De nombreuses entreprises ont eu recours à un dispositif d'activité partielle pour s'adapter aux contraintes très fortes posées par l'épidémie de Covid-19 et par les mesures de confinement général de la population. Ces mesures ont contribué, dans beaucoup de TPE et PME, à diminuer la tension sur la trésorerie. Pour autant, le remplacement des salaires par une indemnité de substitution n'est pas sans effet sur le contrat de travail et, par ricochet, sur les contrats collectifs santé et prévoyance de l'entreprise. Les garanties sont-elles maintenues, et le paiement des cotisations est-il toujours dû ? Ci-dessous un point complet.
Chômage partiel : quelles conséquences sur le contrat de travail ?
La mise en chômage partiel a concerné plus de 6 millions de salariés français au plus fort de la crise liée au coronavirus. Dans le cadre de ce mécanisme de protection de l'emploi, et pour rappel, les salariés de l'entreprise ne perçoivent plus une rémunération de leur employeur mais une allocation de l'État, qui correspond à 70 % du salaire brut soit 84 % du salaire net dans la limite de 4,5 SMIC (ou 100 % pour les salariés payés au SMIC).
Le chômage partiel entraîne la suspension du contrat de travail. L'indemnité versée au salarié, quant à elle, n'est pas soumise aux charges et cotisations sociales du régime général, conformément aux dispositions de l'article L5428-1 du Code du Travail. Ce texte de loi, toutefois, ne prévoit pas le cas des cotisations prélevées au titre de la mutuelle d'entreprise, d'un contrat de prévoyance ou d'un autre contrat collectif d'entreprise.
Un principe acquis : le maintien des garanties
La suspension du contrat de travail, qu'elle soit liée à une activité partielle de l'entreprise ou à un autre motif, ne fait pas obstacle à la poursuite des garanties prévues par les contrats collectifs. La circulaire DSS/5B n°2009-31 du 30 janvier 2009 pose ainsi le principe très important du maintien obligatoire des garanties par l'assureur en cas de suspension du contrat de travail.
Une autre circulaire de l'ACOSS, en date du 24 mars 2011, a conforté cette première prise de position de l'administration, en indiquant très clairement que le chômage partiel fait bien partie des motifs de suspension du contrat de travail pour lesquels une indemnisation est due.
Notons que certains contrats de mutuelle d'entreprise ne respectent pas forcément ce principe, et incluent une clause limitative des cas de suspension du contrat de travail justifiant un maintien des garanties, qui exclut le chômage partiel. Cette pratique a cependant été désavouée par les trois organisations représentatives des assureurs elles-mêmes, dans un communiqué du 8 avril 2020 (CTIP, FFA et FNMF) qui confirme le maintien des garanties.
Les cotisations restent-elles dues ?
Concernant le paiement des cotisations des contrats collectifs santé et prévoyance, plusieurs hypothèses doivent être distinguées.
Certains contrats collectifs prévoient une exception de gratuité, selon laquelle les garanties continuent à s'appliquer pendant la suspension du contrat de travail " sans contrepartie ", c'est-à-dire sans le paiement des cotisations. Il s'agit donc du cas le plus favorable, et du tout premier point à vérifier pour le chef d'entreprise !
En l'absence de cette clause, les cotisations restent dues mais leur montant dépend de l'assiette définie par le contrat. Dans la plupart des cas, notamment en ce qui concerne les mutuelles d'entreprise, il est prévu le versement d'une cotisation forfaitaire par l'entreprise, en fonction du nombre d'adhérents ou d'un pourcentage du plafond mensuel de la sécurité sociale. Le montant de la cotisation est alors inchangé, et doit être imputé sur l'indemnité de chômage partiel en ce qui concerne la part salariale.
D'autres contrats, plus rares, basent spécifiquement le calcul des cotisations du contrat sur la rémunération salariale soumise à charge sociale, ce qui exclut donc en théorie l'indemnité de chômage partiel. Cette interprétation, toutefois, est susceptible d'être contestée par l'assureur.
