Passons maintenant à l’art roman et gothique, où les Majestas domini avec globe abondent. Je présente ici des exemples des différents cas de figure, et je réponds à une question importante : le Seigneur est-il toujours assis ?
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Survivances du globe-siège
Cette iconographie devient rarissime à l’époque romane : je n’en ai trouvé que de rares exemples isolés.
Le Roi Edgar d’Angleterre offrant sa charte de refondation du New Minster de Winchester, vers 966, Cotton MS Vespasian A VIII ff. 3v–33v British Library
L’enlumineur a ici cumulé l’ancienne iconographie du globe-siège avec celle du trône arc-en-ciel.
Missel de Saint Denis, composé à St Vaast d’Arras, vers 1050, BNF Latin 9436 fol 15v, Gallica
Pour figurer la Résurrection, cette image syncrétique combine :
- en haut la Vision d’Isaïe, avec les séraphins et l’exclamation (Isaïe 6,3) ;
- en bas le tombeau vide.
La survivance du globe-siège marque ici la volonté d’imiter délibérément le grand style carolingien.
Vendôme, vers 1130 BM, ms. 193, f. 02v
L’abbé Geoffroy de Vendôme est agenouillé devant le Christ, qui lui prend le poignet gauche de la main droite. Il se nomme lui-même « Geoffroy le pécheur » et adresse au Christ, de bas en haut, une supplique qui inverse celle de Job 13, 15 : « Voici, il me tuera; je n’ai rien à espérer » :
Même tu me tues en toi Christ j’espérerai. Etiam si occideris me in te sperabo Christe
Cette image est singulière à plus d’un titre :
- l’auréole de saint derrière la tête tonsurée de l’abbé ;
- l’abbé est assis de biais sur un siège à peine visible ;
- le Christ, lui aussi assis en chien de fusil, mais les jambes jointes, semble se retourner au dernier moment pour attraper la main néfaste du pécheur ;
- la position des deux, en lévitation devant le portail de l’arrière-plan.
Par comparaison avec d’autres représentations de l’époque, C.Rable explique comme suit cette iconographie unique :
« Après sa mort, Geoffroy est sauvé par le Christ en personne, à l’image de saint Pierre sauvé de la noyade et de saint Jean auquel le Fils de l’Homme fit la promesse de la vie éternelle à la fin des temps. » [3]
Investiture de saint Pierre in cathedra – Relevé d’un détail des fresques de la salle capitulaire de la Trinité de Vendôme
La miniature s’expliquerait sans doute par les fresques aujourd’hui presque disparues de l’abbaye : l’une, très détériorée, montrait un autre personnage assis sur un globe : sans doute une « traditio clavis« , preuve de relations particulièrement étroites avec Rome.
Les Majestas normalisées
Evangéliaire, 986-1007, Boulogne-sur-Mer, BM 0011 fol 10
Ce Christ en Majesté positionne de manière complète toutes les zones géométriques telles qu’elles vont se stabiliser à la période romane :
- la mandorle en forme d’amande, sorte de fente sur le surnaturel laissant voir la Divinité,
- le trône réduit à un arc de cercle,
- les lettres Alpha et Omega,
- derrière la mandorle, le cercle du cosmos avec le Soleil, la Lune et les étoiles, identifié par un texte de Jérémie :
Est-ce que je ne remplis pas, moi, le ciel et la terre, dit Jéhovah? Jérémie 23,24
<Numquid non> cælum et terram ego impleo
- le globe de la Terre (dans le texte effacé, on peut juste lire que le mot TERRA)
Le globe-siège, qui dans l’enluminure carolingienne représentait clairement le Cosmos, a disparu.
Bible de Stavelot, 1094-97, Add 28107 f.136, British Library
Pour faciliter la compréhension, le globe sous les pieds est ici complété par la figuration dite du T dans l’O, représentation chrétienne de la Terre.
Omnipotens sempiterne dominus fol. 170r
Sacramentaire, France, Mont-Saint-Michel, vers 1060, MS M.641, Morgan Library
Cette image très originale accompagne la prière bénédictine « Omnipotens sempiterne dominus ». Le cercle qui entoure le Christ joue le rôle de l’initiale O dans l’abréviation OMPS (OMniPotenS), et le globe sous les pieds illustre sans doute les deux qualificatifs de la prière « tout puissant et éternel ».
Les onze figures qui accompagnent le Christ à l’intérieur du O pourraient être les onze nations, ou bien les élus au dessus de la Mer de Verre :
« Et je vis comme une mer de verre, mêlée de feu, et au bord de cette mer étaient debout les vainqueurs de la bête » Apocalypse 15,2
Mais tous ces anonymes qui s’empilent autour du Christ ou dans les médaillons représentent des Saints, l’image figurant en ouverture de la liturgie pour la Toussaint.
