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Si belles en ce mouroir de Marie Laborde

Par A Bride Abattue @abrideabattue
Si belles en ce mouroir de Marie LabordeEncore un roman dont l'action se situe en EHPAD. Comme Une vie et des poussières de Valérie Clo que j'ai lu il y a un mois, ou Les coeurs imparfaits de Gaëlle Pingault dont je démarre la lecture.
Je ne dirai pas que j'ai ouvert Si belles en ce mouroir avec enthousiasme. D'ailleurs je ne l'ai pas "ouvert" à proprement parler puisque je l'ai lu en version numérique. Et j'ai très vite été happée par l'écriture de Marie Laborde qui a réussi à faire un roman qui n'entre dans aucune case mais qui est drôlement addictif.
D'abord parce qu'on se faufile dans le quotidien d'un trio de vieilles dames indignes, qu'elles sont pleines de ressources malgré le chapelet de déboires qu'elles ont subi dans leur vie. Chacune, à sa manière, se pose en victime d'un mari pervers, d'un voisin qui a tué son chien, d'un gendre qui a confisqué ses biens, mais compte bien savourer une vengeance, froide ou brûlante, avant de tirer sa révérence en vertu de leur adage : Il n'est jamais trop tard pour mal faire. Ça ouvre des perspectives ! (p.75).
De tous les personnages c'est celui d'Alexandrine dont on se sent le plus proche. C'est la narratrice et ses visites me distraient de mon univers confiné. Elle m'a même appris le sens d'un mot que j'ignorais (et qu'il a fallu que j'aille débusquer dans un lexique ancien) : enchoser, qui signifie blâmer, et que je compte ré-utiliser à bon escient. Elle a des formules qu'on a autant envie d'adopter : j'ai le mensonge spontané. Je réfléchis après (p.40).
Marie-Thérèse est touchante à éprouver un attachement affectif à un arbre remarquable. Comment oserais-je me moquer d'elle alors que depuis que je suis recluse à la maison (préfiguration d'une vie lointaine en maison de retraite en quelque sorte) je surveille chaque jour les progrès d'une bouture de papyrus ?
L'auteure exprime en quelques mots l'enfer des femmes victimes de harcèlement : j'ai acquis le réflexe de montrer que je n'ai pas peur alors que je crève de trouille et d'avoir l'air de m'en foutre alors que je suis au bord du désespoir (p. 72).
Elle pointe aussi bien la misère qui règne dans trop de tels établissements sans pour autant nous tirer la larme à l'oeil (sauf malgré tout une scène de la toilette contre laquelle on a envie que plainte soit déposée). Je ne vais pas insister sur le sujet, en cette période particulière mais il faut souhaiter que les choses changent véritablement car la dignité n'est pas respectée partout, loin de là, on le sait d'ailleurs. Et je parie que Marie Laborde n'a hélas rien inventé des détails de la vie quotidienne dont elle émaille son roman, écrit sur fond évident de vérité.
Il ne faudrait pas limiter notre regard à l'aspect distrayant et mettre de coté la critique sociale qui donne à réfléchir sur ce que deviennent nos parents et grands-parents lorsqu’ils ont perdu leur autonomie. Lancer a minima un #lambiance. 
A cet égard j'aurais sans doute préconisé une couverture plus percutante. En tout état de cause les trois vieilles dames de quatre-vingt, quatre-vingt-cinq et (presque) cent ans ne font pas de tapisserie. Leurs aventures sont distrayantes. On les suit de chapitre en chapitre, très dialogués, écrit d'un Bic alerte, dans un langage parlé et parlant.
Si belles en ce mouroir résonne comme le titre d'un conte. Disons que le roman relève davantage de la fable malgré une foultitude de références à l'univers du conte. On pourrait penser à un manifeste féministe puisque les bourreaux sont des hommes, mais l'auteure n'est pas manichéenne. Il y a dans le personnel soignant une femme odieuse, et une autre angélique. Et il existe parmi les résidents un papy adorable.

J'ai adoré ce trio de vieilles pies. On passe un bon moment en leur compagnie.


Si belles en ce mouroir de Marie Laborde, chez François Bourin éditeur, sortie prévue initialement le 19 mars 2020

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