Blas de Otero – Je dis vivre

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Parce que la vie est désormais à vif.
(Toujours, ô Dieu, le sang a été rouge.)
Je dis vivre, vivre comme si rien
ne devait demeurer de tout ce que j’écris.

Parce que écrire n’est que vent fugitif,
et publier, colonne mise au rancart.
Je dis vivre, vivre à la force du poignet ; avec colère
mourir, provoquer le taureau depuis le marchepied.

Je reviens à la vie ma mort sur les épaules,
abominant tout ce que j’ai écrit : décombres
de l’homme que je fus lorsque je me taisais.

Maintenant je reviens à mon être, je retourne à mon oeuvre
la plus immortelle : cette bête féroce
du vivre et du mourir. Tout le reste est en trop.

*

Digo vivir

Porque vivir se ha puesto al rojo vivo.
(Siempre la sangre, oh Dios, fue colorada.)
Digo vivir, vivir como si nada
hubiese de quedar de lo que escribo.

Porque escribir es viento fugitivo,
y publicar, columna arrinconada.
Digo vivir, vivir a pulso, airada-
mente morir, citar desde el estribo.

Vuelvo a la vida con mi muerte al hombro,
abominando cuanto he escrito: escombro
del hombre aquel que fui cuando callaba.

Ahora vuelvo a mi ser, torno a mi obra
más inmortal: aquella fiesta brava
del vivir y el morir. Lo demás sobra.

***

Blas de Otero (1916-1979)Redoble de conciencia (1951) – Nouveau Recueil N° 59 (Juin 2001) – Traduit de l’espagnol par Xavier Pello.