Lire aujourd'hui ce livre après des mois d'escobarderies sanitaires prend tout son sel. Rémy Prud'homme y aura certainement trouvé matière à enrichir son portefeuille d'exemples de mensonges publics.
Dans Gouverner c'est mentir, publié fin 2019, l'auteur en donne déjà douze qu'il a choisis parce qu'ils sont publics, qu'ils ont été commis dans un passé récent, qu'ils sont quantifiables.
Ces exemples sont circonscrits à la parole publique: La parole publique peut être définie comme le flot d'informations adressées aux citoyens par les administrations et les politiciens, ainsi que par les médias.
A ces quatre groupes d'acteurs de la parole publique, l'auteur ajoute un cinquième composé de ceux qu'il appelle les producteurs d'information:
Les statisticiens, les sondeurs, les enseignants-chercheurs, les officiers d'état civil, les hôpitaux, les renseignements généraux, les magistrats, les organismes de sécurité sociale, certains journalistes .
Ces producteurs d'information devraient être neutres, objectifs, techniques, apolitiques , mais ne le sont souvent pas parce qu'ils dépendent directement ou indirectement des politiciens...
Les douze mensonges publicsLes douze exemples de mensonges publics choisis ne sont qu'un échantillon, mais il est éloquent. Ils ont été proférés au sujet de l'environnement, de l'énergie et de la société.
L'auteur démonte ces mensonges publics à chaque fois en opérant un calcul à partir de chiffres incontestables auxquels en cherchant bien il est possible d'avoir accès.
Il serait plus difficile de démonter des jugements de valeur ou des mensonges qualitatifs, car il est par définition souvent impossible et toujours discutable de "prouver" leur dimension de tromperie .
Anatomie des mensonges publics
Quoi qu'il en soit, ces douze exemples le conduisent à mettre à nu une anatomie des mensonges publics par ordre croissant de complexité :
- le mensonge simple : par exemple faire une citation tronquée ou inventée, travestir ou déguiser la réalité,
- le mensonge par sélection : par exemple ne retenir que ce qui va dans le sens de la thèse ou occulter ce qui lui est contraire,
- le mensonge par analyse : par exemple confondre corrélation et causalité, confondre le multicausal et le mono-causal.
Physiologie des mensonges publicsQuels sont les agents infectieux de cette maladie qu'est le mensonge public?
- la politisation croissante : le politique ne pèse pas seulement sur la société par les dépenses publiques et les taxes, mais par la réglementation et a besoin des électeurs auxquels il fait des promesses pour être élu;
- la complexité grandissante : c'est pourquoi une grande majorité de personnes [...] n'en savent pas assez pour porter un jugement et sont des proies faciles et tentantes pour la propagande et le mensonge ;
- la soif des idéologies : le christianisme et le communisme ayant perdu de leur attrait, de nouvelles idéologies permettent de l'étancher, telles que l'environnementalisme ou le réchauffisme qui se caractérisent par textes sacrés, menaces terrifiantes, ennemis à terrasser, rédemption par la souffrance, communion, grand-messes etc. ;
- le rôle croissant des lobbys : les lobbys, qui font le lien entre les entreprises ou les groupements d'entreprise et les politiciens, ont la connaissance, leurs cibles non;
- les biais de formation : on peut en France devenir administrateur, politicien ou journaliste, sans avoir jamais fait de mathématiques. La voie royale consiste à passer le baccalauréat dans la série L, d'entrer à Sciences-Po, puis à l'ENA - sans avoir jamais utilisé une règle de trois...
le recul des contre-pouvoirs : qu'il s'agisse des médias (qui ont glissé de la presse vers le radio, puis vers la télévision, puis vers les réseaux sociaux, qui subissent la contrainte de l'immédiateté et qui se sont appauvris), des scientifiques (qui se sont politisés), ou encore de la fonction publique (dont, notamment, le recrutement ne se fait plus au mérite).
Les conséquencesLe mensonge public peut profiter au menteur dans son combat politique ou pour construire son image politique. Il peut même profiter d'une certaine manière au public parce qu'il le fait rêver.
Mais, si, au début, la tromperie est l'emballage qui fait désirer le contenu de l'envoi, assez vite, l'emballage augmente au détriment du contenu, l'expertise cédant la place à la pure communication.
Il en résulte que la menterie engendre la menterie et que le public se laisse tromper: non seulement les mensonges deviennent de plus en plus gros, mais ils sont de mieux en mieux gobés...
A un moment donné, toutefois, le public, à l'attitude ambiguë, ne fait plus confiance aux politiciens et aux journalistes qui, par lui, sont considérés comme marchant la main dans la main:
D'un côté, le public en veut, des tromperies publiques, et en redemande. D'un autre côté, il n'est pas dupe: il sait ou il sent, qu'on lui ment, et qu'il ne peut avoir confiance dans la parole publique. Il est comme le drogué qui veut sa dose et qui en méprise son dealer.Cette perte de confiance a un coût social (le pacte social est remplacé par les violences) et un coût économique (les acteurs économiques, par prudence, réduisent leurs investissements et l'activité du pays).
ConclusionsIl ne faut pas s'en remettre à l'État: la lutte contre les politiciens ne peut pas passer par l'augmentation du pouvoir des politiciens. Ils sont le problème , ils ne peuvent pas être la solution.
Il faut renforcer les défenses immunitaires du pays: on peut recommander un cocktail fortifiant à base de Descartes [ et son scepticisme scientifique et sa culture de la mesure et sa tolérance , auquel il faudrait ajouter ] et de Voltaire [ un glaçon de recul et d'humour (emprunté à Cervantes par exemple) .
Francis Richard
Gouverner c'est mentir, Rémy Prud'homme, 160 pages, L'Artilleur.fr
Livre précédent:
L'idéologie du réchauffement (2015)