Jean l’Evangeliste fol. 5r
Dans le même manuscrit, le même globe vert se retrouve, de manière très atypique, sous les pieds de Saint Jean. Il illustre probablement les idées d’universalité et d’éternité que véhicule la prière associée :
Nous te prions Seigneur d’éclairer ton Eglise, afin que par les enseignements de Saint Jean l’Evangéliste elle parvienne aux récompenses éternelles.
Ecclesiam tuam quesumus domine benignus illustra, ut beati Iohannis evangelistae illuminata doctrinis ad dona perveniat sempiterna
Christ en Majesté de Taüll, 1123, musée national d’Art de Catalogne, Barcelone
Dans sa figure écrasante qui emplit toute l’abside, le Christ en gloire illustre maintenant le passage tout au début de l’Apocalypse où il est question de l’Alpha et de l’Omega :
“Moi, je suis l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, Celui qui est, qui était et qui vient, le Tout-Puissant » Apocalypse 1,8
Le livre affiche en outre, en grandes lettres, une formule de l’Evangile de Jean :
« je suis la lumière du monde ». Jean 8, 12
Dans cette apothéose de la fresque romane, les symboles désormais compris et normalisés se prêtent à des variations décoratives :
- l’arc-en ciel, un galon orné de palmettes ;
- le globe terrestre, un demi-cercle empli de fleurons ;
- les lettres Alpha et Omega, des sortes d’enseignes suspendues au ciel par trois chaînettes.
Autel de St Felix (détail)
1270-1280, provenant de San Felice di Giano, Musée diocesain, Spolete
Il se peut que ce détail curieux soit un souvenir des encensoirs balancés par les archanges, dont on voit ici une survivance bien postérieure.
Laacher Sakramentar, provenant de Maria-Laach, vers 1150, Hs-891 fol 18, Universitäts und LandesBibliothek, Darmstadt Hamburger psalter, 1220, UB Hamburg Cod. 85, f.209
L’ensemble mandorle-arc de cercle est très souvent fusionné aux couleurs de l’arc en ciel.
Le globe terrestre à gauche est marqué d’un motif qui évoque probablement la Jérusalem céleste ; tandis qu’à droite il est remplacé plus prosaïquement par deux montagnes.
Evangéliaire d’Henri le Lion, vers 1188, Bibliothèque d’Etat de Bavière
Exceptionnellement, la Majestas sert ici de centre à un véritable catéchisme en une seule image, avec la Création du Monde représentée en six médaillons circulaires.
Le Sixième jour, celui où apparaissent les animaux et l’homme, joue très logiquement, en bas, le rôle de la Terre sous les pieds du Seigneur. Quant au Septième jour, il est fusionné avec la mandorle.
Totalement standardisée désormais, l’image ne subit plus que des variations mineures.
La nuance impériale
Evangile d’Henry II, vers 1020, Ottobon lat.74 fol 193v Bibliothèque vaticane
L’Empereur ottonien Henri II, inséré carrément à la place où devrait figurer Saint Jean, au début de son Evangile, se fait représenter inspiré par l’Esprit Saint, au centre d’une imagerie complexe détaillant les différentes composantes de sa puissance [1].
La main levée n’est pas un signe de commandement, mais d’acceptation : c’est pourquoi le globe crucigère est ici tenu de la main gauche.
L’Empereur Heinrich V, Châsse de Charlemagne, 1182-1215, Cathédrale d’Aix la Chapelle Christ en majesté, Châsse de Notre-Dame de Tournai, Nicolas de Verdun, 1205
L’Empereur, vice-roi du Christ ici-bas, ne diffère de lui que par la couronne (substitut terrestre de l’auréole) et le geste de la main droite : l’un place sous son sceptre ses terres, l’autre sous sa bénédiction la Terre : deux nuances du globe crucigère.
L’Empereur Charlemagne, Châsse de Charlemagne, 1182-1215, Cathédrale d’Aix la Chapelle
Quant à Charlemagne, il occupe sur l’un des frontons de sa châsse la place qui revient ordinairement au Christ : de la main droite, côté pape, il soutient l’Eglise, tandis que le sceptre de sa main gauche croise (en passant devant) la crosse de l’archevêque.
Juste à l’aplomb, le Christ sortant du ciel sa tête, sa main droite et son Livre, lui transfère la légitimité.
