Magazine Cuisine
Merveilleuse banalité que cette habitude de terminer nos séjours bourguignons au restaurant gastronomique de l’Hostellerie de Levernois. Car si le CoVid est passé par là, si les gestes barrières nous imposent le port du masque (ce n’est rien à côté de cette contrainte subie par l’ensemble des équipes, des hôtels et des restaurants), l’excellence est toujours au rendez-vous. Nous sommes un peu « chez nous » et les petits mots de bienvenue non feints montrent bien le professionnalisme, le style, la classe et la décontraction de l’établissement, sous les auspices bienveillants du maître des lieux, Mr Bottigliero. Changement de lieu (la salle du restaurant) sans conséquence sur notre plaisir. Ballet parfaitement rodé des serveuses et des serveurs, précision du service sous la houlette de Bernard Bruyer et une partition œnologique réglée au millimètre par Nicolas Geoffroy à qui nous renouvelons nos remerciements, sans oublier bien sur les assiettes (et leur excellence) du chef Philippe Augé. Comme à l’accoutumée, service des vins en total aveugle, un parfait exercice d’humilité en contre-point des trop nombreux sachants qui sévissent dans le monde du vin … Plus nous dégustons, plus nos erreurs à l’aveugle sont criantes. Un objectif supplémentaire pour revenir l’an prochain et essayer de progresser. En apéritif, pour fêter nos 60 ans et faire plaisir à nos amis amateurs et connaisseurs de champagnes, un vin qui présente un nez brioché, une pointe d’évolution fine et une impression assez vineuse. Bouche vive, sur une structure minérale intense, longue et poudrée. Acidité salivante, vinosité avec une belle mâche. Fine bulle élégante et construite. Avec une légère remontée en température, le vin développe une aromatique de bel effet, alliée à une amertume fraîche en finale. Si nos « spécialistes » reconnaissent un blanc de noirs, je sèche ! Il s’agit d’un Champagne extra-brut, Les Couarres 2014, domaine Chartogne-Taillet à Merfy. Très Bien + Nous partons bien évidemment au niveau du repas sur la « Surprise » de Philippe Augé. Le Galet de Foie Gras de Canard au Cassis fumé et son gaspacho Confit d’Oignons Rouges, Betterave en Aigre Doux, Sponge Cake au Pain d’Epices Association parfaite entre le gras et l’opulence du foie et la fraîcheur acidulée du cassis et de la betterave traitée en pickle. Une aromatique à tomber. Superbe !
Le Risotto Acquerello au Vert Jambonettes de Cuisses de Grenouille et Escargots au Persil Plat, Crème d’Ail Doux Un classique historique de la maison avec là encore un trio pour crémeux, végétal et animal qui atteint les sommets. Magie de l’association, aromatique aillée légère, crémeux du risotto gourmand et canon entre l’animal et le végétal !
La Dorade Royale de Ligne au Sel Fumé Pickles de Tomates multicolores, Cucurbitacées d’Eté et Oignons Doux, Consommé de Saté et Bonite sechée Vivacité sudiste des tomates qui viennent accompagner la Daurade (crus), douceur des cucurbitacées et fumé élégant de la sauce. Quelle fraîcheur !
Le Homard Breton Spaghetti végétaux, Voile de Blanc de Seiche en nid d’Abeille, Jus coraillé à la Mélite
Le Saint Pierre, réduction de tomates façon ketchup de Bar Un remplaçant de grande facture. Cuisson nacrée du poisson, fragrances aromatiques salivantes et corpulence du plat. Un plat marin tellurique. Superbe encore (c’est bien parfait d’être allergique !)
Le Rouget Poulpe de Roche, Coquillages, Pommes fondantes, Fenouil et Piquillos, Jus de Soupe au Safran de l’Aube Grand plat d’une complexité folle. La corpulence du Rouget, l’aromatique des accompagnements et la douceur de la sauce.
