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Benaouda Lebdai : Winnie Mandela - Le mythe et la réalité

Par Gangoueus @lareus
Benaouda Lebdai : Winnie Mandela - Le mythe et la réalité
Je l’ai dit, mon blog sommeille un peu alors que j’ai eu un moment avec des ami(e)s passionnés de littérature ou écrivains pour le 13ème anniversaire de mon blog. Je prends toutefois du plaisir à remettre le pied à l’étrier avec une chronique tentant d’analyser la biographie de Winnie Mandela proposée par Benaouda Lebdai...
Le critique Algérien est un spécialiste de la littérature sud africaine. Il a travaillé sur de grandes figures de cette littérature comme JM Coetzee, Nadine Gordimer, Breyten Breytenbach. Quand je lui ai demandé dans le cadre du talk-show Week-end Africain la raison d’une nouvelle biographie sur Winnie Mandela, il a souligné sa volonté de produire un discours présentant la militante et femme politique sous un angle moins orienté, moins centré sur le meurtre  de Stompie dans les années 80 ou encore sa séparation en 1997 avec Nelson Mandela. Parler de Winnie Mandela lui permet même de mettre en exergue les similitudes de l’action politique de la sud-africaine avec celle de la militante FLN Djamila Bouhired. Et ces points de rapprochement sont nombreux. Lebdai souligne son angle d’attaque :
«  Ma lecture de sa vie se fait d’un point de vue féministe. En ce début de 21ème siècle, interpréter l’histoire des résistances africaines à travers la perspective des expériences de femmes militantes peut apporter de l’espoir aux millions de femmes africaines qui luttent au quotidien pour leur survie » p.20 (éd. Casbah)

On peut donc décomposer l’affaire Winnie Mandela dans les étapes suivantes : Enfance, adolescence et formation dans le Transkei. The meeting with Mandela. Les années sombres : incarcération, tortures, résidence surveillée. Le féminisme.

Adolescence et formation

Comme Mandela, Winnifred Nomzamo Zanywe Madizikela est xhosa et elle vient du Transkei. Fille d’un enseignant xhosa et d’une femme métisse. Ce genre de détails sur l'origine de sa mère peut paraître futile. Mais il aura un impact dans la construction de l’identité de Winnie Mandela. Elle est en effet traitée de manière assez dure par ses tantes paternelles qui n’ont jamais digéré cette mésalliance du père de Winnie avec une «  étrangère ». Très rapidement, elle va se définir. Pas forcément en dehors des codes xhosa mais avec une lecture très personnelle des événements, des us et coutumes, en tant que femme avant tout dans un système très patriarcal. Winnifred signifie en allemand « Femme libre », Nomzamo « procès » et Zanywe pour « épreuve ». Elle n’a pas échappé à son destin. Et même si ce n’est pas le propos de Benaouda Lebdai, je me suis posé la question du sentiment que peut être une telle vie.                                                                                                                                            
Quand Winnifred Madizikela rencontre Nelson Mandela, le timing est millimétré. Il est parfait. C’est à la fois le fruit du hasard et des connexions dans le milieu militant de l'ANC. Mandela sort du divorce avec sa première femme. Winnie, avant de rencontrer ce héros, est déjà une femme indépendante, formée comme assistance sociale et dotée d'une conscience de l’engagement politique:
« Elle avait une conscience sociale aiguë et sa conscience politique ainsi que sa maturité politico-sociale acquise tout au long des jeunes années  allaient la mettre en phase avec le chef de l’ANC.[…] L’argument à contre-point est que Mandela a continué à d’intéresser à elle après le premier contact, c’est précisément  parce qu’il avait été impressionné par sa maturité politique et ses engagements sociaux dans les townships » p.55 (éd. Casbah).

Engagement politique

Concernant la rencontre et l’engagement avec Nelson Mandela, elle est complexe. Elle va servir l’ambition de ces deux figures pour l’Afrique du Sud sous le joug du système inique de l’apartheid. Un engagement total. Une absence très rapide de Mandela sous la pression d’un long procès, puis son incarcération. Winnie Mandela va être pendant ces années sombres d’une force. Elle ne part passe ne s’exile pas avec ses filles. Elle est la principale militante de l’ANC présente en Afrique du sud. Elle participe a exercé une pression sur le pouvoir Afrikaner, elle maintient le nom de Mandela dans l’esprit des sud africains et de la communauté internationale. Elle va payer dans sa chair par des incarcérations régulières plus ou moins longues, fait de séances de torture physique et psychologique.  Le combat tel que peu d'entre nous l'envisage. Puis le bannissement de Soweto, où elle a toujours été très proche de la population, pour Brandfort où elle découvrira d'autres réalités. Personne mieux que Winnie Mandela ne mesure le pouls de cette population écrasée de Soweto par le système imposé par les Afrikaners. Et on peut comprendre l’impossibilité pour Winnie Mandela de faire des compromis. Même à la libération de Mandela. Elle me renvoie aux figures féminines que met en avant Sylvia Serbin dans son ouvrage Reines et héroïnes d’Afrique (Ed. MenuMeter). Elle élève deux filles dans ce contexte.

Féminisme, mythe et littérature comparée

Benaouda Lebdai nous propose un développement du combat féministe de Winnie Mandela. Et d’une certaine manière explique la mise à l’écart des instances de décision de l’ANC à la libération et à la prise de pouvoir de Mandela. Le machisme est en partie une des raisons de cette mise à la cathode. 
«  Au cours de notre lutte dans ce pays, les femmes noires ont dû beaucoup se battre et pas seulement au sens politique. Il nous a fallu lutter contre la domination masculine d’une façon plus complexe. Il y a choc culturel quand une femme noire devient politiquement active, elle dont la place traditionnelle est au foyer. Mais pour nous ce n’est pas seulement affaire de coutume. nous sommes d’éternelles mineures aux yeux la loi. Il n’est pas facile, dans ce contexte, pour une femme de s’affirmer en tant  qu’individu et militante politique »  ( Winnie Mandela,  Une part de mon âme, op-cit. 103). 

Mais au-delà du mythe il y a la réalité. Benaouda Lebdai emprunte à la figure de Pénélope. Le parallèle est intéressant et au final évident. L’histoire de ce couple peut s’apparenter à celle que nous connaissons relativement de l’Odyssée. L’attente de Winnie Mandela nous renvoie à celle de Pénélope. Benaouda Lebdai étend l’expérience en analysant le roman de Njabulo Ndebele, Le lamento de Winnie Mandela (Ed. Actes Sud, titre original The cry of Winnie Mandela). Ici ce sont quatre femmes sud africaines qui se reconnaissent dans l’attente de Winnie, dans le harcèlement sinon l’agression des prédateurs mâles. Ici, l’essai porte sur le féminisme qui de mon point de vue, est le propos central de Lebdai.  
Plus on progresse dans le texte, plus le style devient intéressant et le propos de Benaouda Lebdai. Je vous laisse découvrir le pont qu’il fait une figure importante de la lutte de libération algérienne, à savoir Djamila Bouhired. Une connexion qui nous rappelle ces luttes de libération qui sont allés jusqu’à leur terme et la place si importante des femmes que les pouvoirs une fois installés tendent à minorer sinon effacer la trace. Il ne sera pas ici question des aspects délictueux de Winnie. C'est un juste équilibre qui me donne de regarder cette femme différemment et, comme toute bonne critique, l'envie d'en savoir plus sur cette grande dame.
Benaouda Lebdai : Winnie Mandela - Le mythe et la réalité
Editions Casbah, 157 pages, Alger 2018

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