KERORO :: manga de Mine Yoshizaki

Par Topolivres
Sa plus grande conquête, c'est moi

(bande son : Morning Hero, Izabo 2003)

J'éteignais immanquablement Récré A2 à la minute où Goldorak pointait le bout de ses cornes, mon initiation à Albator ne remonte guère à plus de quatre ans, E.T., pareil, pour moi date de 2002, et Le Livre du temps de Guillaume Prévost, ou disons Le Prestige de Christopher Priest, constitue l'une des lectures les plus outrancièrement SF que je parviens à envisager. Ce déballage, pour préciser qu'en somme, je ne représente a priori pas l'exact coeur de cible du manga sur lequel j'ai néanmoins fondu dès l'entrée du premier tome de la série en librairie. Pour l'honneur du vrai, sans doute me faut-il reconnaître encore un penchant primitif autant qu'incontrôlé pour les bestioles rondes et vert pomme tels Vermetto Sigh et le Concombre masqué : et maintenant donc Keroro.

Tokyo, un jour comme aujourd'hui. Un compact bataillon des forces spéciales de Keron, cinquante-huitième planète de la nébuleuse Gamma, arrive en ville. Hauts comme une demi-mappemonde d'écolier ou une tour de vingt étages, ces cinq individus aux allures de grenouilles (si vous admettez une ressemblance entre Mickey et une souris), armés d'hyperpuissantes télécommandes boules de billard magiques universelles, effectuent une mission de reconnaissance en vue de leur prochaine invasion de la Terre.
La panique perle sur les visages, les bras moulinent tout entiers en vaines protestations. Une jeune collégienne se retrouve soudain pendue les pieds en l'air, la mini-jupe plissée réglementaire logiquement retroussée en direction du sol ; malgré un physique d'Alerte à Malibu girl assez impressionnant, sa mère succombe en un instant (au charme narratif de l'envahisseur en chef), vouant par là même à l'échec la fière entreprise alienne. Adopté dès lors par l'ensemble des membres de la famille Hinata, le sergent Keroro doit en effet se soumettre à la condition d'animal domestique (être aimé, passer l'aspirateur dans le pavillon, avoir sa propre chambre, obtempérer aux injonctions de cirer les chaussures des uns et des autres, lire Freud à ses heures perdues), à laquelle son arrière-base l'abandonne, lui ainsi que les quatre autres éclaireurs détachés, en s'en retournant kero kero kero kaï kaï dans l'espace.

Sans attendre l'essoufflement d'une saison 5, le shônen catastrophe se veut aussitôt comédie de caractères et de moeurs, louftingue observation du quotidien de trois adolescents japonais (le garçonnet, la fille, l'extraterrestre) et de leur mère scénariste de bande dessinée, des amitiés, amours, rêves, passions, ambitions, petitesses ou jalousies de chacun. Trois, car si l'on exclut les périodes de pluies qui le mettent dans tous ses états et les visées impérialistes qu'il continue de nourrir en secret, Keroro semble bien l'archétype du gamin tokyoïte contemporain, partageant son temps libre entre la boulimie de mangas, l'assemblage de maquettes de ses héros préférés et l'animation de son blog.
On peut regretter une acculturation si rapide (conséquence des divers trucs suceurs, macrosangsues spatiales, crêpes d'espèces vivantes, poulpes galactiques, que l'ami Keroro sort de son bonnet pour se défendre, préparer le goûter ou sauver une pokopenne, i.e. terrienne, enamourée de la noyade ?) ou y apercevoir au contraire le socle sur lequel s'appuieront les meilleures surprises des volumes à venir... Le délire se lève à l'est, regardez.

Dessinateur-scénariste né en 1971 à Nagasaki, Mine Yoshizaki a fait ses débuts dans un magazine de jeux vidéo, avant de se lancer dans la carrière de mangaka en adaptant divers animes pour le papier. Commencée en 1999 dans le magazine Shônen Ace, Keroro, sa série phare, est toujours en cours de publication au Japon. Les prochaines livraisons franco-belges sont prévues pour les 1er juin et 6 juillet. Evident accélérateur de popularité auprès des plus jeunes, le dessin animé dérivé est actuellement diffusé sur Télétoon (qui propose jusqu'au 1er juin un concours avec à la clef le tome 1 du manga, dont le premier chapitre peut par ailleurs être feuilleté en ligne dans la Kanabox).
Alice Guzzini



Mine Yoshizaki
Keroro t.1

Traduit du japonais par Thibaud Desbief
Kana 2007
6,50 euros
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