La Seine n'est rien, un fleuve assez provincial auquel ses berges, ses villes, ses écrivains et ses peintres tournent le plus souvent le dos, et qui n'apporte rien d'autre que l'occasion de rêver à de grands voyages ultramarins.
L'or du temps est une expression d'André Breton, qui le cherchait... François Sureau le cherche lui aussi en descendant le fleuve de la source à la mer, en la compagnie et à l'école d'un étranger inconnu, Agram Bagramko.
Celui-ci, aux origines imprécises, serait un peintre disciple d'André Breton. Il aurait fait le récit de ce périple séquanien, plus ou moins imaginé, dans Ma source la Seine, un livre inspiré et réservé aux initiés tels que Sureau.
Il y a trois livres en ce volume:
- Livre I: Des origines à Draveil
- Livre II: Mystiques parisiennes
- Livre III: Mes cercles dérangés
Au début du volume, une carte représente les méandres de la Seine, du Plateau de Langres jusqu'à Paris. Le long du fleuve s'égrènent les noms des villes qu'il traverse et les noms des personnages dont François Sureau fait le récit.
Un grossissement de Paris, en bas, dans l'angle gauche de la carte, révèle d'autres noms de personnages, qui se répartissent sur la rive droite et sur la rive gauche, évidemment plus nombreux sur la première, superficie oblige...
Dans le livre I François Sureau part sans bouger de chez [lui] des origines jusqu'aux abords de Paris. Il fait le récit de ces rencontres avec des personnes oubliées avec une lucidité, qui n'exclut pourtant pas la bienveillance.
Parmi elles, il y a ce clochard qui vivait, à la fin des années 1950, sur les berges de la Seine entre le Pont-Neuf et le pont Alexandre III. C'était un avocat de Troyes, qui, jeune encore avait tout quitté pour vivre à la cloche:
Ce juriste fin et discret avait un jour commencer à donner quelques indices de singularité. Il s'était mis peu à peu à dire la vérité à ses clients...
Il y a Maurice Genevoix et son Ceux de 14, un monument d'humanité, d'intelligence et de style, qui reste enfoui alors que des épaves littéraires que sont Le feu de Barbusse ou les croixde bois de Dorgelès lui sont préférées...
Il y a Wladimir Ghyka, né en 1873 à Constantinople, converti au catholicisme en 1902 à Paris, où il est ordonné prêtre en 1923, incarcéré au fort de Jilava en Roumanie, où il est mort sous les coups et les privations en 1954:
Par cette distraction dont il devient l'objet Dieu ne distrait de rien. Dieu ne distrait que du mal.
Il y a Archibald Dromard, officier du SDECE, élégant patriote, comme tel en guerre contre tout le monde anglais, chinois, anciens nazis et diplomates du quai d'Orsay. Georges Lautner l'a mis en scène dans les films de sa série Le Monocle:
Le commandant Dromard a, pour l'éternité vacillante de cet art de genre, les traits de Paul Meurisse.
Francis Richard
L'or du temps, François Sureau, 850 pages, Gallimard
Livre précédent:
Sans la liberté (2019)