Mais cette image est une caricature.
Dans la réalité de la pratique, les traditions du yoga indien visaient d'abord le confort et la détente.Comment ?
Notamment en employant une ceinture, sorte d'étoffe qui peut se placer de différentes manières autour des genoux et du dos et qui permet d'entrer en contemplation sans tension, et surtout sans douleur. La "posture du lotus" est une pose rituelle, une pose religieuse, et non une posture de pratique. Le yoga est un artisanat fondé sur des archétypes innés, plus qu'une affaire de symboles de religions passagères. Les yogis et les yoginîs cherchaient la pleine expérience, bien au-delà des dogmes étriqués.
J'ai déjà consacré au moins cinq articles sur la ceinture de yoga (yogapaṭṭa), outil de contemplation qui était employé par tous les yogîs et les yoginîs, au moins jusqu'au XIIe siècle.
C'est un instrument très pratique pour contempler dans la détente, élément essentiel dans la méditation de Shiva (śivamudrā), fusion de la conscience et de l'espace qui résorbe l'attention agitée (manas) dans la présence affranchie de cette agitation (unmanī).
La "posture avec ceinture de yoga" (yogapaṭṭāsana) est l'une des postures, toutes assises, prescrites dans le Svacchandabhairavatantra, le tantra principal du cycle de Bhairava (VII, 291a, sāpāśrayaṃ sārdhacandraṃ yogapaṭṭaṃ yathāsukham) que Kṣemarāja, dans son commentaire, décrit comme une pose "prise avec une ceinture faite pour le yoga, (c'est-à-dire) pour tenir en entourant avec une étoffe" (yogārthaṃ paṭṭaparikarabandhāya baddhvā ).
La ceinture est utilisée comme symbole d'initiation, par exemple dans ce rituel du Śivapurāṇa qui décrit une forme de transmission de la philosophie du shivaïsme du Cachemire : cliquer ici. (le chapitre 26 cite les Shivasûtra !).
La ceinture de yoga est mentionnée dans de nombreux textes tantriques : le Tantra du hurlement de rire (Hāhārāvatantra), le Tantra de l'excellente révélation du secret (Suprabheda), le Tantra de la transcendance du temps en six mille versets (Satṣahasrakālottarāgama et d'autres versions de ce cycle ancien et très important), le Tantra de l'océan de la science sublime (śrīvidyārṇavatantra), la Religion de Shiva (śivadharma) et son Annexe (Uttara), ainsi que d'autres tantras, des manuels, des anthologies tantriques et des Oupanishads tardives.
On la retrouve, apparemment, jusque chez des mystiques comme Roûmî. Voici une image d'un rosaire (mālā), d'un bâton de méditation (yogadaṇḍa) et d'une ceinture de yoga de la confrérie Mevlevi :
En Inde, il reste de très nombreuses représentations, depuis les bas-reliefs jusqu'aux miniatures mogholes, en passant par des statues, dont les plus communes sont Yoganarasimha et Âyyapan.
Narasimha :
Un yogi sculpté au pays Tamoul, XVIIIe siècle. Notez la position des bras, des mains, l'attitude générale, les yeux grands ouverts plongeant dans l'espace, dans le geste de Shiva (śaṃbhavīmudrā) :
La déesse Sarasvatî ou une yoginî :
Matsyendra, révélateur de la tradition, Kaula, sur le poisson :
Des yogîs à Borobudur :
Une déesse (Brahmî ?), Népal :
Dans la tradition tibétaine, la ceinture de méditation reste l'attribut du yogi.
Voici le XVIème Karmapa :
Différentes manières de l'employer :