Je ne sais plus si je vous en ai déjà parlé mais la musique occupe quelque place dans ma vie. Quand vient le temps des vacances, ma discothèque, chère discothèque, est loin de moi et la musique qui berce mes oreilles vient essentiellement de mes listes de lecture (je crois bien vous en avoir déjà parlé), et parmi celles-ci : slaves musiques.
L’idée de cette liste m’est venue, s’est imposée même, à la lecture d’un livre de Romain Gary, Chien blanc.
Ce livre largement autobiographique puise son inspiration dans les années douloureuses durant lesquelles Jean Seberg s’éloigne de lui tout en s’investissant corps et âme dans le soutien aux différentes luttes menées par les Black Panthers.
Entre autres réflexions que la situation lui inspire, Romain Gary fait un moment un parallèle entre les membres des Black Panthers et les Moujiks entrant en révolution.
Cette simple comparaison me fut comme une révélation et l’idée de mettre en voisinage les musiques noires américaines les plus révolutionnaires avec le romantisme russe échevelé, lyrique du lacrymal au sucré.
Le tout regroupé sous le titre slaves musiques où tous les sens possibles du mot slaves n’ont fait que renforcer le caractère absolument nécessaire de cette liste.
Elle fut conçue fiévreusement, dans la nuit même suivant la lecture.
Sur le principe de départ j’ai vite échafaudé de successifs élargissements.
A la fournaise free et etio-jazz essentiellement enregistrée entre la fin des années 60 et le mitan des années 70 j’ai ajouté beaucoup de Duke Ellington « tardif », beaucoup de productions d’Oliver Nelson, de grandes louches de Quincy Jones, un maximum de Mingus, les indispensables de Coltrane et Dolphy (soit à peu près tout), McCoy Tyner et Archie Shepp qui semblaient se plaire en telle compagnie.
A mes grands Russes de référence (Tchaïkovski, Chostakovitch, Rachmaninov, Borodin) j’ai ajouté d’autres grands Russes (Rimsky-Korsakov, Prokofiev, Moussorgski, Scriabin) ainsi que de moins grands noms (Taneyev, Glazounov, Cui, Balakirev).
De la Russie seule j’ai agrandi le territoire jusqu’à toute l’Europe de l’Est et Centrale même si les traces de slavitudes sont ici ou là plus contestables (Enescu, Janacek, Dvořák, Martinù).
Enfin ont rejoint la bande Gershwin, où sous la modernité syncopée transpire le romantisme russe échevelé et lyrique, et tout Sibelius (parce que !).
A partir de cette liste devenue fort ventrue (9880 morceaux pour une durée de 41,1 jours) j’ai procédé à deux raffinements sur la base de mes préférences pour obtenir slaves musiques concentrées et slaves musiques ultra concentrées où ne subsistent que mes grands Russes de référence, Duke Ellington « tardif », beaucoup de productions d’Oliver Nelson, de grandes louches de Quincy Jones, un maximum de Mingus, les indispensables de Coltrane et Dolphy (soit à peu près tout), McCoy Tyner et Archie Shepp qui semblaient se plaire en telle compagnie, le romantisme americano-russe échevelé et syncopé de Gershwin et tout Sibelius (parce que !).
En plus des bonheurs fréquents et intenses que cette liste a pu me procurer l’idée qu’elle a fait naître travaille encore en moi et est à la source d’un vieux projet de livre portant ce même nom de slaves musiques, où j’explorerais les liens mystérieux et puissants que je perçois entre les deux univers musicaux sur la base de chapitres consacrées à plusieurs points de rencontres (le romantisme americano-russe échevelé et syncopé de Gershwin, le voyage de Dvořák, les suites tchaïkovskiennes d’Ellington, etc.)
Un projet parmi les multiples que j’accumule et dont la probabilité qu’ils se réalisent est sans doute assez faible et dont il n’est pas exclu que je vous parle un jour ici, un autre jour car le temps presse et votre patience s’use.