La fondation Maeght, à Saint-Paul de Vence, propose une magnifique exposition consacrée au peintre Jacques Monory (1924-2018)... Il faut la voir, et surtout la revoir avant sa fermeture, en novembre 2020.
La revoir, car la première fois qu'on la visite, on peut être surpris par le caractère apparemment anecdotique de cette peinture figurative... Un artiste obsédé par les armes et le meurtre, des tableaux qui racontent des histoires ou plutôt des faits divers... Et pourtant, quelque chose vous accroche, vous touche et reste en mémoire, et l'on a envie d'y revenir, de mieux comprendre les contradictions de cette narration...
Car tout ici n'est que contradiction, faux-semblant, ouverture vertigineuse vers un ailleurs. Les couleurs, presque voyantes, ce bleu lumineux et profond, ce rose étincelant, souligné de rose... Il y aurait presque de la gaieté, et pourtant ! Le sujet est un enterrement, les larmes et le deuil. Mais à l'inverse, les armes omni-présentes ne sont que de vieux pistolets venus tout droit du western... Et le tigre, ce tigre magnifique, est-il le fauve meurtrier, tueur d'hommes ? Ou un royal ange gardien ?
La composition de chaque œuvre peut sembler simple ; et pourtant là aussi s'instaure un étrange dialogue entre les époques, les pays... Comme cette superbe citation d'une gravure d'Albrecht Dürer... ou cette reproduction - en bleu - des fameux Lions de Délos... (Délos, île sacrée où naquirent Apollon et sa jumelle Artémis, mais aussi le plus grand marché aux esclaves de l'antiquité grecque... toujours l'ambivalence !)
Chaque œuvre mériterait qu'on s'y arrête ; chacune se prête à plusieurs lectures, qui ne s'opposent pas forcément. Les jeux de citation, de juxtaposition incitent l'imagination, font naître un dialogue entre le tableau et le spectateur. Jacques Monory s'est-il inspiré de Magritte ? Il me semble partager avec lui une forme de distance et d'humour, mêlé à la mélancolie, ou au tragique...