Le Liban vient de vivre un drame sans pareil.
Deux fortes explosions ont secoué Beyrouth, ce 4 août, semant morts et désolation.
Selon le dernier bilan du gouverneur de Beyrouth, la catastrophe a fait au moins 158 morts, plus de 6 000 blessés et 300 000 sans-abris.
A l’origine de la déflagration : un stock de 2.750 tonnes de nitrate d’ammonium stockées dans un entrepôt. Cette substance est bien connue chez nous pour avoir causé l’explosion de l'usine AZF à Toulouse (2001).
Pour des raisons qu’il reste à éclaircir la combustion a ravagé l’entrepôt dont on connaissait, depuis longtemps, la nocivité potentielle. Les explosions s’en sont ensuivies, meurtrières, laissant la ville dans un état chaotique de fin du monde.
Notre Jupiter national s’est rendu sur place, très vite, en lançant comme un « je vous ai compris ». Emmanuel Macron a assuré le soutien de la France en laissant poindre la nécessité de réformer le pays du cèdre, sérieusement enlisé dans la corruption de ses dirigeants !
Car un tel accident n’aurait jamais dû se produire dans un pays où la démocratie circule en toute liberté.
Hélas, le Liban, déjà atteint d’une crise économique, supporte depuis longtemps un régime vérolé par les combines, les passe-droits, les dessous de table.
Le Président de la République, Michel Aoun, avoue lui-même avoir été informé de la présence du produit dangereux, seulement le 20 juillet dernier alors qu’il était en poste depuis 6 ans ! Toutefois, il n’a jamais pu ordonner le moindre déplacement du stock à défaut de prérogatives nécessaires attribuées à son poste !
Dans ce pays gangrené, les banquiers, les politiciens mafieux mènent le bal et, maniant les rouages du pouvoir, freinent des deux pieds pour éviter que la moindre avancée positive pour le peuple nuise à leurs petits intérêts personnels.
Le peuple, après avoir encaissé le choc, s’est mu dans la résilience et la colère. Un parfum de jasmin est monté dans les rues.
La jeunesse encadrée par des militaires à la retraite s’est ruée contre les édifices gouvernementaux. La colère a gagné les rues acculant le gouvernement a démissionné.
Tout reste à faire au Liban : les aides humanitaires sont impératives puis viendra la reconstruction des immeubles.
Une page devrait se tourner pour aboutir à un système politique épargné par les scories mafieuses. Mais la situation sera difficile : les bénéficiaires de l’ancien régime feront tout pour conserver une part de leurs avantages tandis que, déjà, beaucoup de jeunes lorgnent vers l’étranger, vers un exil salutaire puisqu’ici « rien ne leur est proposé ».
Deux immenses tonnerres, brisures, déflagrations
Beyrouth enseveli sous les gravats d’enfer
Le regard éborgné vers l’ombre d’une mer
Qui pleure en ses marées cette désolation
Nitrate d’ammonium en stockage funèbre
Contait de fatalisme l’éminence du feu
Les cris d’apocalypse, la terreur dans les yeux
L’ineffable chaos qui rejoint les ténèbres.
Souffles impétueux d’années d’impéritie
Le péril opérait sous des regards tacites
D’un pouvoir ossifié de crédos illicites
Corrompu jusqu’au fond de son derme flétri.
Décisions sclérosées dans le lit des prébendes
Où s’endorment banquiers dans des rêves d’égo
Tandis que d’une lune émerge le chaos
Les étoiles vidées de lueurs sarabandes
Le port n’est qu’une plaie de décombres maudits
Où survit l’indigent que l’avenir apeure
Une rue mutilée enfante sa douleur
Les quais noirs, éventrés, se meurent dans un cri.
Le cèdre a tant gémi en regardant le ciel
Les nuages blanchis de vaine providence
Il a pleuré les morts dans les plis de l’absence
La rage d’un sanglot, le deuil en traits de fiel
Puis, du profond secret de cette Terre fière
Il a senti monter la sève des racines
Nourrissant, tel un cœur d’une source divine,
Un jardin de combat, aux effluves altières
Il a vu le drapeau crier l’ignominie
A la face des rois pantelant sur le trône
Se lever le matin des ires mégaphones
Des parfums de jasmin aux aplombs infinis !
Les puissants frelatés ont laissé place claire.
A l’horizon frileux de cette démission
Naviguent en fantômes d’indicibles questions
Où se perdent déjà les cédraies visionnaires
Jupiter, en ces lieux, a promis le salut
Le soutien cocardier et les mannes d’Europe
Au large des trafics et des voies interlopes
Tant de bouches à sauver, tant de ventres ténus !
Beyrouth attend le vent dans les ailes syriaques
Du serin souverain au nid de probité
Sur les visages las par des masques celés (*)
Le soleil irradie de douceurs élégiaques…
(*) La Covid 19 est présente, également, au Liban. La crise sanitaire amplifie les difficultés.