Il y a le storytelling que l'on nous fait, et il y a l'histoire que l'on se raconte. Ce n'est pas la même chose.
On a souvent tendance à voir ce storytelling dont nous sommes l'auditoire, pour ne pas dire la cible, comme beaucoup moins honorable que l'histoire que l'on se raconte. Après tout, on sait ce qu'on fait bien plus qu'on ne sait ce que l'on est en train de manigancer à notre égard. Forcément, quand il y a storytelling, on ne sait pas ce qu'il y a derrière les apparences, non ?
Non, évidemment, sinon cet article n'aurait pas lieu d'être.
Je vais utiliser, pour illustrer ce que je veux expliquer, un exemple tiré du marketing. D'une partie très précise de la stratégie marketing en fait : la segmentation. Vous le savez : les marque ne veulent pas avoir une relation avec chacun d'entre nous. Chaque marque s'intéresse à certains d'entre nous seulement. Donc parfois, quand on s'énerve contre certaines marques, c'est juste parce qu'on a écouté aux portes, la marque ne nous parlait pas à nous. Bon, si aucune marque ne s'intéresse à vous, jamais, il faut aussi se poser des questions... Passons.
Voilà la description d'un persona, segment cible du marque :
Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec le mot persona : il s'agit de la personnification d'un segment du marché d'une marque. Parce qu'on se représente mieux une personne qu'un tableur Excel, tout simplement.
"Homme. Entre 25 et 35 ans. Divorcé avec 4 enfants, issus de plusieurs unions. Ne vit avec aucune des mères de ses enfants. A eu son bac mais n'a pas été plus loin dans les études. Travaille aujourd'hui dans une grande entreprise mais n'a pas de fonctions d'encadrement".
Là, je suis sûr, vous vous racontez une histoire sur ce persona, cette personne. Quelle est-elle, quel est ce storytelling ? Forcément, cela sera différent suivant chacun d'entre nous. Nous avons tous notre propre histoire, que nous confrontons à celle-ci. Globalement, toutefois, il y a fort à parier que l'histoire ne sera pas hyper reluisante.
Pour être précis, cette description est issue de la segmentation la plus commune : en fonction de critères dits démographiques. Très classique en marketing. Pendant longtemps, les marketeurs ne sont pas beaucoup sortis de ces critères. Ils étaient jugés globalement suffisants.
Continuons ce storytelling :
Voici d'autres éléments de description du même persona.
"Agressif mais passionné. Travaille dur pour ce et ceux qu'il aime, sa famille notamment. Est très persévérant dans ce qu'il fait. Adore apprendre de nouvelles choses, tous les jours s'il le peut. Adore le sport et en pratique au moins un tous les jours"
Ah, là, il apparaît sous un jour différent. On n'était pas loin de le cataloguer dans la catégorie des cas sociaux, et là, il devient plus intéressant. C'est qu'on est aller chercher plus profondément. Au delà des critères démographiques : au rayon des comportements et des attitudes. On se raconte parfois bien trop vite certaines histoires, notamment sur les gens.
Encore des précisions supplémentaires sur ce persona - histoire :
Voici des phrases que ce persona prononce à propos de lui-même (il vous en prie, comme dirait l'autre !) :
"Je ne suis pas perfectionniste, mais j'aime que les choses soient faites comme elles doivent l'être. J'ai une faim d'apprendre qui n'a pas de limites, de m'améliorer, d'évoluer. Et ce n'est pas pour faire plaisir aux autres, pas seulement du moins, mais pour être fier de moi-même. Je pense qu'il n'y a pas de limites à ce qu'on peut apprendre et qu'on peut apprendre a tout âge".
Oui, les personas parlent. C'est une des parties amusantes que de faire parler les personas quand on fait du marketing. Il y a un peu de travail de scénariste de cinéma dans ce job. On est allé encore un peu plus profondément dans le travail de segmentation, dans l'analyse des valeurs du persona.
Et voilà l'histoire que l'on se raconte à soi-même qui change encore un peu.
Au début, nul doute qu'on imaginait que ce persona vivait dans une banlieue pas très recommandable, dans un appartement plutôt sordide. Que son quotidien était bien banal, ses soirées entre copains peut-être assez arrosées... Et maintenant, on a peut-être même envie de faire sa connaissance. On se dit qu'il a des choses à nous apprendre, pourquoi pas... Qu'il mérite d'être connu en tout cas.
Il faut que je vous dise...
Ce persona est en réalité... une vraie personne. Oui, une personne précise qui existe vraiment. Et que la plupart d'entre nous connaisse. Ou du moins, la plupart des gens en ont déjà entendu parler.
C'est... Cristiano Ronaldo. Le footballeur. L'un des meilleurs joueurs du monde depuis des années, éternel rival de Lionel Messi pour occuper la place de meilleur joueur de l'année.
Etonnant, non ? De s'être trompé à ce point sur ce persona - personnage - personne.
Qu'avons-nous fait pour nous tromper : quel a été notre storytelling ?
Nous sommes restés en surface. Vous connaissez la métaphore de l'iceberg. 1/3 de l'iceberg est en surface. Ce qui ne se voit pas est en dessous : les 2/3 donc. Et ces 2/3 sont justement la partie la plus importante, la plus riche. Ce n'est pas seulement une question de volume.
Nous en sommes restés à des préjugés. Et même quand nous descendus un peu plus en profondeur, nous n'étions toujours pas assez loin, nous n'avions pas assez creusé pour voir tout ce qu'il y avait à voir pour se raconter une histoire avec le moins de préjugés possible.
Chez Storytelling France, nous ne croyons pas qu'un storytelling de surface ait un quelconque intérêt. On nous a déjà demandé de faire un travail de storytelling de surface, parfois, mais je dois vous avouer que ce type de collaboration ne s'est jamais bien terminé. Il aurait fallu pour ça dire oui et amen au client et... pour le meilleur et pour le pire on ne sait pas faire ça. Le client est roi, oui, mais pas pour faire n'importe quoi.
Alors, du storytelling oui, mais avec un vrai travail en profondeur !