Covid-19 : le rôle capital des institutions de prévoyance
Dès la mi-mars 2020, le CTIP a mis en œuvre ses moyens fédératifs auprès des Institutions de Prévoyance ainsi que son expertise et ses capacités d'échange afin que les IP envisagent le plus vite possible les aides et les soutiens à apporter à leurs adhérents de branche : entreprises, employeurs, entrepreneurs, salariés et leurs familles. Sa mission ici : inciter à la plus grande solidarité, en priorité pour les branches les plus impactées par la crise du Covid-19.
Une mission de solidarité
Dans sa déclaration du 27 avril 2020, le Conseil d'Administration du CTIP a lancé un appel à la responsabilité de l'ensemble des IP (qui couvrent 2 millions d'entreprises et 13 millions de salariés). " Vous l'avez compris, il est de notre responsabilité collective, à l'occasion de cette crise, de faire preuve de la plus grande solidarité ", rappelait-il à cette occasion.
Son action aura semble-t-il été efficace. Elle aura abouti très rapidement à la prise quasi immédiate de décisions inédites, parfois innovantes, et surtout toutes axées sur la plus grande solidarité envers l'ensemble des adhérents. Les mesures prises sont d'autant plus exceptionnelles que très rapidement 2,2 millions de salariés ont été placés en chômage partiel.
En temps normal, du fait de la suspension du contrat de travail, les prestations ne sont plus garanties. Or ici, les ordonnances exceptionnelles prises par le gouvernement ont radicalement modifié la donne. Il reste que les mesures mises en place par les IP varient d'une branche à l'autre.
Des branches plus touchées que d'autres
Pour les HCR (Hôtels - Cafés - Restaurants), branche parmi les plus touchées par la crise du Covid-19, les fédérations pilotes d'employeurs et de salariés ont décidé par exemple d'exonérer totalement leurs adhérents de cotisations sur le deuxième trimestre de cette année. Les réserves mutualisées créées en 2005, et depuis constamment abondées, ont été mises à contribution de manière très importante. Cette branche est en effet concernée à 90% par la prévoyance et à 55% par les frais de santé. Ce sont 50 M€ qui ont été mobilisés sur les 180 M€ que comptaient ces réserves.
Pro BTP a aussi mis en œuvre un plan massif de soutien, du fait de l'arrêt brutal d'une immense majorité des chantiers. Ici, ce sont 110 M€ qui ont été mobilisés pour soutenir les salariés en chômage partiel (leur garantir prévoyance et santé) tout en exonérant de cotisations l'ensemble des adhérents, employeurs comme salariés.
Mais toutes les branches ne sont pas logées à la même enseigne. L'IP des professionnels de la culture, par exemple, a surtout prévu une aide conditionnelle pouvant aller jusqu'à 900€ pour les adhérents les plus touchés, tout en se faisant aider par des acteurs économiques privés - ici, à hauteur de 1 M€.
Augmentation des cotisations
Dans sa déclaration du mois d'avril, le CTIP n'hésite pas à rappeler que la solvabilité des IP " doit être garantie dans la durée " et ce " pendant la crise sanitaire, et au-delà, quand les impacts économiques et sociaux se feront les plus criants. ". Cela passera systématiquement par le maintien d'un " équilibre entre cotisations payées et prestations versées. "
Tant que les réserves mutualisées constituées par les IP ne seront pas épuisées, les cotisations ne devraient pas augmenter. Mais forts de l'expérience du Covid-19 les IP auront à cœur de rétablir ces réserves dans un second temps, lesquelles sont si utiles actuellement. Leurs adhérents doivent donc s'attendre à cotiser un peu plus ou à accepter des prestations moins élevées dans les mois ou les quelques années à venir.
Néanmoins tout ceci restera à négocier pour chacune des branches, la négociation restant l'une des missions du CTIP.
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