A ces hautes époques, le caractère parcellaire des vestiges rend les généalogies impossibles et les interprétations périlleuses. Sans prétendre à une impossible synthèse, je présente ici la question du Christ et du globe sous un angle particulier : celui des techniques artistiques dans lesquelles le motif apparaît.
Article précédent : 1 Dieu sur le Globe : époque romaine
1 Les verres à fond doré des Catacombes :
le Christ entre Pierre et Paul
On a conservé environ 500 fonds de verres à boire, scellés dans le mortier pour marquer les tombes dans les catacombes. Ils portent souvent l’expression grecque PIE ZESES (« Buvez et vivez ») ou son équivalent latin VIVAS, même associés à des sujets religieux [1].
Certains présentent des portraits très réalistes du possesseur de la coupe à boire, mais la plupart des scènes sont des sujets standards, que l’on a retrouvés en plusieurs exemplaires. Je m’intéresse ici à ceux qui sont composés de manière symétrique, avec un couple entourant un objet ou un tiers.
Entre des époux
Un rare exemple païen
ORFITUS ET COSTANTIA, British Museum, 4ème siècle
Les fonds de verre trouvés dans les catacombes sont exclusivement chrétiens, mais les païens appréciaient aussi ces coupes à boire, souvent offertes comme cadeau de mariage. Celle-ci porte l’inscription :
Orfitus et Costantia, à la santé d’Hercule, dégustez l’Acerentino
ORFITUS ET COSTANTIA IN NOMINE HERCVLIS, ACERENTINO FELICES BIBATIS
Il pourrait s’agir de Memmius Vitruvius Orfitus, préfet de Rome vers 350, qui aurait reçu le bol en cadeau de la ville d’Acerentia, connue pour rendre un culte à Hercule.
Comme les deux époux regardent devant eux ce qui semble être une statuette, il est possible qu’Hercule en personne remplace la coupe sur le plateau :image publicitaire pour vanter la force du breuvage.
Des mariés chrétiens
Le Christ offrant des couronnes à un couple de jeunes mariés Le Chrisme au dessus d’une famille
4ème siècle, British Museum
La coupe de gauche présente une composition similaire, sinon que le Christ, imberbe et de petite taille, se trouve en suspension à l’arrière du couple.
L’inscription est la suivante :
Ma chère âme, à ta santé !
DULCIS ANIMA VIVAS
Dans la coupe de droite, le Christ est remplacé par un Chrisme (sans doute pour ne pas que sa figure en pied soit concurrencée par celle de la petite fille). L’inscription nomme la mère (SEBERE) , le père (COSMAS), la fille (LEA), avec l’expression grecque traditionnelle qui, dans un contexte chrétien, prend un sens eucharistique : « Buvez et Vivez » . Le chrisme est suspendu à une couronne nuptiale, plus reconnaissable ci-dessous :
Couple de mariées
Kunsthistorisches Museum, Vienne
Entre Saint Pierre et Saint Paul
Offrir des couronnes
Le geste est le même que pour les époux ; mais ici il s’agit de célébrer non pas une noce, mais le martyre, et de promettre la félicité céleste.
Coupe pour Biculius Coupe anonyme
Le Christ offrant des couronnes à Saint Pierre et Saint Paul, British Museum
Le portrait de couple est ici remplacé par celui des deux figures les plus célèbres de la Rome chrétienne, les apôtres Pierre et Paul. La coupe de gauche est personnalisée pour un certain Biculius :
Biculius, fierté de tes amis, à ta santé, bois et vis !
BICVLIVS DIGN(ITAS AM)ICORVM VIVAS PIE ZESES
Le Christ offrant des couronnes à Saint Sixte et Saint Timothée,Musée du Vatican Le Christ offrant des couronnes à Saint Pierre et Saint Paul, MET
La formule n’est pas réservée à Pierre et Paul. : deux saints, vus ici en entier, sont assis dans les attitudes variées de la conversation. Dans l’exemple de droite, le texte est inscrit à l’extérieur de l’image, ce qui rend celle-ci facilement recyclable :
Joyeux en Christ, mérite l’amitié
ELARES EN CRISTO DENGNETAS AMICORUM
soit
HILARES IN CHRISTO DIGNITAS AMICORUM
On rencontre exceptionnellement d’autres couples de Saints, mais les plus fréquents restent de loin Pierre et Paul, selon de nombreuses variantes, que nous allons rapidement parcourir.
