De l’avis de nombreux observateurs du secteur de la construction, l’enjeu de réduction d’économie d’énergie annoncé par le décret tertiaire est considérable et il ne faut pas le sous-estimer. Publié au Journal Officiel le 25 juillet 2019, le décret est en attente de ses arrêtés d’application qui devraient paraître en avril 2020. Il impose aux bâtiments du secteur tertiaire d’une surface supérieure à 1000 m2, une baisse des consommations d’énergie. Plusieurs étapes : 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050. Des objectifs ambitieux, sachant que malgré les progrès palpables sur la qualité des ouvrages ces vingt dernières années, les consommations n’ont été diminuées que de 20 à 30 %.
Alors ce décret est-il réaliste ? Pour Antoine Vallet, chargé de mission efficacité énergétique & bâtiments au sein du Serce, la réponse est affirmative : « Nous considérons qu’à partir de 500 m2, les bâtiments consomment beaucoup d’énergie mais offrent aussi des gisements d’économie associés conséquents. Dans ces conditions, au vu des surfaces visées, le décret tertiaire s’avère tout à fait réaliste. La taille critique de ces bâtiments rend les actions rentables dans un horizon de temps acceptable, qui autorise un retour sur investissement entre 3 et 10 ans ».
Logique de résultats
Sur le plan technique aussi, Antoine Vallet est optimiste : « Les technologies permettant de diminuer les consommations énergétiques du parc de bâtiments tertiaires existent. Par exemple, les Leds en remplacement des éclairages traditionnels sont une source d’économie directe, et indolore. » L’approche technique sera d’autant plus aisée que le décret n’impose rien : « Il traite de la consommation d’énergie et non de la source de celle-ci. Il s’agit de réduire les consommations toutes énergies, avec une logique de résultats. Il y a peu de place pour les énergies renouvelables, hormis le photovoltaïque dans une logique d’autoconsommation, l’énergie étant produite directement sur le site. Ce qui signifie une optimisation du fonctionnement en utilisant les ressources à disposition. Quoi qu’il en soit, l’objectif reste la réduction des consommations – et tant mieux si cela se fait par le photovoltaïque ! »
Quant aux autres technologies, Antoine Vallet résume : « Les pompes à chaleur génèrent 30 à 50% de gains, la ventilation double flux autorise une diminution de 10 à 20%, l’autoconsommation photovoltaïque 10%. Si l’on ajoute à cela un pilotage efficace – moduler le chauffage, la ventilation, l’éclairage en fonction du taux d’occupation –, le gisement est de 10%. Mises bout à bout, toutes ces actions, petites et grandes, permettent d’atteindre les objectifs de 40% sans s’attaquer à l’enveloppe du bâtiment ». Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas s’intéresser à celle-ci : « C’est une étude au cas par cas, il n’y a pas de solution miracle. Certains bâtiments sont des épaves thermiques et la première action sera de les isoler par l’extérieur ».
Donner une dimension “numérique”
Ce décret peut aussi avoir des effets collatéraux, là où on ne les attend pas forcément. Car en cherchant les économies d’énergie, on agit également à un stade supérieur : celui de l’urbanisme et de l’aménagement des territoires. « Lorsque l’on s’attaque à la rénovation énergétique, c’est l’occasion de donner une dimension “numérique” à son bâtiment. Aller vers le smart building pour atteindre la smart city. Sachant que ce sont des termes très employés et qu’il est encore difficile aujourd’hui d’avoir une définition commune de ce qu’est réellement un smart building. Mais intégrer le numérique dans son bâtiment et le rendre attractif avec une offre de services – autopartage, réservation de salles de réunion, conciergerie… – est pour certains indispensable », conclut Antoine Vallet.