Magazine

Karl Marx, le capital, la chronique prolétaire

Publié le 10 juin 2020 par 7bd @7BD

Karl Marx, le capital, l'adaptation impossible ?

Karl Marx, le capital, la chronique prolétaire

Titre : Karl Marx, le capital
Auteur : Variety Artworks (scénario et dessin)
Éditeur : Soleil Manga
Collection : Les Classiques
Année : 2016
Page : 384

Résumé d'une livre pour tous:

Robin travaille dans la fromagerie de son père, homme sévère mais juste qui pense que la place d'un homme est dans la classe moyenne. la Famille vend sa petite production de fromages sur le marché une fois par semaine. Le public adore et les petits fromages partent en un rien de temps. Robin est repéré par Ennie, la fille d'un important banquier qui adore son fromage et présente Le jeune homme à Daniel, un investisseur capitaliste. Voyant le succès des fromages de Robin, Daniel lui propose d'investir dans la construction d'une petite usine de formages pour augmenter sa production et aussi les profits. Robin va être confronté à un dilemme, devenir riche en mettant le doigt dans l'engrenage capitaliste ou rester un homme de la classe moyenne, au côté de son vieux père à la fromagerie, avec peu d'argent...

Scénario d'un constat économique:

Bien sûr, Robin va dire oui à Daniel, sinon, comment montrer le fonctionnement du capitalisme selon Karl Marx ? Ce récit se passe au dix-neuvième siècle, mais étant écrit au vingt-et-unième, cette adaptation inclut aussi un tas de références à notre bonne vieille société de consommation. Le récit est préfacé par Olivier Besancenot, et surtout introduit par Friedrich Engels, l'homme qui a finalisé l'écriture des deux derniers livres du Capital après le décès de Karl Marx. Là encore, la narration de cette histoire fait intervenir tous (ou mettons une bonne partie) des rouages que Marx présente dans son livre, il s'agit plus d'une mise en pratique du Capital, afin d'en montrer concrètement le fonctionnement, que d'une adaptation pure et simple du livre.
Mais le tour fonctionne bien. Enfin, presque bien pour moi. Les personnages sont construits, Robin, avec sa mère décédée et son père, rêve d'argent pour éviter le manque. Mais ce brave Robin est si étrange, car il traverse de longues périodes d'hésitation et ne tente jamais rien pour sortir de la logique capitaliste. Forcément, s'il le faisait, il ne serait plus dans l'engrenage du capitalisme et cela briserait la démonstration Marxienne. Notre protagoniste est donc sacrifié sur l'autel de l'étude économique et philosophique. En face de Robin, Daniel, qui, lui, n'a aucun intérêt, à part de vivre uniquement pour l'intérêt (financier s'entend). En effet, il investit et joue avec les hommes comme des pièces d'un échiquier (c'est répété plusieurs fois dans la BD, pour le coup, ce n'est pas de moi).