Dieu envoyant l’Archange Gabriel à Marie, fol 12v fol 14
Psautier Shaftesbury, Angleterre, 1225-50, British Library Lansdowne 383
Ce psautier baigne également dans l’imagerie royale : couronne ou chrisme marqué REX. Un repose-pieds de majesté a été rajouté dans les deux images. De ce fait, dans la première image, la Terre grimpe d’un rang : c’est elle qui sert ici de globe-siège, tandis que le Ciel est repoussé dans la mandorle.
On voit ici que les deux modèles alternatifs, mandorle en huit ou mandorle en amande, devenus à cette époque plus décoratifs que théologiques, cohabitent sans problème à deux feuillets de distance (noter qu’ici encore le cercle du haut passe devant celui du bas).
Le globe dans la main
La position du globe, à main gauche puis à main droite, est ici particulièrement intéressante.
Dans la première image, Dieu ordonne de la main droite à l’Archange d’aller, en compagnie de l’Esprit Saint en approche, porter son message à Marie : le globe crucigère, à main gauche, indique la direction à prendre, celle de la Terre (ce pourquoi il est vert et nuageux).
Dans la seconde image en revanche, le globe est passé dans la main droite au dessus de la donatrice prosternée, qui se présente donc par la droite du Christ : cette position, contraire à l’humilité, est habituellement celle du don – pour que le Christ puis recevoir l’objet de la main droite – ou de l’invitation – en réponse à la main bénissante (voir 2-3 Représenter un don). Or ici nous ne sommes dans aucun des deux cas.
Le globe, ici doré, prend une connotation plus abstraite, comme insigne du pouvoir divin. Il y a de fortes présomptions que la donatrice soit Adeliza de Louvain, veuve du roi d’Angleterre Henri I. Elle serait donc représentée ici en tant que veuve, quittant l’autorité du Roi pour se soumettre désormais aux commandements du Christ-Roi. Quoiqu’il en soit, il est clair que cette image très exceptionnelle a une forte composante biographique.
D’autant que la même donatrice réapparaît à la fin du psautier, cette fois face à la Vierge, en position d’invitation devant l’Enfant qui la bénit (ce qui l’autorise à s’approcher).
Le globe fleurissant de Marie (SCOOP !)
Couronnée comme son Fils, elle tient dans sa main droite un petit globe sommé d’un lys, qui fait pendant au globe sommé de la Croix. Au monde-possession fait écho un monde en germination, qui selon moi pourrait bien symboliser l’Eglise : car la Vierge trône, entre deux rideaux bleus, sous le porche d’une église.
Ce motif extrêmement original du globe fleurissant (repris en écho en haut de la couronne et en haut du clocher) imite le disque digital carolingien, tenu entre le pouce et le majeur (voir 3 Dieu sur le Globe : haut moyen âge). Dans une main féminine, il est exclu qu’il puisse s’agir d’une hostie, ou du cosmos : le vieux motif a semble-t-il été ici « marialisé », le globe se transformant en bulbe.
Augustin, Enarrationes in Psalmos ci-cl, 1130-40, Bodleian Library MS. Bodl. 269 fol 3r.
Cet autre manuscrit anglais, un peu plus ancien, développe la même idée : le lys s’allonge en sceptre, portant en haut un phénix juché sur une boule, tandis qu’en bas le bulbe continue a être tenu par le même geste précis. A noter les autres lys, en haut de la couronne et sur les souliers.
La mandorle en huit est ici clairement un prolongement du trône : le haut formant dossier derrière les deux gueule de lion, le bas formant tapis.
La nuance apocalytique
Psaultier, Angleterre, vers 1225, MS G.25 fol. 3r Morgan Library.
Dans les psautiers, la Majestas Domini s’agrémente quelquefois d’ingrédients apocalyptiques, comme ici la lance associée au livre et l’inscription qui y figure :
Je suis l’Alpha et l’Omega, le premier et le dernier, le début et la fin
Apocalypse 22:13
ALPHA ET W’ P(RIMUS) & NOUISSIM(US) INITIU(M) & FINIS
Apocalyptique et royal
L’iconographie royale est souvent cumulée avec celle de l’Apocalypse, puisque le Christ y est proclamé dès le début Prince des Rois de la Terre (princeps regum terrae).
Châsse de saint Servais, vers 1166, Trésor de la Cathédrale, Maastricht
Le livre affiche ici un passage qui annonce le retour du Christ en tant que Juge des mérites de chacun :
Et voici que je viens bientôt, et ma rétribution est avec moi <pour rendre à chacun selon son oeuvre> Apocalypse 22,12
ECCE VENIO CITO MERCES MECUM
Dans ce contexte apocalyptique, le globe (non crucigère) dans la main droite signifie : « la Terre que je vais juger ».