Autour d’un objet
Pierre et Paul (assis) sous une couronne, British Museum, 3ème au 5ème siècle, Cologne. Pierre et Paul (en demi-figure) sous une couronne
Ici une couronne commune remplace les deux couronnes offertes par la figurine de Jésus. On notera dans la seconde coupe, avec la calvitie de Saint Paul, le début de la différentiation traditionnelle dans l’apparence physique des deux apôtres,.
Pierre et Paul autour d’une colonne , fin 4ème siècle, MET
Cette variante, intéressante pour notre sujet, place entre les deux Apôtres une métaphore du Christ : un globe entourant un chrisme (la tête) posé en haut d’une colonne (le corps).
Autour d’un tiers
Pierre et Paul autour de Sainte Peregrina, MET Pierre et Paul autour de Sainte Agnès, Vatican
Parfois on trouve entre un personnage debout : ici une Sainte.
Pierre et Paul autour de Marie, Landesmuseum Württemberg Pierre et Paul autour du Christ, Vatican
La forme circulaire induit une taille plus grande pour la figure centrale, justifiée en plaçant celle-ci en avant : mais tandis que Marie est de plain-pied entre le deux Saints, le Christ avec son auréole apparaît juché sur une petite colline.
La « Traditio Legis »
Traditio legis, Toledo museum of Arts
Cette dernière variante est à comparer avec cette iconographie bien plus complexe que Les historiens d’art ont nommé « Transmission de la Loi »,
La forme canonique de la « traditio legis » se caractérise par les points suivants (les derniers étant facultatifs):
- Jésus tient une banderole avec l’expression : « Dominus legem dat » ;
- Pierre est à droite, portant une croix et touchant des mains cette banderole ;
- Paul est à gauche, faisant du bras un geste d’acclamation ;
- Le Christ est perché sur un monticule rocheux surplombant un ou quatre fleuves ;
- la scène est encadrée par deux palmiers dont celui de gauche porte un phénix, symbole de la Résurrection.
Traditio legis, Museo Sacro Vaticano inv 60771
Le seul autre exemplaire conservé, parmi les verres à fond d’or, est encore plus complexe, puisqu’il comporte un registre inférieur ayant la même composition tripartite : au centre l’Agneau sur la montagne aux quatre fleuves, entre les villes de Jérusalem et de Bethléem. d’où sortent des agneaux.
Le texte comporte au centre un troisième mot, IOR-DANES : le Jourdain. Dans une analyse passionnante ([2], p 269 et ss), Jean-Michel Spieser montre qu’il ne s’agit pas de nommer le fleuve du registre supérieur, ou en tout cas pas seulement. Le mot désigne aussi l’Agneau — personnification animale du Christ sur Terre – car Jourdain signifie, selon une étymologie d’Origène, « celui qui descend ».
« Le Christ est le fleuve qui descend, le fleuve qui est représenté surgissant de sous ses pieds dans la zone supérieure du verre, mais aussi l’Agneau, qui est, lui-même, le même fleuve descendu sur terre, comme l’indique le mot Jourdain par lequel il est désigné ici… Il donne naissance aux quatre évangiles représentés par les quatre fleuves qui sortent du monticule sur lequel se tient l’Agneau dans les deux images. Le Christ donne naissance aux évangiles comme le Jourdain donne naissance aux quatre fleuves. Le Jourdain est ainsi identifié, au moins métaphoriquement, au fleuve de Genèse II, 10 qui se divise en quatre pour former les quatre fleuves du paradis« ([3], p 276
En aparté : la Traditio legis : une interprétation controversée
Introduire l’iconographie de la « traditio legis » à partir des verres à fond d’or a deux avantages :
- d’un côté, montrer que le structure ternaire de l’image, la position debout, les gestes des Apôtres, et même le fait que le Christ soit juché sur un rocher, résultent des conventions graphiques de l’imagerie populaire ;
- d’autre part, montrer sa complexité par rapport aux scènes habituellement représentées sur verre, et l’inversion par rapport à la position hiérarchique, intangible, de Pierre à gauche (donc en premier dans le sens de la lecture, et à la droite du Christ) : il est donc clair que la formule n’a pas été inventée par les verriers, mais adaptée à partir d’une source prestigieuse.
Mosaïque du vieux saint Pierre de Rome, dessin de Grimani, vers 1600
Ce dessin montre l’abside du vieux Saint Pierre de Rome avant sa destruction, avec sa mosaïque du XIIIème siècle. Si l’on admet que celle-ci reproduit fidèlement la mosaïque paléochrétienne encore antérieure, nous avons un prototype convainquant pour la « traditio legis », avec l’inversion des positions de Paul et Pierre, la présence du mont aux quatre rivières, et dans le registre inférieur les deux villes, le troupeau et l’agneau (sur l’état actuel de cette passionnante discussion, voir [4], p 11).
En simplifiant à l’extrême une controverse toujours active parmi les spécialistes, on peut distinguer deux grandes tendances sur l’interprétation du « Dominus legem dat ».
Pour les premiers historiens d’art qui ont identifié et baptisé cette formule, il s’agissait de la représentation d’un événement fictif, la transmission à Pierre du rouleau représentant la Loi (« Dieu LUI donne la Loi »), imaginé par les paléochrétiens pour faire pendant à la transmission de la Loi à Moïse.
Selon la critique moderne, il ne peut pas s’agir d’un don à Pierre (inconcevable de la main gauche, voir 2-3 Représenter un don). Certains la considèrent comme une dérivation de la formule du Christ enseignant, et y voient un « discours interrompu » [5] En tout cas il ne s’agit pas d’une représentation narrative, mais plutôt d’un schéma synthétique récapitulant plusieurs thèmes de la nouvelle foi, sans privilégier Pierre particulièrement. La traduction la plus exacte serait une revendication à la fois religieuse et politique : « C’est Dieu qui donne la Loi ». ([2], p 244 et ss).
2 : Trois sarcophages : les pieds sur Caelus
Sarcophage de Junius Bassus, 359, Museo del tesoro di San Pietro, Vatican
Le Christ assis pose les pieds sur la voûte céleste gonflée par Caelus, adaptation de l’iconographie impériale vue sur l’Arc de Galère (voir 1 Dieu sur le Globe : époque romaine). Ici l’idée a peut être été favorisée par la présence du registre inférieur, dont l’arcade épouse graphiquement le voile.
Ce sarcophage luxueux, que l’on peut dater précisément, est célèbre pour être la plus ancienne « traditio legis » sculptée : on remarquera néanmoins que, mis à part la banderole (repliée, et que Jésus ici ne donne pas à Pierre), il manque tous les autres éléments de l’iconographie, sans doute à cause de la place restreinte à l’intérieur d’un seul compartiment.
Sarcophage du Beato Egidio, église San Bernardino, Pérouse Sarcophage Lat 174, Musée Gregoriano Profano Vatican
Voici les deux seuls autres sarcophages montrant Caelus sous les pieds du Christ.
Dans le premier cas, les compartiments voisins sont occupés par un couple âgé, probablement les défunts. Dans le second on reconnaît la traditio legis, ici avec la banderole déployée et touchant les mains de Pierre.
On ne connaît pas d’autres exemples du Christ avec Caelus sous ses pieds : comme si cette formule était restée, depuis les bas-reliefs des arcs de triomphe, l’apanage des statuaires.
3 Fresques et mosaïques : le globe piédestal
Après le sarcophage de Junius Bassus, le motif de la « traditio legis » devient très courant sur tous types de supports : essentiellement les sarcophages jusqu’à la fin du IVème siècle, mais aussi des fresques et des mosaïques (pour une synthèse récente et un large photographique, voir le travail de Robert Couzin [4]).
Cette iconographie possède une forme rare où le Christ est debout sur un globe, qui n’a guère été expliquée : seul John Fotopoulos [6] lui dédie trois pages, et la relie à l’iconographie impériale par le biais des sarcophages de Caelus (où cependant le Christ est assis).
Je vais présenter ici les trois exemples connus de « traditio legis ».avec le Christ debout sur un globe.