La bastonnade des ouvriers récalcitrants ne lui pose pas de problèmes, il jongle à tous les niveaux, employés, patrons, financiers, banques, c'est M.Capitalisme. Celui qui ne vit que pour amasser plus et recommencer à investir ailleurs. En bref, le personnage antipathique que rien ne rattrape, et qui en plus a une sale tronche de faux-jeton. Tout est réuni pour qu'on ne l'aime pas, en fait ! Et c'est un peu facile, je trouve, de se réfugier derrière Marx pour justifier d'un personnage si inintéressant.
Karl, le troisième personnage, un ouvrier qui travaille pour sa famille mais qui ne veut pas finir en esclave, est plus intéressant - mais il n'a rien à voir avec Karl Marx -. Coincé entre accepter d'être exploité pour nourrir sa famille et vouloir changer le système qui dysfonctionne au prix de son travail, il erre. Mais il ne prend jamais son envol. et ses rêves de justice sociale seront broyés par la machine capitaliste (oui, capitaliste est un mot qui va revenir souvent dans cette chronique).
Mais il y a deux autres personnages secondaires très attachants et malheureusement dotés d'une présence mineure, Ennie et Héléna. Ennie, la fille du banquier qui semble être attiré par Robin, travaille avec Daniel, et elle ne laisse pas Robin indifférent. Mais cette histoire d'amour potentielle est occultée par... la mission capitaliste de Robin, monter son usine et la développer. Héléna est l'amie d'enfance de Robin, je pense qu'elle est secrètement amoureuse du jeune homme, mais elle mène une vie simple, et compliquée, car il lui faut gagner de l'argent pour aider ses parents à s'en sortir. Ce qui la pousse dans la mauvaise direction. Ces deux personnages, Robin et Héléna, vont se croiser, et l'opposition de leur évolution n'en sera que plus triste car ils ne se trouveront peut-être jamais. Là aussi, cette histoire attire l'attention mais passe au second plan derrière la démonstration.
Bon, la démonstration marxiste, on en arrive au coeur du sujet. elle est intéressante. Et relue aujourd'hui, elle peut sembler un tantinet manichéenne mais malheureusement, ce manichéisme me semble tellement vrai de nos jours. Par contre, il vous faudra prendre une précaution, ce manga se lit rapidement, et semble très facile d'accès par l'histoire de Robin. Mais quand vous arrivez au partie un peu théorique, souvent dans des scènes entre le héros et Daniel, où l'investisseur cynique explique le fonctionnement du capitalisme, où encore quand Engels reprend la parole pour préciser certains points, prenez le temps de lire, car le raisonnement va très vite et vous pourriez ne pas tout suivre, en ratant un maillon de la chaîne.
Ce capital est une agréable surprise, et pour une fois, la volonté d'attirer le lecteur vers le livre source de Marx et Engels, afin qu'il se fasse sa lecture et sa propre idée, est bien montrée. Et ça, pour moi, c'est vraiment un plus indéniable (oserai-je dire, c'est Capital ?).

Le dessin d'un monde capitalisé:

Point de vue graphique, vous retrouvez toutes les caractéristiques du manga, dessin noir et blanc, personnage stylisé, décor réaliste, mais pas de composition éclatée et dynamique.Le découpage des planches se fait à l'occidentale, mettant l'accent sur la clarté et la compréhension. J'ai un petit souci avec le dessin des personnages, que je ne trouve pas abouti. Parfois, les perspectives de trois-quart sont étranges. Dans certains cas, d'une case à l'autre, le visage d'un même personnage ne raccorde pas. On le reconnaît vaguement. Une sensation que je n'avais pas eu dans les autres livres de cette collection que j'avais eu la chance de lire.
Les schématisations accentuées lors des présentations théoriques fonctionnent très bien. La symbolique de la mer du capitalisme est joliment illustrée. Mais j'avoue être tellement intrigué par Robin et son histoire que quand il y a une coupure pour parler théorie, je me dis "Zut, je voulais savoir ce qui va arriver à Robin moi ! Il va sortir avec Ennie ou Héléna ? Va-t-il se réconcilier avec son père ? Son usine va-t-elle s'écrouler ?".
Et si je pense avoir compris les grandes lignes du raisonnement exposé, je ne me priverais pas d'une relecture car certains points me semblent encore un peu flous.

Conclusion d'une histoire de lutte des classes, sans lutte des classes:

Ce capital est donc intéressant malgré quelques points faibles graphiquement et des intrigues qui ne parviennent pas à s'épanouir. Il est à noter que la lutte des classes n'est pas cinglante. Ce recueil présente le système qui va amener les ouvriers à s'opposer au patron, mais la révolte est vite étouffée dans l'œuf. La libération du prolétariat n'est donc pas au programme de cette adaptation. Ce qui peut surprendre mais n'empêche pas de se plonger dans les galères de Robin face au manipulateur Daniel.

Zéda rencontre Robin.

Karl Marx, le capital, la chronique prolétaire


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


7bd 7128 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte