Je me suis lancé dans le harcèlement moral depuis quelques jours. Un ami vient de m’annoncer qu’il souhaitait se payer une liposuccion comme cadeau d’anniversaire et je tente par tous les moyens de le convaincre qu’en trois petit mois, la légère bouée qui a insidieusement poussé autour de sa taille disparaîtra comme par magie et que son ventre sera aussi plat que mon compte en banque. Juste en se bougeant les fesses et en se forçant à pratiquer une activité sportive régulière. Tout le secret est là: avoir le courage de faire du sport. Simple, non ? Mais force est de constater que tout est fait pour tenter l’individu lambda en léger surpoids, et qu’il est parfois difficile de résister aux sirènes de la facilité. Les magazines féminins ou masculins affichent en couverture des mannequins aux mensurations idéales et l’on culpabilise aisément en mangeant du sucre ou des produits gras. Tout se mélange dans la tête du consommateur non averti: Santé, nourriture, médicaments, pollution, vieillissement, soleil, tabac, alcool. On doit ainsi avoir bonne mine sans se mettre au soleil, manger équilibré sans encrasser ses artères, consommer des produits dits biologiques, se soigner chez des poubelothérapeuthes et penser en permanence développement durable. Pas facile de vivre au XXIe siècle dans la peau d’une grosse.
Cette pression économique et sociale influence pernicieusement les modes de consommation. Certains sont prêts à tout pour perdre trois ou quatre petits kilos superflus pour parader sur la plage. Il suffit de se rendre dans une pharmacie et compter le nombre de produits miracle censés purger l’organisme de la vilaine graisse. Ainsi certaines gélules sont-elles capables de cibler le gras pendant la nuit. D’autres ont la faculté de détruire la peau d’orange. Caféine, thé vert ou poudre de perlimpinpin ont tous montré leur grande efficacité chez un échantillon représentatif de trois femmes anorexiques. C’est cliniquement prouvé. Le gentil pharmacien vend aussi des régimes fantastiques, comme le régime soupe aux choux. Le principe est simple : L’énergie dépensée en digestion et vilaines flatulences est supérieure aux calories contenues dans la dites soupes. On digère très mal le mélange et on passe son temps à pourrir la vie de son conjoint. On finit maigre mais vite célibataire.
Maigrir oui, mais maigrir bien. Perdre des kilos pour perdre des kilos me troue le cul. Je suis le grand babou de la secte de ceux qui pensent que l’important n’est pas de maigrir mais d’être ferme. Il y a quelques années, j’ai perdu quinze kilos en deux petits mois suite à une vilaine hernie. J’étais maigre, certes, mais flasque. J’avais gagné trois tailles de pantalon, mais mes fesses tombaient au niveau de mes genoux. Je frémis encore en revoyant des photographies de moi torse nu à l’époque. J’ai mis six mois à tout raffermir en me rendant trois fois par semaine à la piscine. Il y a deux ans, suite à un coup de pompe, rebelote. J’ai perdu presque dix kilos entre Noël et février. Contrairement à l’époque hernie, j’ai continué à faire du sport pendant mon dégraissage intensif. J’ai ainsi très vite séché, mais le résultat était loin d’être gracieux. J’ai hérité du surnom de vache sacrée à cette époque et j’ai mis presque une année à regrossir.
Certains sont prêts à aller plus loin. On se souvient tous des ravages de l’isoméride il y a une quinzaine d’années. Plus de sept millions de personnes ont succombé à la mode des coupes faim. En 1995, une alerte sanitaire a été déclenchée car une étude clinique mettait en évidence une relation entre la survenue d’hypertentions artérielles pulmonaires (une maladie grave et souvent mortelle) et la prise prolongée de médicaments coupe faim. D’autres produits arrivent sur le marché, mais sont parfois précédés d’une sulfureuse réputation, comme ce nouveau médicament censé faire maigrir les personnes en surpoids mais responsable d’altérations d’humeur, d’anxiété, de dépression ou de troubles du sommeil. Il y a quelques mois, un autre médicament a été autorisé à la vente sans ordonnance aux Etats-Unis. Il s’agit d’Alli, dont la molécule est plus connue en Europe sous le nom de Xenical. Le principe est simple. Le principe actif empêche l’absorption des graisses dans le tube digestif, graisses qui passent donc directement dans les selles, pouvant être responsables de diarrhées graisseuses, de flatulences de pachyderme ou de suintements anaux en cas d’abus d’aliments riches en lipides.
Je me suis amusé à tester Alli après avoir absorbé un repas indécemment riche en gras divers et varié. Snooze a failli crever d’asphyxie et je me suis vidé quelques minutes après avoir avalé la jolie gélule bleue. Je comprends mieux pourquoi la notice recommande vivement de porter un pantalon foncé et surtout d’avoir toujours en sa possession une culotte de rechange.
Tout dans la classe, le raffinement et l’élégance. Merci Alli.