Quelques mots, très brefs et, pour une fois, à propos d'une polémique
médiatique, à la lecture de la tribune de Bernard-Henri Lévy (BHL) publiée par
Le Monde d'aujourd'hui sur l'affaire du licenciement du caricaturiste
Siné par son journal, Charlie Hebdo, au motif qu'une chronique qu'il aurait
publiée avait un caractère "antisémite".
Voici le passage de la chronique qui fait débat, tel qu'il a été publié par le
journal le 8 juillet dernier :
« Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà conseiller général de
l'UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en
correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le Parquet a même demandé sa
relaxe ! Il faut dire que le plaignant est arabe ! Ce n'est pas tout : il vient
de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d'épouser sa fiancée, juive,
et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie, ce petit !
»
En d'autres termes, Jean Sarkozy, fils du Président de la République
Française du moment, se déclare prêt à se convertir à la religion de la femme
qu'il aime et qui, ce qui permet de joindre l'utile à l'agréable, est
milliardaire. Il se trouve que cette dernière, en plus d'être l'héritière des
entreprises Darty, est de confession juive. Jean Sarkozy veut donc se convertir
au judaïsme.
Voici maintenant comment BHL
présente l'affaire :
"Voilà un humoriste - Siné - qui donne à son journal une chronique où
il dit, en substance, que la conversion au judaïsme est, dans la France de
Sarkozy, un moyen de réussite sociale et qu'il préfère "une musulmane en
tchador" à "une juive rasée" (sic)."
Siné ne dit pas que "la conversion au judaïsme est [...] un moyen de réussite
sociale" mais qu'un homme, et pas n'importe lequel, est prêt à se convertir au
judaïsme pour épouser une milliardaire! Pas que tous les milliardaires sont
juifs, ou que tous les juifs sont milliardaires ! C'est incroyable, quand même,
une telle myopie ! Notez le "en substance" hautain qui permet de ne
pas citer le texte.
Le meilleur est à venir : monsieur BHL se permet de dire que "Ce qui compte ce sont les mots"... sans les citer ! Et
d'enchaîner sur un vaste panorama historique teinté de moralisme sur ce qu'il
convient de dire, et de ne plus dire, aujourd'hui, se payant même le luxe de
terminer sur un méprisant tutoiement au caricaturiste concerné - "Allons,
Siné. Tu as encore le choix." - pour lui enjoindre de choisir entre
l'antisémitisme, donc, et un humour qui soit "l'aventure d'une liberté
retrouvée et ajustée aux libertés du jour - jeunesse à volonté, talent,
modernité." On croit rêver : monsieur BHL, bientôt 60 ans, qui vient
donner des leçons d'humour, de jeunesse et de talent alors qu'il ne m'a jamais
fait rire et que son œuvre philosophique durera probablement bien moins
longtemps que le souvenir de sa chemise blanche entrouverte... Bref. Fin de la
parenthèse.