En aparté : le problème de la main droite
Majestas Domini
Allemagne, Graduel, Sequentiaire et Sacramentaire, 1225-36, Arundel 156 f. 99v, British Library
Dans les Majestas, à partir de l’époque romane, la main droite fait pratiquement toujours le geste de bénir, d’autant plus si l’image comporte un donateur qui profite au passage de cette bénédiction. La miniature du psautier Shaftesbury, avec son globe empêchant la main droite de bénir , est donc tout à fait exceptionnelle.
Dieu acclamé par les Vieillards, Apocalypse Douce, 1265 -70, Bodleian Ms180 fol 039 Bréviaire de l’abbaye de Chertsey, vers 1300,Bodleian Library MS. Lat. liturg. d. 42 fol 11r
Le globe terrestre, crucigère ou pas, commence à se populariser à partir de 1250 : c’est le lointain prémisse de la formule dite du Salvator Mundi qui n’apparaîtra que deux siècles plus tard, avec le Christ debout (voir 7 Van Eyck et la Majesté de Dieu).
Le Livre dans la main droite
La même nécessité de la bénédiction impose de placer le Livre pratiquement toujours dans la main gauche, en contradiction explicite avec le Livre aux sept sceaux dont parle l’Apocalypse :
« Et je vis dans la droite de celui qui était assis sur le trône, un livre, écrit au dedans et sur le revers, scellé de sept sceaux » Apocalypse 5,1
C’est pourquoi le livre dans les Majestas ne comporte jamais les sept sceaux, sauf lorsqu’il s’agit d’illustrer l’Apocalypse.
Portail de la Résurrection, 1150, Collégiale de Mantes
Le Christ du Jugement dernier est désigné comme tel par le détail de la mer sous les pieds, référence à la « mer de verre » de l’Apocalypse. Il tient le globe à main gauche et le livre aux sept sceaux à main droite.
La Vision de Saint Jean à Patmos,
Maître de la Vision de Saint Jean, 1450-1470, Wallraff Richardz Museum
Le passage précis illustré ici est le suivant :
« Il <l’agneau égorgé> s’avança et prit le Livre dans la main droite de celui qui siégeait sur le Trône ». (Apocalyse 5,7)
On voit ici la difficulté de suivre fidèlement le texte, puisque l’artiste en a été réduit à faire effectuer à Dieu une bénédiction de la main gauche.
Le globe séparé des pieds
Cette iconographie n’apparaît que dans des cas très particuliers, qui ne sont pas réellement des Majestas.
Le Jugement dernier
Portail du Jugement dernier, XIIIème siècle, Cathédrale-St Etienne, Auxerre Portail du Jugement dernier, 1220-30, Cathédrale Notre-Dame, Paris
Le portail du Jugement dernier d’Auxerre malheureusement très abîmé, suivait probablement le modèle de celui de Notre Dame, avec le Christ montrant ses plaies, entre la Vierge et Saint Jean-Baptiste.
A Notre Dame, il pose les pieds sur une calotte contenant la Jérusalem céleste annoncée par Saint Jean l’Evangéliste :
« L’Esprit se saisit de moi et l’ange me transporta au sommet d’une très haute montagne. Il me montra la ville sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel, envoyée par Dieu, resplendissante de la gloire de Dieu. » Apocalypse 21:10
Il est donc probable que le globe d’Auxerre, porté par des Anges, représente une Terre céleste, telle qu’elle deviendra au jour du Jugement Dernier.
Apocalypse, 1290-1299, France, probablement Lorraine, M.1043.2v, Morgan Library.
Autre globe entre les pieds dans cette miniature illustrant le Fleuve de Vie :
« Et il me montra un fleuve d’eau de la vie, limpide comme du cristal, qui sortait du trône de Dieu et de l’agneau. » Apocalypse 22:1-5
C’est peut-être pour expliquer comment un fleuve sortant du ciel peut déboucher sur la Terre que l’enlumineur a rajouté le globe entre les pieds du Christ.
Gossouin de Metz, L’Image du Monde, 1320-25, BnF, Français 146 fol 136v, Gallica.
Cette image récapitulative, à la fin de l’ouvrage, articule de manière frappante :
- un emboîtement rationnel, qui récapitule la physique et l’astronomie de l’époque,
- un message spirituel, dans la figure de cet escalier gigantesque permettant de passer des calottes crâniennes qui s’empilent au fond du « puis d’enfer‘ » jusqu’au globe blanc marqué d’une croix, dans la main gauche du Seigneur et dans la « joie de paradis ».
