Le succès était difficilement prévisible en cette période si particulière au plan sanitaire. Quel courage et quelle détermination il a fallu aux équipes !
Je souhaite bien entendu aux compagnies qui ont "joué le jeu" d'en tirer tous les bénéfices qu'elles méritent mais je ne peux m'empêcher d'espérer une pérennité de la formule. Comme cet Avignon hors la Cité des papes fut essentiel en ce début d'été parisien. Il me semble aussi qu'en terme d'accessibilité et donc de visibilité les artistes ont tout intérêt à se produire dans des structures qui offrent de réelles conditions d'accueil.
Enfin, et ce n'est pas un des moindres bénéfices, la manifestation a drainé au théâtre des publics locaux jusque là éloignés des représentations tant ils étaient persuadés que ce n'était pas leur place.
Pour terminer voici donc Moi, Malvolio dont je parle en dernier, non pas parce qu'il serait mineur mais parce qu'il évoque La Nuit des Rois, cette pièce de Shakespeare maintes fois présentée au festival d'Avignon, notamment dans la traduction et la mise en scène d'Ariane Mnouchkine, le 10 juillet 1982 dans la Cour d'honneur du Palais des papes avec John Arnold dans le rôle de Malvolio.
Malvolio est le majordome d’Olivia. Il est surtout ce qu'on appelle un personnage secondaire. Il avait prévenu l'assemblée à la fin du spectacle avant de disparaître à jamais : Je me vengerai de vous et de toute votre meute !
Tim Crouch a eu l'idée de le faire revenir pour nous donner sa version des faits, celle du harcelé, la vision du looser, un homme outragé, blessé, prônant le retour à un ordre moral. Ceux que Malvolio déteste, ce sont les fêtards de La Nuit des rois, mais c'est surtout nous, public de théâtre. Pour que le combat de Malvolio contre le théâtre soit équitable, nous lui offrons le meilleur adversaire qui soit : le jeu. Le jeu avec le public et avec les codes du théâtre, le jeu avec la langue de Shakespeare et la langue actuelle.
Et le voilà
, grotesque, caricatural, narcissique, dans les costumes créés par Coline Galeazzi. Il apostrophe le public qui n'a pas fini de choisir sa place dans le gymnase, fait le coq ... pardon la pintade, se prétendant "aussi sain que quiconque" et affirmant sa volonté de "ramener un peu de libéralisme culturel ici". Je vous aurai prévenus : il fait (tout) ce qu'il dit, follement !Ça marche formidablement, y compris auprès des jeunes du quartier qui oseront courir sur scène vérifier qu'il y est encore (ou qu'il a déjà disparu comme il nous en a prévenu).
La compagnie était triste de faire le deuil de 18 représentations au Théâtre du Train Bleu mais nous nous sommes réjouis de la leçon de morale (joyeuse et burlesque) que François Herpeux a réussi à nous adresser en remettant en cause notre position de spectateur à la fin d'un confinement où les distractions se bornaient à des apérozoom qu'il nous rappelle en se moquant de nos pauvres rituels.Moi, Malvolio, par la Compagnie les 7 sœurs
Texte : Tim Crouch / Traduction : Catherine Hargreaves et Adèle Gascuelet
Mise en scène : Catherine Hargreaves, Avec : François Herpeux
Au Gymnase Mardi 14 juillet à 11h / Jeudi 16 à 11h / Samedi 18 à 11h
Le ParisOFFestival :
Du 13 au 18 juillet 2020
Au Théâtre 14 - 20, avenue Marc Sangnier - 75014 Paris - Renseignements au 01 45 45 49 77Au Gymnase Auguste Renoir - 1 square Auguste Renoir - 75014 Paris
Avec les aides et partenariats de la Ville de Paris et la Mairie du XIV°, Un été particulier, l'Adami, la SACD, l'ONDA, le CentQuatre, la MAC de Créteil et Le Monfort.