( Kessel n'est pas mort. Il s'est peut-être déguisé en mort pour un nouveau reportage. Le prochain. Vous le lirez bientôt. Marc Kravetz, Libération, 25 juillet 1979)
Deux jours plus tôt, Joseph Kessel a tiré sa révérence après une vie bien remplie, une vie d'homme d'action, de journaliste et de romancier, autrement dit d'écrivain.
Né le 31 janvier 1898, dans une famille juive russe, il n'a que seize ans quand éclate la Grande Guerre. Journaliste à dix-sept, il écrit dans le Journal des Débats et, écrivain, y publie deux nouvelles à dix-huit.
Homme d'action, il s'engage en décembre 1916: Aspirant d'artillerie, en avril 1917, puis promu l'année suivante sous-lieutenant observateur au sein de l'escadrille S39... Et, en février 1943, il s'engagera dans les Forces françaises libres...
En 1923, il publie son premier roman, L'Équipage. Il n'y a pas pour lui de solution de continuité entre le journaliste et le romancier:
Quand le talent parle il n'y a ni journalistes ni romanciers. Il y a des écrivains. Mais ce qu'il faut dire - et qui m'est particulièrement agréable à reconnaître, car je le sens comme un devoir de gratitude - c'est que le métier de journaliste donne rapidement, fortement, richement, une matière première qui fait le capital du romancier. ( Le Journal , 1927)
Joseph Kessel a du talent. Et ce talent ne lui vient pas de nulle part: , chez ( S'il a du talent, c'est [...] qu'il a beaucoup lu, réfléchi et appris de quelques modèles Tolstoï plutôt que chez Dostoïevski: Chez Tolstoï l'homme n'est jamais absolument bon ni absolument mauvais; et n'est-ce pas la vérité? Les Nouvelles littéraires, 1925)
Dans le même entretien accordé aux Nouvelles littéraires, il précise ce qu'il entend par style: C'est un organisme à crémaillère: chaque phrase doit posséder comme une sorte d'hameçon qui l'accroche à la suivante ... Le style du romancier-conteur qu'il est...
Comme le dit à son propos Henri de Régnier, en 1931, dans une critique de son ouvrage Le Coup de grâce: Il n'a rien d'un moraliste; il est un dramaturge puissant qui se plaît à placer ses personnages dans des situations violentes ou tragiques.
Gilles Heuré observe que l'appréciation est juste et vaut autant pour le journaliste que pour le romancier. Aussi à la question: Joseph Kessel est-il politisé? Gilles Heuré peut-il répondre: Plus qu'à leur appartenance politique, Kessel s'intéresse aux hommes, à leur densité, à leur caractère, à leur violence, légitime ou gratuite, à leur parcours franc ou sinueux.
Joseph Kessel a écrit et non pas pour une élite: Dans l'histoire littéraire, il y a toujours eu un camp dogmatique, exclusif. On y proscrit tout ce qui n'est pas d'un ordre introspectif rigoureux. Ou d'une facture quintessenciée ou relevant de la recherche formelle hermétique.
Le 6 février 1964, dans son discours de réception à l' Académie française, où il succède au duc de La Force, il s'adresse en ces termes à l'honorable assemblée:
Vous qui formez la plus ancienne et l'une des plus hautes institutions françaises, vous avez marqué, sans même y penser et d'un geste d'autant plus précieux, vous avez marqué, par le contraste singulier de cette succession, que les origines d'un être humain n'ont rien à faire avec le jugement que l'on doit porter sur lui.Francis Richard
Album Kessel, Gilles Heuré, 256 pages, Gallimard
Albums précédents:
Album Gary, Maxime Decout, 248 pages, Gallimard (2019)
Album Beauvoir, Sylvie Le Bon de Beauvoir, 248 pages, Gallimard (2018)
Album Perec, Claude Burgelin, 256 pages, Gallimard (2017)
Album Shakespeare,Denis Podalydès, 256 pages, Gallimard (2016)
Album Casanova, Michel Delon, 224 pages, Gallimard (2015)
Album Duras, Christiane Blot-Labarrère, 256 pages, Gallimard (2014)
Album Cendrars, Laurence Campa, 248 pages, Gallimard (2013)