Il y a chez Jean Ray comme chez Georges Simenon une telle facilité d’écriture qu’on pourrait parler de phénomène. En réalité, chez ces deux écrivains, il ne s’agit pas de phénomène, mais plutôt de génie. Lors d’un précédent article sur Georges Simenon j’avais dit que cet auteur avait la facilité des mots, de l’agencement des phrases , comme un compositeur sait harmoniser les notes et les mélodies. Pour reprendre cette analogie musicale, Georges Simenon ne serait pas un auteur de musique symphonique comme Beethoven ou Tchaïkovski ; Simenon serait un compositeur de musique de chambre intime comme Schubert Johannes Brahms. Toujours en poursuivant cette analogie musicale, l’écrivain belge Jean Ray serait un compositeur d’impromptu à la manière de Rachmaninov, à la manière de Schumann et certainement pas à la manière de Chopin.
L’une des grandes caractéristiques de l’écriture de Ray est d’aller droit au but. Ce n’est pas un écrivain qui va nous infliger, qui va nous asséner des pages et des pages pour finalement nous dire tout banalement que Emma s’est mariée. Aussi ceux qui aiment Gustave Flaubert, qui aime Sir Henry James passeront leur chemin. Cet écrivain n’est pas fait pour.
Jean-Ray a écrit sous plusieurs pseudos dont celui de Jean de Flandres. L’immense majorité de ces ouvrages a pour thème le fantastique et l’étrange. Mais il s’agit là d’un fantastique sophistiqué fantastique, raffiné parfois joyeux. En ce sens, il diffère de celui de l’écrivain américain Edgar Allan Poe. Mais honnêtement Jean Ray écrit à un niveau supérieur. Le seul écrivain à mon avis comparable à Jean Ray est sans conteste Philippe Howard Lovecraft. Mais ce dernier est une âme torturée.
Jean Ray rentre directement dans le vif de l’écriture. Voici une de ces phrases que l’on trouve dans l’introduction Legrand nocturne :
J’ai horreur des préfaces et des préambules. Vivement les histoires dans lesquelles on rentre comme un couteau dans la chair. J’ai toujours aimé les petites bicoques qui dès la porte poussée, vous accueillent avec le sourire de leur feu, les regards de leurs habitants et les parfums de leurs casseroles. Les longs corridors qui sonnent faux comme un rire de femme, m’ôtent toute envie de voir le fumoir ou les vérandas qu’on a greffées de leur pylore.
À côté de romans et de nouvelles fantastiques, cet auteur a également écrit la série des Harry Dickson. Il s’agit d’un héros américain, une sorte de Sherlock Holmes vu par cet auteur belge ! Et même dans cette série policière, il y a de l’étrange et du fantastique.
Je dois reconnaître que Jean Ray est en train de sombrer dans l’oubli, du fait d’une écriture si particulière. Mais une écriture éblouissante, poétique, succincte et si délicieusement belle.
Aussi, si vous en avez assez de toutes ces lourdeurs qu’on nous inflige depuis ces dernières décennies, alors empressez-vous de demander les livres de Jean Rey au gérant de votre bibliothèque municipale. C’est là un moyen économique pour découvrir cette immense écrivain. Reste à dire que Jean Ray est né en 1887 est décédé en 1964.
À vous donc les joies de la découverte de la belle écriture avec le fantastique et l’étrange avec le grand nocturne, les contes du whisky, et tant d’autres ouvrages.
Œuvre de Jean Ray
Sous le nom de Jean Ray :
- Jean Ray chez Marabout Géant, puis Marabout Fantastique.
- 1929–1938 : Les Aventures de Harry Dickson, nouvelles (Marabout 16 volumes – Librairie des champs Elysées 9 volumes – Intégrale en 21 volumes aux Éditions Néo 1984-1986) La Guillotine ensorcelée chez Lefrancq (attitudes-mystère), 1993.
- 1932 : Jack de minuit (Lefrancq 1991) illustré par René Follet
- 1932 : La Croisière des ombres (Éditions Néo no 106)
- 1942 : Le Grand Nocturne
- 1943 : Les Cercles de l’épouvante
- 1943 : Malpertuis (Présence du futur no 7 1954 – Marabout 1962)
- 1943 : La Cité de l’indicible peur (Marabout 1965) (Éditions Néo no 130) 3
- 1944 : Les Derniers Contes de Canterbury (Marabout 1963) (Éditions Néo no 156)
- 1947 : Le Livre des fantômes (Éditions Néo no 135)
- 1947 : La Gerbe noire (Ed.Néo no 96) anthologie
- 1947 : La Choucroute (Aventure Fantastique)
- 1961 : Les 25 Meilleures Histoires noires et fantastiques (Marabout)
- 1964 : Saint-Judas-de-la-nuit
- 1964 : Les Contes noirs du golf (Marabout 1964) (Éditions Néo no 159)
- 1964 : Le Carrousel des maléfices (Marabout 1964) (Éditions Néo no 150)
- 1982 : Visages et choses crépusculaires (Ed.Néo no 63)
- 1992 : Les Joyeux Contes d’Ingoldsby (Lefrancq) illustré par René Follet
- 1996 : Les Histoires étranges de la Biloque (Lefrancq)
Sous le nom de John Flanders
- Bestiaire fantastique (Ed. Marabout no 500)
- Visions nocturnes (Ed. Néo no 100)
- Visions infernales (Ed. Néo no 103)
- La Malédiction de Machrood (Ed. Néo no 122)
- La Neuvaine d’épouvante (Ed. Néo no 134)
- La Brume verte (Ed. Néo no 151) Également publié sous le titre Le secret des sargasses (10/18 no 960, 1975).
- Les Feux follets de Satan (Ed. Néo no 160)
- Les Contes du Fulmar (Ed. Néo no 171)
- L’Île noire (Ed. Néo no 182)
- La Nef des bourreaux (Ed. Néo no 193)
- Le Monstre de Borough (Casterman)
- 1985 : Edmund Bell : L’Élève invisible (Lefrancq) illustré par René Follet
- 1987 : Edmund Bell : L’Ombre rouge (Lefrancq) illustré par René Follet
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