On l'a raillé, haï, vilipendé. Une crédibilité rock proche de celle de Bono justement présent lors du méfait. Car un beau jour Bob Geldof, leader beau gosse des Boomtown Rats, l'un des très rares groupe punk nord-irlandais qui comptent (l'un des rares groupes nord-irlandais tout court) s'est piqué d'humanitaire.
C'est ainsi qu'après deux excellents premiers albums - The Boomtown Rats (1977) et A Tonic For The Troops (1978) - s'en sont suivis un tube ("I dont like Mondays"), un virage plus commercial, une mise en sommeil du groupe... jusqu'à ce jour fatal.
En Mondiovision, devant plus de deux milliards de téléspectateurs, est retransmis un double concert réunissant le gotha (wanna gonna) de la pop anglophone du moment. A Londres et à Philadelphie simultanément, excusez du peu.
Pendant des heures, tout ce que la planète compte de hip et de bling s'acharne à reprendre les refrains du groupe voisin, à grands renforts de messages de paix. Les grands absents à la manifestation, les Stevie Wonder, les Michael Jackson sont à la limite de l'intifada.
Les concerts se succèdent, tous plus dégoulinants et boursouflés les uns que les autres, invariablement ratés avec multiples pains, paroles déformées oubliées (normal, les artistes n'ont pas eu le temps de répéter), un désastre musical.
Bob Geldof ira exhiber triomphalement un gros chèque devant Elizabeth II, acquerra pour l'éternité fame and fortune et se fera même anoblir par Sa Gracieuse (la honte). Notre homme aura du mal à se remettre de tout ce bain de louanges et de sarcasmes. Son groupe définitivement mis en sommeil, il incarnera pour l'éternité ce parvenu à l'ego démesuré qui a voulu se faire mousser en faisant cohabiter Phil Collins et Led Zeppelin.
Il n'empêche. Un an après le retour gagnant des Specials et fort opportunément l'année du Rat selon l'horoscope chinois, l'on s'aperçoit que le groupe d'Ulster presque au complet a de beaux restes. Pete Briquette le valeureux bassiste et claviériste qui produit le disque et coécrit quelques titres avec Geldof est bien sûr de la partie. Notre clochard céleste est en voix et tout cela démarre par une déclaration d'intention : "Trash glam baby" que Mott The Hoople avait véritablement oublié d'écrire.
Le disque inclut quelques rock boogie irrésistibles façon "Rock'n'roll yé yé", "Monser monkeys" ou "She said no" sorte de pub-rock avec un Geldof déchainé à l'harmonica, un délirant chill-out sous forme de manifeste autoproclamé ("The boomtown rats" !)
Mais aussi quelques délicieux mid-tempos ("Here's a postcard", la délicieuse "Passing through") qui relèvent d'une grande pertinence. Ou d'autres très radiophoniques ayant vocation de pilonner ("Get a grip"). Et toujours ce phrasé dylanien, ces intonations quasi Jim Lowe (Electric Prunes).
Sur le papier, un disque mineur d'un groupe sur le retour n'ayant plus rien à prouver et désireux de se faire plaisir. A l'arrivée, une décharge à la fois sans prétention et véritablement jouissive. Les Boomtown Rats signent et de loin leur meilleur disque depuis a Tonic For The Troops. Quelqu'un pour booster l'agenda de Kevin Rowland et de ses Dexys Midnight Runners pour 2021 ?
En bref : le retour qui n'a rien de croulant de l'un des plus vieux groupes punk perdus de vue depuis des lustres. Non seulement émouvant mais gagnant, quelques mois seulement après le come-back des Specials. Quelqu'un a des nouvelles des Dexys Midnight Runners ?