Grâce à une voix de majorité, le Congrès réuni à Versailles a adopté lundi 21 juillet dans l'après midi les 47 modifications de la Constitution voulues par Nicolas Sarkozy, et confortées par la Commission Balladur.
Deux voix ont fait la différence. Jack Lang a été le seul parlementaire socialiste à voter favorablement au projet de réforme. Michel Charasse s'est abstenu.
La réforme contient des promesses de gauche
Incapable, de les faire voter, faute de volonté ou de majorité, la gauche a défendu la limitation du mandat présidentiel, la limitation du recours à l'article 16 (qui permet au Président de s’attribuer des pouvoirs exceptionnels en cas de menace pour le pays - désormais 60 députés ou sénateurs pourront saisir le Conseil constitutionnel dans les 30 jours), le référendum d'initiative populaire. On peut aussi se réjouir que le Président ne préside plus le Conseil supérieur de la magistrature; que son pouvoir de nomination y est encadré (mais les nominations concernées ne sont pas précisées); que les lois seront étudiées par la Parlement dans leur version éventuellement amendée par les commissions parlementaires.
Ce sont des progrès, comme la saveur de fraise que l'on ajoute à une potion amère.
La réforme conforte une hyper-présidence de droite
Depuis aujourd'hui, le gouverment est officiellement et institutionnellement un simple bureau exécutif de la Présidence. François Fillon l'a reconnu lundi soir sur TF1: "la vie du gouvernement sera plus difficile." Auparavant, le gouvernement, et son premier ministre en tête, était nommé par le Président mais investi par l'Assemblée Nationale. Une confiance nécessaire par la représentation nationale. On parlait même, s'agissant de la défense, de "domaines réservés", sous-entendant que le gouvernement restait aux commandes sur le reste. La réforme constitutionnelle entérine la pratique héritée du quinquennat. A quoi servira le "discours de confiance" du premier ministre devant le Parlement quand désormais le Président pourra venir s’exprimer devant le Parlement réuni en Congrès ?
De même, les nominations présidentielles soumises à contrôle parlementaire ne sont pas précisées (tiens, le président de France Télévisions sera nommé directement par Sarkozy...), aucune dose de proportionnelle n'est prévue ni encouragée; le Sénat reste cette obscure chambre cacique élue par un scrutin indirecte qui lui permet de résister à toutes les alternances;
Jack Lang est déjà sous-secrétaire d'Etat
Jack Lang applaudira, ou pas, Nicolas Sarkozy quand ce dernier viendra parler devant l'Assemblée Nationale. Jack Lang regrettera que le temps de parole présidentielle reste au-dessus des lois, même que le Président de tous les Français fait campagne pour son camp d'origine. Jack Lang acquiescera, ou pas, quand le Président, énervé par une majorité indiscipliné, menacera d'une dissolution ladite assemblée. Jack Lang ne regrettera pas l'absence de garantie de proportionalité aux élections législatives, ni de droits de vote aux élections locales pour les résidents étrangers. Le régime n'a pas changé.
Il s'est adoucit, pour faire passer la pilule d'un présidentialisme sans contre-pouvoir.
La Nouvelle Vème République présente un Sénat sans légitimité démocratique directe et une Assemblée face à un Président qui a le droit de vie ou de mort sur elle.
«C’est un succès pour le pays et la démocratie. La réforme montre qu’on change, avec le président de la République, profondément la France. » a expliqué Fillon lundi soir. «La victoire est belle».
Bienvenue en monocratie. "Tout le monde a perdu" explique Marianne2.
Gageons que Jack Lang héritera d'un sous-secrétariat d'Etat confortable dans le 3ème gouvernement de la Sarkofrance prévue pour le printemps 2009, ou, au pire, d'un opposant facile dans sa circonscription du Pas de Calais.
Il y a un an, nous nous demandions: "Qui pourra porter demain la contradiction au gouvernement de Nicolas Sarkozy ?"
Certainement pas Jack Lang.
Crédit illustration: azrainman