En aparté : englober ou supporter
Le Christ enseignant (détail)
370-400, coupole de la Chapelle Sant’Aquilino, basilique de San Lorenzo Maggiore, Milan
Mais auparavant, il nous faut mentionner cette autre iconographe qui précède la « traditio legis » : celle du Christ enseignant, à la manière d’un philosophe antique, assis entre les Apôtres (on reconnait ici Pierre et Paul, à leurs places traditionnelles).
Le Christ entre Pierre et Paul, 366-384, catacombe de Domitilla, Rome
Cette mosaïque très détériorée reprend la même scène. Malgré ce qu’on lit parfois, le Christ n’a pas les pieds sur un globe : les trois personnages sont assis dans des chaises à dossier haut ; et l’objet au centre est, comme dans la mosaïque de Milan, une capsa, petite bibliothèque portative.
Cette mosaïque est célèbre pour le halo circulaire vert qui entoure la figure du Christ, toute première apparition de ce qui deviendra plus tard la mandorle.
Mais aussi pour le texte qui l’entoure, et dont les implications politiques et théologiques ont fait l’objet de discussions dans lesquelles nous ne rentrerons pas :
« Toi que l’on dit Fils et que l’on découvre Père »
« Qui filis diceris et pater inveneris »
L’important pour nous est de constater que, dès le début, le halo circulaire est compris certes comme un phénomène surnaturel manifestant la divinité de Jésus, mais surtout comme une sorte de Corps de gloire, comme le Père enveloppant le Fils.
Dans ce contexte, on comprend que l’introduction du globe-siège ou du globe-piédestal n’allait pas de soi : peut-on s’asseoir ou monter sur la figure de la Perfection ?
C’est sans doute pourquoi, très rapidement :
- le doré, la couleur de Dieu, a été réservée à tout ce qui est auréole et mandorle,
- et le bleu, la couleur du ciel, a été attribuée au globe-siège ou piédestal, faisant voir, sans ambiguïté, que le Christ domine le Monde.
Les fresques des catacombes
Catacombes ad decimum près de Grottaferrata, 350-70 Fresque perdue des catacombes de Priscilla, 350-400
Traditio legis
Ces deux témoignages, contemporains du sarcophage de Junius Bassus, illustrent l’un la formule standard de la traditio legis (le Christ debout, appuyé contre une haute montagne aux quatre fleuves), et l’autre sa formule globe.
Mais il nous reste heureusement un témoignage majeur de cette rare variante.
Le baptistère de Naples
Traditio legis,
Fin IVème-début Vème, Baptistére de San Giovanni in Fonte, Naples [7]
Tout en tenant la croix, Pierre reçoit entre ses deux mains couvertes la banderole portant le texte habituel. La troisième ligne, écrite en caractères pseudo-hébraïques, suggère que cette banderole sacrée doit être comprise comme représentant les Lois au sens large, Ancien Testament et Nouveau Testament réunis. Ainsi Dominus désigne à la fois le Père et le Fils.
Un autre élément important de cette mosaïque est la couleur bleu-céleste du globe.
Le sommet de la coupole est occupé par un grand disque céleste où s’inscrit, au milieu d’étoiles dorées et argentées, un staurogramme gigantesque (Croix ornée d’un Rho) entre les lettres alpha et omega.
Au dessus du Chrisme, la main de Dieu sort du ciel pour tenir une couronne. On peut noter comme un halo bleuté complétant de demi-cerce du rho, (mais il peut s’agir d’un artefact lié aux restaurations). L’oiseau juste à côté, entre les deux perroquets symboles de résurrection (voir Le symbolisme du perroquet), est le seul de la guirlande florale à porter une auréole : nous avons certainement retrouvé le phénix qui manquait à la « traditio legis » située juste en dessous [8].
Dans l’autre sens, en descendant, l’oeil rencontre deux cerfs buvant dans deux sources de part et d’autre d’un berger : nous avons retrouvé deux des quatre fleuves de la « traditio legis ».
Juste en dessous encore se trouve le symbole de l’Evangéliste Matthieu, un Ange très original dont les ailes ici sont de lauriers.
Les deux autres sources se trouvent sous la scène diamétralement opposée, malheureusement disparue ; tandis qu’au dessus des pendentifs intermédiaires se trouve un autre motif champêtre, deux brebis autour du Bon Pasteur.