Entre ces deux extrêmes; l’image et le texte [2] énumèrent les différentes couches :
- les quatre Eléments d’Aristote (Terre, Eau, Air, Feu) ;
- les sept planètes (Lune, Mercure, Vénué, Soleil, Mars, Jupiter, Saturne) ;
- le firmament où sont fixées les étoiles, et le « ciel blou qui de sus est » (ciel bleu) ;
- deux ciels invisibles : le « ciel cristallin et le ciel empiré » (Empyrée).
Le Seigneur en station debout
Dans toutes les variantes de Dieu ou du Christ en majesté, la figure est toujours représentée assise, conformément au verset d’Isaïe (Le ciel est mon trône) et aux visions de l’Apocalypse. Les « Christs en majesté » debout correspondent à des iconographies différentes et très spécifiques.
La transfiguration
La Transfiguration, Chapelle Palatine, Palerme
Les cinq rayons lumineux qui traversent la mandorle tracent un grand Chrisme (en rhô) qui fait la jonction entre :
- les deux prophètes Elie et Moïse, debout tous deux en haut d’une colline, tout comme le Christ ;
- les trois apôtres Pierre, Jean et Jacques, prosternés et restés sur terre.
L’image traduit fidèlement le texte :
« Six jours après, Jésus prit avec lui Pierre, Jacques, et Jean, son frère, et il les conduisit à l’écart sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux ; son visage resplendit comme le soleil, et ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. Et voici, Moïse et Élie leur apparurent, s’entretenant avec lui. Pierre, prenant la parole, dit à Jésus : Seigneur, il est bon que nous soyons ici ; si tu le veux, je dresserai ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. Comme il parlait encore, une nuée lumineuse les couvrit. » Matthieu 17:1-3
La station debout illustre ici « à l’écart sur une haute montagne ».
L’Ascension
Evangile de Rabula, Fin VIe, Syrie. Florence, Bibliothèque Laurentienne
L’idée de la mandorle portée par des Anges est très ancienne, combinée ici avec le Char et les Vivants fusionnés de la vision d’Ezéchiel. La mandorle est donc moins un miracle qu’une explication mécaniste.
Ascension, Ampoule-reliquaire en étain ramenée de Palestine, VIème siècle, Musée de Monza
A noter que dans l’iconographie de l’Ascension, la station debout n’est pas systématique : dans cette représentation de la même époque, le Christ est trônant et bénissant comme dans une Majestas habituelle, l’idée d’élévation n’étant traduite que par les quatre anges.
Ascension
Fresque de la Rotonde de Galère, vers 885, Thessalonique
La formule de l’Ascension avec le Christ debout passe dans le monde byzantin, ici avec deux anges seulement.
vers 1075, Lyon, BM, P.A. 0222 fol 01v Psautier cistercien, Allemagne, vers 1260, Besancon BM, MS 0054 fol 21v
Ascension
On la retrouve pratiquement telle quelle en Occident, avec le Christ bénissant ou tenant une croix hampée de la main droite. On notera dans la seconde image une innovation tardive pour faciliter la lecture : l’empreinte des pieds laissée en haut du mont.
Ascension, Portail Nord, Cathédrale de Cahors, 12ème siècle
Une autre innovation romane est le geste de la main droite qui ne bénit pas, mais indique la direction du ciel. La mandorle fonctionne ici comme une sorte de capsule céleste poussée et tirée par quatre anges
vers 1150, Cotton MS Nero C IV fol 27r, British Library Speculum Humane salvationis, 1462,1Lyon, BM, 0245 (0177), fol 152v
Ascension
Enfin, dans cette variante très expressive (et bien pratique pour les miniaturistes) le Christ disparaît dans le ciel et passe pour partie en hors-champs . Cette iconographie minimaliste sera popularisée par le Speculum Humane salvationis
Références : [0] Claudia Rabel « La décoration du manuscrit 193 de Vendôme », IRHT, https://irht.hypotheses.org/2687 [1]. Pour une description de cette image, voir Ernst Kantorowicz, « The King’s Two Bodies: A Study in Medieval Political Theology », p 113 https://books.google.fr/books?id=Ty7FCgAAQBAJ&pg=PA113#v=onepage&q&f=false [2] Transcription du texte de l' »Image du Monde » : http://txm.ish-lyon.cnrs.fr/bfm/pdf/ImMondePrK.pdf Voir page 106Prochain article : 6 Le globe dans le Jugement dernier