Du 2 juillet au 30 août 2020
Claude Dadalus : À dada sur mon caillou !
Durant l'été 2014, en vacances avec mon amie Hélène sur la côte nord du Danemark et pour modérer mon désoeuvrement dans une campagne paisible, je me remis à dessiner, activité que je n'avais plus pratiquée depuis une éternité. Je commençais par le visage d'Hélène, un muffin au chocolat, un gros cèpe que nous mangeâmes aussi, l'horloge arrêtée sur 8h20, la maison de l'autre côté du champ, ma gomme avec les lettres qui la nomment, un segment de la dune. Je ne me risquais pas sur les jolis bateaux de pêche plantés dans le sable, songeant à Vincent Van Gogh et soucieux de ne pas entamer mon faible capital narcissique.
Le soir du jeudi 14 août, en allant nous promener sur la plage entièrement abandonnée de la société danoise que regroupaient ailleurs les festivités d'un long ouikende, je m'amusais avec quelques éléments naturels, lançant des galets dans les vagues, faisant joujou avec des bouts de bois, respirant fort et prenant des photos des oiseaux, des nuages et du soleil couchant. Je ramassais aussi une espèce de gros caillou blanc à la forme compliquée, taché d'incrustations noires, qu'Hélène dut porter pendant que je m'accomplissais dans mes émerveillements numérico-touristiques. Les jours suivants je dessinais trois fois ce caillou selon le même point de vue.
C'est la veille de notre départ qu'anticipant la nervosité du prochain voyage et du retour au pays, j'imaginais lors d'une nuit blanche que cette pierre peu précieuse pourrait m'occuper au-delà des quelques heures que je lui avais consacrées. Je me souviens que, dans mon agitation, le ciboulot agacé par les grands vents qui secouaient la baraque, je songeais qu'elle m'offrirait une sorte de programme, comme un exercice de déchiffrement générant des dessins et des peintures aux aspects variés.
J'apparentais même ce brusque échafaudage à une révélation
cartésienne, en en doutant quand même, c'est dire si trop de repos est dangereux ! Le lendemain, je redoutais qu'il ne puisse passer les douanes
aérospatiales. Mais nous rejoignîmes tous les trois l'Occitanie sans encombre et si peu de vague à l'âme.
Les peintures que je présente cet été au L.A.C. sont les premières que j'ai réalisées avec ce caillou depuis mon retour, c'est-à-dire depuis fin 2014. Après quelques petites ébauches, j'ai risqué de grands formats. Ceux-ci n'ont pas pour raison celle d'une modeste grenouille voulant se faire boeuf ; il s'agissait de répondre à une demande de l'espace corporel, celle de mon corps dans son rapport à ce morceau de minéral comme au lieu auquel je l'ai pris.
On remarquera surtout que je l'ai fait tourner (mais que le lecteur se souvienne aussi de la pendule arrêtée !) à moins que ce ne soit lui qui ait décidé de me dévoiler un nombre choisi de ses facettes (9). Le caillou (je parle toujours de l'original) offre des niveaux de formation
différents. Tantôt il enveloppe le vide dans ses plis et creux, tantôt il n'est que griffures et " dessins ", assez épatants je trouve. Je ne cherche pas à en conduire l'analytique, je veux jouer avec lui comme j'ai joué quelques heures, un soir d'août, avec la lumière et les vents du petit royaume de Danemark.
Qu'il m'invite à son tour à convoquer les éléments et dimensions de la peinture n'est que justice : il faut bien remplacer les oiseaux, le soleil et les nuages si l'on ne veut pas que cette sorte de tête-à-tête tombe dans le pénible !
Une dernière chose bien troublante : le temps et la chance qu'il faut pour que des énergies, forçant irrégulièrement une même matière, en fassent CELA.
Respect !
Claude Dadalus
Le LAC, 1 rue de la berre - Hameau du lac 11130 Sigean Tél : 04 68 48 83 62
tous les jours sauf mardi de 15h à 18h