Un dossier « Des livres pour revivre », coordonné par Hervé Aubron, propose des pistes de lecture dans le nouveau numéro du Nouveau Magazine Littéraire. Mais il s’ouvre par quelques lignes qui ont valeur d’avertissement :
Le « monde d’après », qu’ils disaient… Au lendemain du confinement, et alors que l’évolution de la pandémie demeure en question, nous avons demandé à des écrivains et critiques à quels livres ils s’accrochent pour revivre : penser ou rêver la suite, ou tout simplement trouver l’impulsion pour continuer. En ce qui concerne Le Magazine littéraire, ce n’est pas seulement affaire de circonstance : alors que nous imprimons, le titre est mis en vente par son propriétaire, et son destin encore incertain. On espère qu’on se retrouvera bientôt.Entre le moment où ces mots ont été écrits et celui où on les lit, l’espoir semble s’être envolé. À en croire un article de Vincy Thomas paru hier sur le site de Livres Hebdo, « Lire avale Le Nouveau Magazine Littéraire ». La nouvelle était dans l’air, ce n’est donc pas vraiment une surprise. C’est quand même un pincement au cœur pour moi, à un double titre. J’ai été lecteur du Magazine littéraire depuis… euh… longtemps. Depuis-depuis, comme on dirait à Madagascar. Je n’en ai pas connu la toute première formule, quand Guy Sitbon en était le directeur et François Bott, le rédacteur en chef. Mais j’ai pris le mouvement en route avec Jean-Jacques Brochier à la tête de la rédaction, poste qu’il occupa de 1968 à 2003 – et peut-être le fait d’en avoir été écarté à ce moment a-t-il précipité sa mort, l’année suivante. Nicky et Jean-Claude Fasquelle avaient racheté le magazine en 1970. C’est donc à Jean-Jacques Brochier que j’avais proposé en 1986 un entretien avec Le Clézio, qu’il accepta, qui fut relu par Jean-Louis Hue (futur rédacteur en chef) que je n’avais pas encore rencontré à ce moment (lui à Paris, moi à Bruxelles où se trouvait aussi, pour quelques jours, Jean-Jacques Brochier), entretien qui fut annoncé en « une » du n° 230 de mai 1986 et par lequel j’entamais une collaboration qui allait connaître des jours heureux jusqu’à ce que je m’éloigne géographiquement et que les contacts s’espacent sans jamais s’interrompre vraiment. Puisque mon dernier article du Magazine littéraire est sorti dans le n° 583 de septembre 2017 (consacré à un roman de Fouad Laroui), je ne mens pas en disant que j’ai été le collaborateur de ce mensuel pendant plus de dix ans. Avec des éclipses, certes, mais on oublie si facilement les mois (et les années, parfois) où le soleil ne brille pas… Ce que Le Magazine Littéraire avait perdu, en décembre de cette année-là, quand il est devenu Le Nouveau Magazine Littéraire, sous la houlette très provisoire de Raphaël Glucksmann, le lecteur que je suis en a davantage souffert que le collaborateur que je n’étais plus. Ce qu’il deviendra en fusionnant avec Lire, à moins que le titre de Vincy Thomas soit plus proche de la réalité à venir, je n’en sais rien. Mais non, je ne m’en fous pas du tout, j’espère seulement ne pas être trop déçu. D’avoir collaboré aussi à Lire – mais une seule fois – ne me console en tout cas pas vraiment de cette information.