neuf ans, lui vingt-huit. Ils s'aiment follement, au sens biblique, et, quelque temps plus tard, en 1945, ils se marient dans l'église du village alsacien où est né Georges, le père de Mathilde.

Ce mariage à l'église doit rester secret, parce que les autres ne comprendraient pas. C'est un crime d'épouser une infidèle, qui plus est devant son dieu à elle. Elle le lui promet. Car elle l'aime cet homme, qui, certes, fait dix centimètres de moins qu'elle mais qui est tellement beau et fort.

Lui aussi l'aime, mais une fois qu'elle le rejoint au pays, en mars 1946, il n'est plus le même. Après qu'ils ont passé des semaines à l'hôtel à Rabat, il l'emmène vivre chez sa mère à Meknès, avant qu'ils ne puissent partir pour le bled sur la terre de son père libérée par le locataire.

Ce n'est qu'au printemps 1949 qu'ils peuvent s'installer à la ferme paternelle, sur une colline isolée qui fait regretter à Mathilde l'agitation de la médina. Entre-temps, elle a donné naissance à Aïcha le 16 novembre 1947. Pendant quatre ans, ils connaissent toutes les déconvenues...

Le pays des autres est une trilogie dont ce volume est le premier. Lequel se déroule de 1944 à 1955, à la veille de l'indépendance qui, en 1956, mettra fin au protectorat de la France, mis en place en 1912. Très documenté, il restitue bien l'époque, avec toutes ses tensions humaines.

Le couple que forment Mathilde et Amine, dans un tel contexte, traverse des épreuves et cela n'est pas sans incidence sur leurs deux enfants, Aïcha et Selim, et sur leurs proches qui se trouvent partagés suivant qu'ils s'impliquent ou non dans les événements où la violence va crescendo.

Amine et Mathilde composent chacun avec les habitudes culturelles du pays d'origine de l'autre et, pour donner un sens à leur vie, se mettent l'un à se perfectionner dans l'exploitation de la propriété agricole, l'autre dans les soins médicaux prodigués aux gens de leur voisinage.

Dans les conflits qui embrasent peu à peu le pays, les Belhaj, c'est-à-dire Mathilde, Amine et leurs deux enfants, ne sont en fait d'aucun côté, ni de celui des gentils ni de celui des méchants, qu'il est d'ailleurs bien difficile de distinguer, puisque ce pays est au fond pour tous celui des autres.

   

Francis Richard

Le pays des autres, Leïla Slimani, 368 pages, Gallimard


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