Cela ne manquera pas de susciter le scepticisme
des courants de pensée mainstream un peu partout dans le monde et de
conforter la droite argentine et sud-américaine dans ses critiques
les plus acerbes contre l’actuel gouvernement mais l’ancienne
présidente de la Nation et actuelle vice-présidente (donc à la
tête du Sénat) Cristina Kirchner vient, avec plusieurs co-inculpés,
de bénéficier d’un non-lieu (falta
de mérito) dans une partie de ce qu’on
a appelé « l’affaire des cahiers ». Une sombre
histoire de dessous-de-table dont les opérations auraient été
notées une à une dans des cahiers d’écolier par un chauffeur de
taxi qui transportait le ministre chargé des valises de billets mais
dont on a mis au dossier que des photocopies, parce que les originaux
auraient été détruits.
Dans
cette affaire comme dans les autres, il n’y a pas de preuve
formelle incriminant Cristina, ses ministres et autres
collaborateurs. Il n’y a que des faisceaux d’indices dont la
solidité dépend beaucoup du montage qui en est fait. Dans un sens,
ils semblent accabler la leader politique. Ces indices organisés
autrement, l’argumentation part en fumée.
A
partir du moment où Cristina Kirchner retrouvait un mandat électif
à ce niveau dans l’État, il paraissait presque certain que les
dossiers ouverts contre elle sous le mandat de Mauricio Macri
allaient se refermer les uns derrière les autres. La contrepartie est que dans ces circonstances, les non-lieu ne la
laveront jamais de tout soupçon. Sa réputation restera entachée aux yeux de qui la rejette. La droite va crier à l’impunité,
à une justice fédérale soumise à l’Exécutif et à une
corruption généralisée de ce nouveau gouvernement. D’autant plus que
des fumets mal odorants ont déjà été reniflés dans les archives
de la majorité sortante et que quelques seconds couteaux incriminés
n’ont pas tardé à passer aux aveux (1),
notamment dans la récente affaire de l’espionnage ordonné par les
plus hautes autorités de l’État central contre diverses
personnalités de l’opposition d’alors. La propre sœur du
président Macri aurait été mise sur écoute, sans doute parce que
le clan familial se serait servi des moyens de l’État pour veiller
sur ses affaires industrielles et financières.
Seule
dans son secteur, le quotidien de la droite libérale titre son
article dans le sens inverse : "Travaux publics : la
procédure contre Cristina reprend son cours". Il faut le faire ! (2)
Pour
aller plus loin :
lire
l’article de Página/12
(favorable à la majorité actuelle)
lire
l’article de La Prensa
(droite catholique réactionnaire)
lire
l’article de La Nación
(droite libérale liée à la classe dominante en Argentine).
(1)
Ce n’est pas le cas des Kirchner : personne n’a rien avoué
à ce jour, ni la mère, ni le fils (aujourd’hui député et chef
de groupe à la Chambre) ni la fille (qui vient de rentrer de son
long séjour médical à Cuba). Quant au chauffeur de taxi, la
défense et les partisans de Cristina ont assez vite développé des
thèses selon lesquelles il aurait été acheté ou manipulé ou
retourné par des sbires au service de Mauricio Macri désireux de se
débarrasser de sa principale adversaire politique du moment et de
l’envoyer au trou pour un bon moment. Le fameux lawfare
dénoncé par la gauche occidentale comme système de vengeance de la
droite lorsqu’elle revient aux affaires légalement ou non et il
est vrai que cela se produit dans toute l’Amérique du Sud sauf
jusqu’à présent en Uruguay, où aucune menace ne semble peser ni
sur Pepe Mujica ni sur Tabaré Vázquez, les deux présidents de
gauche de la précédente majorité (qui a gouverné pendant quinze
ans).
(2)
Sur les autres points, l’instruction se poursuit. Elle va reprendre
avec des auditions en visio-conférence. A noter que la défense de
la vice-présidente n’a pas fait d’objection à la continuation
de l’enquête.