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Siné ou l'indignation sélective

Publié le 21 juillet 2008 par Nepigo
Quelques mots, très brefs et, pour une fois, à propos d'une polémique médiatique, à la lecture de la tribune de Bernard-Henri Lévy (BHL) publiée par Le Monde d'aujourd'hui sur l'affaire du licenciement du caricaturiste Siné par son journal, Charlie Hebdo, au motif qu'une chronique qu'il aurait publiée avait un caractère "antisémite".
Voici le passage de la chronique qui fait débat, tel qu'il a été publié par le journal le 8 juillet dernier :
« Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà conseiller général de l'UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le Parquet a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est arabe ! Ce n'est pas tout : il vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d'épouser sa fiancée, juive, et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie, ce petit ! »

En d'autres termes, Jean Sarkozy, fils du Président de la République Française du moment, se déclare prêt à se convertir à la religion de la femme qu'il aime et qui, ce qui permet de joindre l'utile à l'agréable, est milliardaire. Il se trouve que cette dernière, en plus d'être l'héritière des entreprises Darty, est de confession juive. Jean Sarkozy veut donc se convertir au judaïsme.
Voici maintenant comment BHL présente l'affaire :
"Voilà un humoriste - Siné - qui donne à son journal une chronique où il dit, en substance, que la conversion au judaïsme est, dans la France de Sarkozy, un moyen de réussite sociale et qu'il préfère "une musulmane en tchador" à "une juive rasée" (sic)."
Siné ne dit pas que "la conversion au judaïsme est [...] un moyen de réussite sociale" mais qu'un homme, et pas n'importe lequel, est prêt à se convertir au judaïsme pour épouser une milliardaire! Pas que tous les milliardaires sont juifs, ou que tous les juifs sont milliardaires ! C'est incroyable, quand même, une telle myopie ! Notez le "en substance" hautain qui permet de ne pas citer le texte.
Le meilleur est à venir : monsieur BHL se permet de dire que "Ce qui compte ce sont les mots"... sans les citer ! Et d'enchaîner sur un vaste panorama historique teinté de moralisme sur ce qu'il convient de dire, et de ne plus dire, aujourd'hui, se payant même le luxe de terminer sur un méprisant tutoiement au caricaturiste concerné - "Allons, Siné. Tu as encore le choix." - pour lui enjoindre de choisir entre l'antisémitisme, donc, et un humour qui soit "l'aventure d'une liberté retrouvée et ajustée aux libertés du jour - jeunesse à volonté, talent, modernité." On croit rêver : monsieur BHL, bientôt 60 ans, qui vient donner des leçons d'humour, de jeunesse et de talent alors qu'il ne m'a jamais fait rire et que son œuvre philosophique durera probablement bien moins longtemps que le souvenir de sa chemise blanche entrouverte... Bref. Fin de la parenthèse.

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