Le projet Ecotone d’Arcueil (Val-de-Marne), lauréat de l’appel à projet innovant « Inventons la Métropole du Grand Paris », est emblématique de la démarche biomimétique et l’un des premiers du genre dans le monde de l’immobilier. En quoi consiste-t-il et sur quels grands principes repose-t-il ?
Pauline Philippe (PP) / Ce projet (porté par la Compagnie de Phalsbourg) est un démonstrateur de ce que peut être la mise en œuvre de l’approche biomimétique dans l’immobilier. Gouvernance, aménagement, programmation, architecture : il explore tous les leviers disponibles pour injecter les principes du biomimétisme dans un projet immobilier.Imaginé comme un rocher urbain, de verre et de végétal, le futur bâtiment sera ouvert sur la ville et l’environnement et viendra désenclaver un secteur souffrant aujourd’hui de fracture urbaine du fait de la proximité de deux autoroutes. Pôle tertiaire de 65 000 m², programmation favorisant le lien intergénérationnel (résidences pour jeunes actifs, appartements temporaires pour chercheurs, crèche, aide à domicile pour personnes âgées, etc.), pôle santé et sport et restauration responsable prendront place dans un bâtiment étagé en terrasses et creusé de patios éclairant naturellement les lieux de vie et de travail.
L’équipe, pluridisciplinaire, a appliqué les principes du biomimétisme dans sa façon de travailler : coopération et logique écosystémique, se nourrissant des interactions mutuelles. C’est dans cette optique que les quatre architectes du projet ont œuvré de concert à partir d’un cahier des charges commun. Le tout, en s’appuyant sur un comité scientifique pour la biodiversité et le biomimétisme composé du Museum national d’Histoire naturelle, du CEEBIOS (Centre Européen d’Excellence en Biomimétisme de Senlis), d’Elan et du Lab Crigen d’Engie.Un comité que pourraient rejoindre d’autres experts, à l’image du professeur et architecte Achim Menges de l’université de Stuttgart, concepteur de la peau « Hygroskin ». Ce concept fait partie des expérimentations architecturales qui seront testées dans le projet : une enveloppe en bois modélisée en se calquant sur le comportement des feuilles de pommes de pin, qui s’ouvrira ou se fermera en fonction de l’humidité relative sans aucune intervention ou énergie extérieure.
Dans les années à venir, l’approche biomimétique pourrait-elle se généraliser dans le monde de l’immobilier ?
PP / Le sujet prend une vraie dimension dans le monde de l’immobilier. On a senti le tournant s’opérer il y a deux ans, lors de la 3ème édition de Biomim’Expo, le grand rassemblement autour du biomimétisme qui se tient chaque année à Paris. Depuis, les acteurs et parties prenantes de l’immobilier y sont fortement représentés.
Plus récemment, le mois d’octobre 2019 a marqué le lancement de Biomim’ City Lab, un groupe de travail dont l’objectif est de construire l’approche biomimétique dans l’immobilier pour répondre aux enjeux actuels, notamment ceux liés au réchauffement climatique. Elan fait partie des 9 membres fondateurs.Du côté des collectivités, le tournant est également en train de s’opérer. Les territoires s’impliquent dans la démarche, comme en témoigne l’exemple de la Région Nouvelle Aquitaine, qui forme ses responsables de programme pour intégrer le biomimétisme dans les cahiers des charges.
L’objectif est dorénavant d’ancrer cette approche dans les pratiques pour qu’elle devienne la norme. C’est à cette fin qu’Elan, conseil en immobilier, créateur de valeur responsable, a mis au point une méthodologie pour accompagner les porteurs de projets immobiliers durables et régénératifs.
Créateur de valeur responsable, le biomimétisme l’est aussi ! Mais dans quelle mesure ?
PP / Plusieurs organismes proposent des méthodologies pour évaluer les retombées socio-économiques du développement du biomimétisme. Aux Etats-Unis, le Fermanian Business & Economic Institute a cherché à estimer l’impact du biomimétisme sur le PIB du pays à horizon 2030. Ils évaluent à 425 Mds$, la valeur générée et à deux millions, le nombre d’emplois créés.
En France, le bureau d’études Vertigo Lab, a évalué à 2,1 Mds € et 36 000 emplois les retombées socio-économiques du développement du biomimétisme.
Des chiffres qui montrent le potentiel économique de cette approche !