L’Attentat de Yasmina Khadra : une de ses oeuvres majeures
Publié le 24 juin 2020 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Le récit raconte l'histoire d’Amine Jaafari, chirurgien israélien d’origine palestinienne. Le roman débute violemment avec un attentat dirigé contre le cheikh Marwan. Le narrateur, dont on ne connaît pas encore l’identité, fait partie des victimes et décrit son agonie. Après ce prologue de quelques pages, le récit commence et on apprend que le narrateur est Amine, qui vient seulement d’opérer un patient tout en s’apprêtant à rejoindre sa femme revenue d’un séjour à Nazareth. Mais l’annonce d’un attentat majeur perpétré dans un restaurant de Tel-Aviv l’oblige à rester de service pour venir en aide aux personnes blessées. Rentré chez lui tard en soirée, Amine est convoqué d’urgence à l’hôpital. Ses collègues et la police lui disent que l’auteur de l’attentat est sa propre femme, Sihem. Après avoir identifié le cadavre déchiqueté de sa femme, Amine reste sans voix : il ne peut pas croire qu’elle est coupable d’un tel geste, même si toutes les évidences sont là.
Amine se convainc que la vérité est tout autre. En effet, son épouse et lui formaient un couple non seulement heureux mais également uni et complice. Elle lui disait tout, elle n'avait rien d'une intégriste ou d'une extrêmiste religieuse, elle n’était même pas pratiquante. Sihem aimait la beauté de la nature et rêvait d’une villa près de la mer. Plus tard, Amine sera obligé de quitter temporairement son emploi. Il en profitera alors pour prouver l’innocence de sa femme ; c'est à partir de ce moment que le roman adopte la forme du polar, car Amine prendra le rôle d'un enquêteur en retournant sur les derniers lieux fréquentés par sa femme. Chemin faisant, il se remémore son histoire conjugale en tentant de réinterpréter des signes qui auraient échappé à son attention. Une lettre de sa femme, postée quelques heures avant l’attentat, l’oblige à admettre l’inimaginable. Amine poursuit son enquête, déterminé à affronter ceux qui ont encouragé le geste insensé de son épouse. Considéré d’emblée comme un renégat, il reçoit des avertissements de plus en plus sévères de la part des groupes clandestins de résistance palestinienne. On le soupçonne d’être un espion à la solde du Shin Beth. Après avoir été séquestré et interrogé brutalement, il reçoit la visite d’un chef de guerre qui lui explique les raisons de leur combat et l’admiration qu’il porte à sa femme martyre de la Cause. Le commandeur lui accorde sa liberté en le confiant à Adel, membre de l’organisation, complice de Sihem et cousin d’Amine. Si les sentiments d’Amine envers les groupes extrémistes et leurs leaders à la fois politiques et religieux demeurent négatifs, un séjour dans son village natal auprès des membres de sa tribu lui fait prendre conscience de la misère palestinienne, une misère à laquelle il avait tourné le dos en s’établissant à Tel-Aviv. Il revoit ses tantes, ses cousins, le doyen Omr, un vieux sage nommé Zeev l’Ermite : les attitudes face à la situation sont diverses, les uns cultivant la révolte, les autres une résignation teintée de nostalgie, certains l’espoir d’une reconstruction. Pendant le séjour d’Amine, son petit cousin Wassam, un garçon sympathique et dévoué, est convoqué par l’Organisation : on apprend le lendemain qu’il s’est fait sauter devant un poste de l’armée. L’armée israélienne s’amène : en guise de représailles contre ce nouvel attentat, ordre est donné de détruire la maison ancestrale où loge la tribu. Amine proteste en vain et assiste, horrifié, à l’expropriation. Une de ses cousines s’enfuit à Janin. Craignant le pire, Amine part à sa poursuite et pense la retrouver à la mosquée où le cheikh Marwan livre son message. Pendant le sermon, l’alerte est déclarée et on entraîne le cheikh à l’extérieur. Alors qu’il pénètre dans une voiture, escorté de ses gardes, un drone s’abat sur la place : la scène initiale du roman est reprise presque mot pour mot et l’on comprend que l’agonisant était Amine lui-même racontant ses derniers instants. Avant de mourir, il se rappelle les paroles de son père : "On peut tout te prendre ; tes biens, tes plus belles années, l’ensemble de tes joies, et l’ensemble de tes mérites, jusqu’à ta dernière chemise — il te restera toujours tes rêves pour réinventer le monde que l’on t’a confisqué" (A, 246). Ces derniers mots résument la conception que Khadra se donne du rôle social et de l’éthique de la littérature.
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