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Quand on comprend qu’on n’a rien compris

Par Pmalgachie @pmalgachie

Quand on comprend qu’on n’a rien compris En un volume, six éditions du même ouvrage, Scherbius (sauf la dernière, où Maxime Le Verrier, l’auteur, se joint au personnage), datées de 1978 à 2004, racontent une thérapie et les errements d’un psychiatre. Chaque fois qu’il pense avoir compris le problème de Scherbius, Maxime Le Verrier doit admettre qu’il était à côté de la plaque. Du coup, cela donne, comme il le reconnaît avant de tirer sa révérence, un « texte baroque et hétéroclite, dont chaque page semble contredire la précédente. » Grand manipulateur de récits, truqueur émérite capable de faire croire à ses lecteurs, plusieurs fois de suite s’il le faut, qu’il est très exactement là où il n’est pas, Antoine Bello joue avec Scherbius (et moi) au plus haut niveau dans une partie menée sur le fil du rasoir. Les contradictions sont elles-mêmes les principaux rebondissements d’un roman conçu comme un piège vertigineux. Le premier à tomber dans le piège, ou plutôt les pièges, de Scherbius, est le narrateur. Il se fait avoir dès le début, quand, une demi-heure après que son cabinet ouvert de frais a été raccordé au téléphone, il reçoit un appel dont toute sa carrière va découler. L’éminent professeur Francis Monnet, qui dirige le service de psychiatrie de l’hôpital Cochin, le sollicite pour accepter de traiter le cas de Scherbius, présenté comme « imposteur pathologique ». Et, pour fournir les éléments qu’il possède, Francis Monnet propose de passer le lendemain. La présentation qu’il fait des exploits spectaculaires du futur patient oriente le jeune psychiatre vers un début d’hypothèse aussitôt ruinée, à moins qu’elle soit confirmée, par le dévoilement, sous l’allure du faux Francis Monnet, du vrai Scherbius. Encore qu’à son sujet, définir qui il est vraiment restera une gageure jusqu’à la fin, un quart de siècle après. Trompé, mais décidé à comprendre ce qui anime Scherbius, Le Verrier ne tarde pas à déceler chez lui un mal « rarissime et, partant, peu connu : le Trouble de la Personnalité Multiple (TPM), un désordre mental dans lequel plusieurs identités distinctes se disputent le contrôle de l’individu. » C’est une première victoire pour le psychiatre, qui consacre un livre à Scherbius ainsi qu’à la description de ses cinq personnalités – puis onze, car le patient coopère à la perfection. Et la première édition de l’ouvrage (c’est-à-dire la première partie du roman) est un immense succès qui hisse Le Verrier au premier rang des spécialistes mondiaux du TPM. Jusque-là, tout va bien. Il reste à déconstruire cette belle réussite, en plusieurs épisodes dont chacun est une brillante trouvaille.

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