Pour le dirigeant, la période de confinement a posé la réflexion de l’utilité et de l’usage de l’immobilier d’entreprise. Jusqu’ici, il était le passage obligé des collaborateurs, le lieu de travail au sens formel et juridique. Le lieu de contrôle et de pouvoirs, mais aussi de partage et dans une certaine mesure, de co-construction. La crise de la COVID-19 a interrogé ces différentes habitudes ou croyances au moment où les locaux ont été désertés : faut-il rester en centre-ville ; la surface et la géographie du lieu de travail sont elles adaptées ; comment pourrait-on rendre acceptables des déplacements domicile-travail plus importants mais moins fréquents ?
Comme l’on s’est questionné hier sur la vacance des logements en les transformant à l’usage professionnel, il convient de s’interroger désormais sur la philosophie même des locaux professionnels pour leur donner une autre dimension, dans la relation triangulaire entreprises, collaborateurs, dirigeants. Cette nouvelle relation doit s’inscrire dans le cadre d’une réflexion que toute entreprise doit conduire en matière de responsabilité sociale et environnementale. C’est-à-dire un lieu de vie où l’on privilégie le bien-être des collaborateurs, la formation et le transfert de compétences. Où l’on se rencontre régulièrement dans un esprit collaboratif et convivial, de manière à se voir et à partager, tel un moment de rassemblement “familial”. D’un côté le télétravail apportera un sentiment de liberté, où le télétravailleur est autonome et productif à la fois. De l’autre, il permettra au dirigeant de développer une nouvelle culture d’entreprise où le lieu d’exercice contractuel sera désacralisé. Mais aussi d’opter pour un nouveau cadre de travail dans un environnement moins concentré que les centres urbains habituels.
L’équilibre entre le télétravail et le lieu de rassemblement gommera la liste des désagréments que le dirigeant, comme le collaborateur, ont habituellement lorsque seul le travail à distance est la règle. C’est-à-dire, le sentiment d’isolement, le droit à la déconnexion, la délocalisation qui ne permet pas de superviser le travail effectué, etc.
Ce nouvel usage des locaux professionnels à un avenir pour deux raisons majeures :
- un bureau professionnel est actuellement utilisé en moyenne 2500 heures à l’année, soit ? de son temps. Se pose donc la question de leur utilisation pour d’autres usages, dont le partage par plusieurs sociétés par exemple.
- Il permet de casser la routine aussi bien pour ceux qui viennent tous les jours au bureau que pour ceux qui télétravaillent sans jamais s’y rendre.
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Pour le dirigeant, outre les économies de structures, il observera une productivité plus qualitative avec des collaborateurs plus épanouis, où le télétravail ne sera plus un gadget, mais un outil de travail collectif, où les locaux seront un point de rassemblement pour confirmer la valeur ajoutée créée par chacun.
Enfin, c’est aussi l’occasion d’ouvrir les locaux des entreprises à d’autres usages et services auxquels les dirigeants et les collaborateurs n’ont pas accès habituellement. La consultation d’un ostéopathe, l’intégration d’une garderie pour enfants, etc. Avec ce nouveau rapport au travail, au lieu et au temps, l’entreprise pourra devenir la “smart factory” comme on le dit actuellement des “smarts city”. Voire même faire partie intégrante de ces dernières. Elle sera une entreprise qui optimise ses ressources immatérielles et matérielles au bénéfice de celles et ceux qui contribuent à sa vitalité et à son développement. Ceci en réduisant les coûts (énergie, transports, locaux) et son impact environnemental. Pour cela il convient donc, en France, de repenser nos usages des locaux professionnels et de mettre de l’intelligence dans notre quotidien pour conserver le même niveau de qualité perçu par les clients. Ce coliving ou “nomadisme” entre domicile et lieu de rassemblement professionnel fait déjà ses preuves outre atlantique. Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook a annoncé la prolongation du “work from home” jusqu’en 2021. Twitter aussi mais sans donner de limite de temps aux collaborateurs. Ce “work from home” signifie aussi l’arrivée du “remote hiring”, soit l’ouverture des offres d’emplois aux travailleurs du monde entier, sans la nécessité de se relocaliser physiquement. Si ce phénomène part des USA, il aura vocation vue la globalisation du marché du travail. The Economist pointait d’ailleurs le potentiel d’un milliard de travailleurs en géolocalisation indépendante d’ici 2035.
Le marché du travail se diviserait alors en deux tendances. D’un côté, le marché mondial hyper qualifié et hautement rémunéré car très spécialisé où un télétravailleur sera en concurrence avec un chinois, un américain ou un indien avec un statut très probablement d'indépendant. De l’autre, un marché local de jobs sédentaires moins compétitifs, moins exposés mais aussi moins qualifiés et/ou rémunérés, avec un contrat de travail classique. Les entreprises qui veulent fidéliser leurs “pépites” devront se réapproprier les locaux professionnels (ou leur utilisation) pour apporter du sens en échange d'engagements, pour une collaboration durable. La disruption du lieu de travail marque les prémices d’un tout autre monde. Elle pose aussi nos capacités à nous adapter en permanence face à ces enjeux et à y répondre pour que l’entreprise ne soit plus subie mais vécue.
A propos de l'auteur : Jérôme Tarting est P-DG d'Up’nBIZ.