Franc, Frantz sur les Talking Heads

Publié le 13 août 2020 par Hunterjones
Un jour, le batteur des Talking Heads a pris conscience de lui-même et a réalisé qu'il habitait une splendide maison, auprès d'une splendide épouse, et il s'est demandé, "comment y suis-je arrivé?"
Dans un livre récent, il a tout raconté.
C'est aussi une chance de se débarrasser de quelques rumeurs autour du groupe.
Entre autre, de confirmer que oui, David Byrne est aussi étrange qu'il le démontre sur scène ou ailleurs. Un peu canaille, traître envers ses amis, et peut abandonner une amoureuse aussi vite qu'on casse une corde de guitare. Franz dit que Byrne semble incapable de retourner la pareille en amitié. Ils l'ont appris avec le temps.

Comme bien des baby boomers, (Franz a 69 ans) Chris a vu les Beatles à la télé à 12 ans et a tout de suite su qu'il voulait faire comme eux. Une fois rendu en âge collégial, son intérêt a versé vers les arts. C'est à la Rhode Island School of Design qu'il fait la rencontre d'une belle étudiante de son programme, très intéressée par la musique, elle aussi. Tina Weymouth deviendra son amoureuse pour toujours et vice-versa. Il se plante à la batterie et il l'encourage à apprendre la base. Ils ont une section rythmique, ils deviennent The Artistics.
C'est en composant la musique pour un copain étudiant qui faisait un film qu'un guitariste entre dans le décor. Il était aussi étudiant, mais avait tout abandonné. Il a avait les cheveux teints en blond, malgré des sourcils très noirs et des poils de bras aussi foncés. Il portait un pantalon de cuir qu'il avait confectionné lui-même. Ce qui a confirmé au couple qu'il avait les atouts proto-punks pour faire partie de leur band. Son nom était David Byrne.

En leur montrant le début d'une chanson qu'il avait commencé à composer, il n'avait que les premières lignes: I can seem to face up to the facts/I'm tense and nervous and I can't  relax. Mais Byrne peinait à écrire le reste. Le duo pouvait-il l'aider?

Ils écriront, à 3, Pyscho Killer. C'était leur première expérience ensemble et c'était suffisamment convaincant pour que le trio continue à créer ensemble. Frantz était déterminé à ce que ça fonctionne. Passant de Rhode Island à New York, Byrne rejoint leur appartement en 1974. Sur Chrystie Street. 1200 pieds d'espace de loft. Pas de cuisine, pas de salle de bain. Infesté de vermines. Des putes à 5$ dans la rue, en bas. Mais à trois pâtés de maison du CBGB, un club de nuit tout nouveau, très ouvert aux nouveaux groupes comme eux. 289$ par mois ça faisait pas 100$ par co-locs.
On se rebaptise The Talking Heads, on recrute Jerry Harrison dans le groupe des amoureux modernes de Jonathan Richman, et Byrne sera le chanteur malgré des cordes vocales raides. Choix risqué. Byrne n'est pas que physiquement étrange mais il est aussi férocement antisocial. Plus tard, Byrne se diagnostiquera lui-même borderline limite asperger.  Mais sa tenue sur scène est toujours fascinante.

On le regarde comme on regarderait un gros accident de voiture. Fasciné.
Une fois que la band obtient des gigs réguliers, le buzz se répand.
Des punks portant des polos? Un leader aux voix qui a le look de Norman Bates?
Le 1er novembre 1976, ils signent leur premier contrat de disque. Frantz célèbre le moment en demandant la main de Tina. Ils s'épousent l'été suivant.
Byrne dira qu'il ne peut pas chanter les paroles d'un autre de manière convaincante, il demande à être le seul à écrire les paroles. Frantz fera n'importe quoi qui sera avantageux pour Talking Heads. Mais la balance de pouvoir change. On voit le groupe comme celui de Byrne. Principalement par Byrne lui-même.
Bientôt les TH sont en tournée en Europe, ouvrant pour les Ramones. Ce ne sera pas aussi agréable que prévu. Chaque membre reçoit 5$ par per diem. Et les anglais leur crachent dessus. Mais on apprend à mieux jouer ensemble. Quand leur carrière démarre, Tina a la double tâche de jouer de la base et être la directrice de tournée. Byrne ne peut pas négocier avec les promoteurs et Frantz fait trop le party. Harrison est très occupé avec Richman aussi. Frantz aimait particulièrement le hash et les hallucinogènes. Un jour, Ronnie Wood lui offre une sniffée avant un show. Ce n'était pas de la coke, c'était de l'héroïne...

Il vit sa performance sur scène en total ralenti. Bientôt père de 2 enfants, il se limitera à plus légère toxicomanie.
Les Heads continuerons d'explorer et de prendre de l'expansion. Ils seront aimés. Mais Byrne s'aime aussi davantage. Et prend le crédit tout seul sur des morceaux entièrement composés à trois et quatre. Ne faisant pas l'effort de se rappeler qui avait créer quoi. Après 4 albums en 4 ans, on fait une pause du collectif. Le groupe fera 4 autres albums dans les années 80. Un seul top ten avec Burning Down The House, en 1983. Mais l'inconfortabilité de Byrne ne fait que le chatouiller davantage.

En 1991, Chris & Tina reçoivent un appel d'un éditeur qui leur demande si il est vrai que le band est maintenant séparé. Ils tombent des nues. "ah bon! on en savait rien, on en a jamais discuté". Il semblait vain de vouloir convaincre Byrne de rester. Le band ne jouera plus jamais ensemble. Une fois, quand le groupe est introduit au temple de la renommée du rock' n roll, à l'après party, Byrne quitte un autre mariage et abandonne son épouse pour de bon en se poussant sans prévenir.

Frantz & Weymouth ont continué à faire de la musique, ont fait beaucoup de bateau, partageant leur temps entre les Bahamas et la Nouvelle-Angleterre. Byrne a aussi fait toute sorte de projets visuels & audios. Harrison aussi. Mais rien ensemble.
La vraie raison de la séparation serait, selon Chris Frantz, qu'un producteur aurait convaincu Byrne que personne ne prendrait sa carrière au sérieux si il était encore un Talking Heads. Il devait mettre le feu à la maison qu'ils avaient construite ensemble.
Ils avaient cru que David était l'oie pondant l'oeuf d'or.
Alors que le band était l'oie et l'oeuf d'or était David Byrne.
Différente lecture.
Intéressant lecture est Remain In Love de Chris Frantz. 
Son autobio disponible dès maintenant.
Franche.