Ça commence comme dans un conte merveilleux. L'harmonica qui geint au bord d'une voie ferrée est un esprit lancinant, une angoisse qui rôde et qui tourmente jusqu'à la fin, les yeux et les fronts des personnages, filmés en gros plan. Regards d'acier de Charles Bronson, d'Henri Fonda. Colts brillants à la ceinture. Doigts électriques sur la gâchette...
Long plan séquence et musique obsessionnelle. Le train à vapeur arrive du fond du désert, s'immobilise dans cette gare d'où le spectateur découvre le Far-West et l'élégance exquise de Claudia Cardinale. Dressée sur ses escarpins, comme d'autres " avec le poing ", elle entre d'un coup au contact d'un monde rude et cynique, où les hommes sont des loups, des truands, ou des salopards.
Et dans le carnage qui s'annonce, la musique d'Ennio Morricone prend aux tripes. Elle est un pistolet armé et les réalisateurs s'en emparent pour faire couler le sang des veines. Elle est un balancier qui tape le temps et qui mesure la charge émotive et la charge de poudre. Elle est un sablier qui s'écoule après l'explosion et filme les mines et les visages en plan serré, jusqu'à la dernière pépite.
Silence du vent, de la mouche qui bourdonne, de la chaîne qui grince. Tout vit, tout est plein d'âme. Le fantôme de musique monte dans le ciel bleu, tire encore sur sa chaîne. Enveloppe doucement l'Ouest, l'Amérique, la Révolution. C'est la poussière blanche du soleil et une rumeur d'éternité. Ennio repart dans ce train du début que pleure l'harmonica. Claudia franchit la porte de la station, la lumière l'éblouit. Elle s'essuie les yeux. Elle a les oreilles qui bourdonnent.