Le Veau de « Guillaume Verdun » Alliacés farcis de Condiments et Moelle de Bœuf, Jus en Infusion de Verveine Cuisson basse température qui respecte l’onctuosité de la chair du veau, une poitrine braisée « croquante », la douceur de la moelle et les condiments qui nous permettent de franchir le ressaut Hillary. Nous sommes sur le toit du monde. Premier soir pour ce plat : c’est très grand
Les Fromages frais et affinés Seule petite déception liée aux contraintes sanitaires, pas de fromages à la coupe mais une sélection toujours aussi pointue due à Monsieur Bernard sur un registre varié et éclectique. RDV en octobre pour une redécouverte des plateaux de fromages …
En pré-dessert : sans me rappeler le titre exact de l’intitulé, une base sorbet vif et acidulé. Cela permet de reposer les papilles avant le sprint final. C’est frais et très digeste et mériterait mieux que le titre de « pré-dessert »
Le Chocolat Grand Cru Cœur fondant Passion, Feuillantine et Crème Glacée, Magnum Belle conclusion d’un repas encore une fois mémorable. Complexité des saveurs et des textures. C’est croquant tout en restant digeste
Les Fruits Rouges Ravioles Citron Verveine, Sorbet Fromage Blanc, Consommé double au Thé Fleur de Feu Et pour accompagner ce merveilleux repas … Robe jaune pâle sans évolution marquée. Ce blanc possède un nez fin de chardonnay, plutôt minéral sur le caillou. Bouche assez corpulente, élégante, avec une sorte de grain (tannique !) de bel effet. Floralité alliée à un joli gras en attaque, rapidement complété par une pointe saline. Sans trop de conviction, nous partons vers un Puligny-Montrachet … « village » ? Très Bien +. En fait, il s’agit d’un Anjou, cuvée A François … 2016, Thibaud Bourdignon Robe dorée assez évolution, tirant vers un orangé encore bien vif et dense. Nez très évolué, sur une aromatique plutôt méridionale, capiteuse, … qui m’évoque la D18 (IGP Côtes Catalanes) de Jo Pithon. Bouche parfaitement à l’avenant, sur une aromatique marsanne, macabeu, … Finale grillée, plutôt charpentée, avec une pointe de réglisse. On part sur un Roussillon blanc (d’aucun - dont moi - ont évoqué un temps un château Simone blanc assez âgé). Excellent. Il s’agit d’un Puligny-Montrachet, premier cru Champ Canet 2003, Jean-Marc Boillot Robe jaune légèrement dorée, sans évolution notable. Nez magnifique de chardonnay à point, mur, bien né. Equilibre sur les amandes à peine grillées et la finesse du cépage (tout le monde est d’accord pour reconnaître un Grand Blanc de la Côte de Beaune, plutôt Chassagne d’ailleurs). Bouche avec un petit grain « tannique », des notes épicées et réglissées salivantes et une amertume complexe. Longue empreinte sur une finale qui claque sur nos papilles. Exceptionnel / Panthéon-2020. Il s’agit d’un Vougeot, premier cru Le Clos Blanc de Vougeot (Monopole) 2014, domaine de la Vougeraie Avec le Rouget, surprise du chef (sommelier), on part sur un rouge servi toujours à l’aveugle. Robe dense, rouge intense, profonde, sombre, concentrée. Nez qui m’évoque pêle-mêle le Cabernet Sauvignon bordelais (de belle facture, sans poivron), (la rectitude) du Cabernet Franc et le côté méridional du Grenache, avec ses notes prononcées d’olives et de soleil. Bouche grasse et tendue, longue et redoutable acidité, qui tire et allonge le vin (et nos sensations). Très typé fruits noirs, maturité optimale du raisin. Finale plutôt ronde mais tonique, laissant une longue empreinte. Pas forcément mon style de vin, mais je dois admettre que c’est un Grand Vin. Un Saumur Champigny plutôt opulent ou un Rhône sud sur base Grenache plutôt élégant ? Excellent ++. Il s’agit d’un DOC Priorat (Catalogne), Martinet Bru 2010, Mas Martinet Robe rouge assez claire, plutôt évoluée, avec des tons orangés alliés à une couleur plutôt de faible densité. Un nez magique de grand pinot à point, évolué et détendue. Fruits infusés, douce évolution et notes de sous-bois / fleurs séchées. Du velours en bouche, avec une fine acidité, une douceur sur l’allonge et des tannins parfaitement intégrés quoique présentant un vrai caractère. Finale avec un côté fumé, tranquille, reposé. On part sur un Chambolle ou un Vosne de 10 / 15 ans. Exceptionnel / Panthéon-2020. Il s’agit d’un Pommard, premier cru Les Jarolières 1999, domaine de la Pousse d’Or Retour sur un blanc avec les fromages. Nez très chardonnay minéral, vif et sur le caillou. Approche plus « simple » pour ce vin qui semble apparaître de moins noble origine. Par contre, la bouche est large, sans doute trop large pour moi, avec une corpulence et un gras qui m’évoque une sur-maturité ( ?). Finale marquée par une amertume un peu dissociée et trop marquée à mon goût. Est-ce un phénomène de saturation ? Aucune idée pour ma part (certains ont évoqué un « pas Meursault »). Bien +. Il s’agit d’un Meursault 2014, Arnaud Ente Avec le dessert, un dernier vin dont le nez est explosif, sur la rose, le litchi et une aromatique exubérante. Bouche plutôt fine, d’une douceur mesurée, plus « moelleuse » que « liquoreuse ». Belle aromatique globale qui, étonnamment, s’associe plutôt bien avec le dessert (fruits de la passion). Nous partons sur un vin du cépage gewürztraminer peut-être sur mûri, mais de demi-corps (VT ?). Très Bien ++. Il s’agit d’un Weinbaugebiet Burgenlaud, Gewürztraminer Spätlese 2017, Weingutshof Landauer Il nous reste à remercier une nouvelle fois l’ensemble des équipes de Levernois pour leur excellence. Comme l’an dernier, je dirai que « Le bonheur, c’est simple comme un repas à Levernois ». Malgré les conditions, le service a été impeccable, les assiettes de très haut niveau et les vins … parfois déroutants. La dégustation à l’aveugle est un véritable juge de paix, et nous a permis une nouvelle fois de relativiser notre connaissance sur le vin (un merci particulier à Nicolas pour cette sélection de vins très éclectique … qui nous a - trop - fait souffrir). A très vite et encore mille mercis à toutes et à tous pour cette parenthèse enchantée. Bruno