L'or du temps - Livre II: Mystiques parisiennes, de François Sureau

Publié le 06 août 2020 par Francisrichard @francisrichard

Comme dans le livre I, en la compagnie et à l'école d'un étranger inconnu, François Sureau déambule Agram Bagramko, qu'il n'a pas connu mais dont il a lu Ma source la Seine et dont il a fréquenté un des amis, un dénommé Grigoriev, à la surprenante longévité...

Au nombre de ses Mystiques parisiennes, figurent Port-Royal et Blaise Pascal dont l'auteur fait le fondateur de la RATP (Régie autonome des transports parisiens):

En novembre1661, Roannez et Pascal fondent, avec le grand prévôt de l'Hôtel et le Grand Échanson de France, une société ayant pour objet d'exploiter "des carrosses qui feraient toujours les mêmes trajets dans Paris dans un quartier à l'autre, savoir les plus grands pour cinq sols marqués, et partiraient toujours à heures réglées, quelque petit nombre de personnes qui s'y trouvassent, même à vide s'il ne se présentait personne"...

Lorsque les religieuses rebelles de Port-Royal, de ville comme des champs ( C'est leur rébellion qui est insupportable et non pas son objet ), sont excommuniées de fait par l'évêque Péréfixe ( Ce n'était pas un persécuteur de profession, seulement un fonctionnaire mitré ) et leurs aumôniers exilés, François Sureau remarque:

Même s'il se couvre souvent de ridicule dans la personne de ses représentants, l'État conserve en général le dernier mot, et c'est bien la raison pour laquelle tant de gens aspirent dès leur jeune âge aux emplois publics.

Les habitués de longue date de la Gare de Lyon reconnaîtront ce qu'en dit l'auteur:

La gare de Lyon n'est pas tout à fait restée la même. Faute de temps, d'argent et de goût, le présent y a recouvert le passé d'un badigeon infâme. Le rose et le bleu dominent. Le chef de gare ou ses supérieurs sans casquettes, tapis dans leurs bureaux directoriaux, ont dû penser que ces couleurs avaient des vertus apaisantes.

Ancien membre du Conseil d'État, sis place du Palais-Royal, il peut se permettre de dire:

Les membres du Conseil baptisent "décisions" leurs jugements , moins par modestie que par secret orgueil.

A partir de propos qu'il tient sur Isabelle Adjani - Adjani est au centre de la rive droite - il écrit:

L'amour des héroïnes classiques se mesure à l'adversité. Il triomphe au nom des obstacles. L'amour moderne ne se heurte qu'à lui-même.

spirituelle S'il n'y a pas d'actrice plus profondément qu'Adjani, c'est parce qu'elle ne vise pas à incarner le sujet ou l'objet de l'amour, mais l'amour lui-même.

Plus loin, il dresse le portrait de Richelieu. Il ne faut pas se méprendre. Il s'agit du ministre de Louis XVIII, qui, bien avant de l'être, fut le roi d'Odessa :

Odessa est une utopie, mais qui présente l'avantage de réussir, une République américaine sans esclaves. Son paradoxe est d'être gouvernée par un aristocrate auquel tout revient, et que les visiteurs étrangers prennent pour le "roi d'Odessa". "Ce roi est d'autant plus obéi qu'il est éclairé, écrit Michel Gurfinkiel, et qu'il vit comme un saint." Il ne s'est pas fait bâtir de palais et continue d'habiter dans la première maison qu'il a trouvée, en 1803, avec une quinzaine de protégés. [...] Averti de tout, il ne spécule sur rien, ne prend contrairement aux usages du temps, aucune part aux affaires qu'il autorise...

Ces quelques exemples montrent que l'auteur s'intéresse à beaucoup de choses et que, dans ce livre II, tout aussi inclassable que le livre I, dans ce volume baptisé , où réel et imaginaire font bon ménage, il laisse libre cours à sa plume, et aborde, de digression en digression, bien des sujets qui lui tiennent à coeur.

Francis Richard

L'or du temps, François Sureau, 850 pages, Gallimard

Article sur le livre I:

Des origines à Draveil (3 août 2020)

Livre précédent: