Deux autres artistes femmes qui intègrent la photographie à leur démarche figurent dans l’annuaire A to Z of Caribbean art, Quisqueya Henriquez (Cuba 1966) et Karyn Olivier (Trinidad 1968) .
L’œuvre de Quisqueya Henriquez, née à Cuba et installée à Saint-Domingue, est polymorphe : collage, vidéo, installation, œuvres sonores et lumineuses, photographie. Le fil conducteur pourrait être la re-contextualisation d’images et d’objets de la culture populaire caribéenne à travers le prisme de l’humour. Les photographies déconstruisent les stéréotypes de la Caraïbe perçue de l’extérieur comme un paradis.
Pour déconstruire les stéréotypes attachés à la Caraïbe, Quisqueya Henriquez fabrique en 2002 une glace avec l’eau de la mer caraïbe, du babeurre, de rhum, de l’huile de coco, du colorant bleu Caribbean Seawater Ice Cream. . Le goût salé de cette glace déconcerte le consommateur qui s’attend bien sûr à quelque chose de sucré. L’artiste précise s’être inspirée d’un fragment de poème de Virgilio Piñera ,la Isla En Peso:La maldita circunstancia del agua por todas me part obliga a sentarme en la mesa del café .
Quisqueya Henriquez THe paradise of green Photo DavidCastillo gallery
La série d’appareillages photographiques de 2004, Paradise of green, associe deux impressions digitales de scènes urbaines encadrées par une monture de lunettes de soleil. Leur tonalité verdâtre reproduit la vision à travers un verre solaire. Leur association, un SDF allongé par terre, un chien couché sous un banc à l’ombre d’un muret de pierre choque et provoque la réflexion du regardeur.
Qiuisqueya Henriquez Fragmentos criollos
Fragmentos Criollos (2007) propose une réflexion sur l’intégration des plasticiens de la Caraïbe au marché international. Ce sont des collages réalisés à partir d’images de joueurs de baseball extraites d’un journal sportif. Cette série souligne la différence entre les artistes de la République dominicaine et ces sportifs que tout le monde connaît. Lorsque les gens pensent à la République dominicaine, l’une des premières choses qui leur vient à l’esprit, c’est que joueurs de baseball de République dominicaine jouent pour les plus grandes équipes des États-Unis. Or même si certains artistes de la Caraïbe accèdent au milieu international de l’art, le travail de beaucoup d’entre eux reste méconnu des institutions artistiques et curators internationaux.
Quisqueya Quisqueya Henríquez Chair, 2004 Fotografía digital 10″ x 13″
Quisqueya Henríquez Fuente, 2001 Fotografía digital 15″ x 22″
Henriquez a exposé dans plusieurs institutions artistiques en Amérique latine, aux États-Unis et en Europe, comme le Bronx Museum Of The Arts, NY. Artist Space, NY. Brooklyn Art Museum, NY. Museo Del Barrio, NY. Perez Art Museum of Miami, Allen Memorial Art Museum AMAM, Oberlin Ohio. RISD Museum, Providence, Rhode Island. Museo Rufino Tamayo, Mexique. Museo Carrillo Gil, Mexique. Museo Latinoamericano de Buenos Aires, MALBA, Argentine. Espacio Cultural Sergio Porto.
Qiuisqueya Henriquez Frozen Clothes 2001
Karyn Olivier Underwear série 2008 et 2009
Une de ses oeuvres, Frozen Clothes (2001), une série de photographies de vêtements portés par l’artiste roulés en boule puis congelés et une autre série de photos présentant du mobilier urbain délabré et des monuments en ruine, «Public Space» (2006), nous rappelle que la République dominicaine n’est pas une île paradisiaque et trouve des échos avec certaines œuvres de Karyn Olivier.
La démarche de Karyn Olivier s’inscrit parfaitement dans l’actualité et interroge la relation de l’homme d’aujourd’hui avec la mémoire, l’histoire, les monuments commémoratifs. Par ses interventions, Karyn Olivier donne une résonance contemporaine aux monuments commémoratifs en créant des installations éphémères ou pérennes.
Karyn Olivier The battle is joined 2017
Karyn Olivier The battle is joined 2017
Ainsi The Battle Is Joined (2017) était une sculpture publique temporaire qui dissimulait avec une structure acrylique en miroir la stèle commémorative de la bataille de Germantown Memorial dans le Vernon Park de Philadelphie. Cela instaurait une forme de dialogue entre deux monuments du parc – le monument Pastorius, qui rend hommage à Francis Daniel Pastorius, un colon allemand qui a dirigé la première manifestation Quaker contre l’esclavage en 1688 et le mémorial de la bataille de Germantown, honorant une bataille de guerre révolutionnaire menée par George Washington. Entouré d’une boîte en plexiglas et miroir, le monument d’origine est transformé, presque invisible sous certains angles, il reflète la végétation du parc.
Karyn Olivier Witness
Avec Witness (2018) au Memorial Hall de l’Université du Kentucky, Olivier a créé une installation permanente spécifique pour le site. Elle insère des figures afro-américaines et amérindiennes sur le plafond en dôme du vestibule recouvert à la feuille d’or : quatre portraits d’individus importants mais méconnus de l’histoire du Kentucky. Autour de la base du dôme on peut lire une citation de Frederick Douglass : Il n’y a pas d’homme sous la verrière du ciel, qui ne sache pas que l’esclavage est mauvais. Cela semble être la réponse à une fresque de l’Université du Kentucky réalisée à l’ère du New Deal et contestée pour son contenu.
Here and Now / Glacier, Shard, Rock (2015) consiste en l’implantation d’ un panneau d’affichage associant trois images: un glacier, un éclat de poterie de la colonie historique du village de Seneca et une image du paysage contemporain, liées à l’histoire du lieu topographique et anthropologique contrastée. L’œuvre rappelle la nature constamment changeante du parc et de son histoire Here and Now a recadré le paysage pittoresque d’Olmsted du point de vue de l’artiste, une femme afro-américaine.
Karyn Olivier Here and now
Karyn Olivier modifie l’expérience du spectateur en perturbant le familier en déplaçant, en insérant, en arrangeant des d’objets du quotidien dans des sites inattendus pour souligner la nature malléable et non fixée des objets et des espaces. Karyn Olivier intègre des photographies et des collages de photos dans sa pratique afin d’exploiter le quotidien, brouiller les frontières, refléter les complexités qui définissent l’humanité.
Karyn Olivier Free librairy 2010
En 2010, La Free Library est une bibliothèque gratuite, ouverte à tous les clients du magasin d’alimentation, installée dans l’épicerie Caribbean Corner du Kensington Market de Toronto (Canada) mais aussi dans le Connecticut (USA) N’importe quel client peut retirer un ou plusieurs livres à la fois sans carte de bibliothèque et sans date de retour imposée. Parmi diverses marchandises importées des îles, on trouve des rangées de livres en provenance et à propos des Caraïbes – romans, recueils de poèmes, biographies, livres sur l’histoire, la musique et l’art – soigneusement disposés parmi les boîtes et bouteilles du supermarché. À la fois installation, performance et engagement social, Free Library provoque une réflexion sur les diverses façons dont les phénomènes culturels – qu’ils soient alimentaires, littéraires ou artistiques – sont censés construire la mémoire personnelle, l’histoire sociale et le patrimoine national.
Le travail d’Olivier a été exposé à l’échelle nationale et internationale, y compris des expositions aux biennales de Gwangju et de Busan, en Corée; Festival mondial des arts et de la culture noirs, Sénégal; la Fondation Wanas, Suède; SculptureCenter, NY; Le Studio Museum à Harlem, NY; Le Whitney Museum of Art, NY; MoMA PS1, NY; Le Musée des beaux-arts de Houston, Texas; Le Musée d’art contemporain de Houston, Texas; et Socrates Sculpture Park, New York. Elle a reçu la bourse John Simon Guggenheim Memorial Foundation, le Joan Mitchell Foundation Award, le New York Foundation for the Arts Award, une subvention de la Pollock-Krasner Foundation…