Une condensation de symboles
L’éclatement de l’iconographie habituelle de la traditio legis en trois points de ce large baptistère met en lumière, a contrario, tout ce qu’une image comme le verre doré du Vatican porte de condensation de symboles (puisqu’il montre, en plus, l’Agneau, les deux villes et les deux troupeaux).
Ainsi la « traditio legis » nous apparaît de moins en moins comme une composition narrative, et de plus en plus que comme une sélection raisonnée de symboles, regroupés pour un impact visuel maximal : en ce sens, elle est vraiment la précurseuse de ses grandes « majestas domini » qui se développeront, sept siècles plus tard, dans les absides romanes.
Une interprétation du globe (SCOOP !)
En embrassant l’ensemble, on saisit combien le globe bleu du Christ s’inscrit dans un étagement de cercles, entre en haut la petite couronne divine inscrite dans la couronne céleste et en bas le quart de cercle étoilé de l’Evangéliste.
Et de même que le globe sous les pieds du Christ se projette dans la couronne céleste,
de même le staurogramme que Saint Pierre élève sur son épaule se projette dans le staurogramme géant de la coupole.
Comme le rocher ou le trône, le globe sert à mettre en valeur, en l’élevant, la figure du Christ par rapport à celle des deux apôtres. Mais sa couleur et sa forme lui donnent un avantage cosmique :
avec son bleu céruléen, non étoilé mais parcouru de reflets, il apparaît ici comme une goutte de ciel, descendue sur la Terre pour en réalimenter les sources.
Il fusionne ainsi en un seul symbole le rocher et le Jourdain.
La mode des globes
Baptistère d’Albenga, Ligurie, 6ème siecle
La promotion du globe dans le baptistère de Naples s’inscrit dans une mode à la fois esthétique et intellectuelle, qui trouve son point culminant dans cet unicum iconographique du baptistère d’Albenga.
Sur le même fond d’étoiles à huit branches, le chrisme chi-rho et les lettres alpha et omega se trouvent ici tripliqués, expliquant optiquement la Trinité comme une sorte de réfraction circulaire de l’Unique.
Les douze colombes blanches en cercle, tournées vers un cercle blanc marqué d’une croix, constituent une double métaphore d’exception :
- les douze apôtres tournés, au moment de la Cène, vers un Christ en forme d’hostie ;
- les mêmes apôtres, véhicules de l’Esprit Saint, se dirigeant vers le Monde pour le christianiser.
4 : Mosaïques : Le globe siège
Les deux absidioles de Santa Costanza
L’église Santa Costanza de Rome était à l’origine le mausolée de Constantina, la fille du premier empereur chrétien Constantin. Les deux absidioles opposées, sur les bords gauche et droit de cette photographie, renferment deux mosaïques très anciennes et malheureusement très restaurées, cruciales pour notre sujet. Je présente ici le consensus dominant, sans entrer dans les controverses multiples qui ont émaillé leur historiographie.
Traditio legis Traditio clavis
350-75, Mausolée de Santa Costanza, Rome
La traditio legis de gauche, probablement la plus ancienne représentation du motif, est parfaitement standard : car le texte de la banderole, DOMINUS PACEM DAT, qui a fait couler beaucoup d’encre, est probablement dû à une restauration fautive du mot LEGEM ; et le Christ, initialement, était barbu [9] .
Le motif de l’absidiole opposée représente le Christ assis sur un globe, tendant une clé à Saint Pierre qui la reçoit dans son manteau ( (le petit palmier maigrichon, au dessus, est une invention des restaurateurs.
Autant la « traditio legis » étale toute sa richesse iconographique, avec les deux villes, les deux palmiers, les quatre brebis et les quatre sources, autant la « traditio clavis’ semble bancale, toute la moitié droite étant remplie par sept palmiers très laids, opaques à toute interprétation puisque deux autres bordent la composition sur la gauche. On a l’impression d’un motif bricolé « ad hoc », pour faire pendant au sujet déjà bien établi de l’autre absidiole. Mais autant ce dernier ne s’appuie sur aucune source textuelle [10], autant la « traditio clavis » illustre un passage bien connu :
« Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux « Matthieu 16,19
Fragment de sarcophage 370-400, Musée Lapidaire Avignon
On considère aujourd’hui que le motif de la « traditio clavis » a pris sa source dans les sarcophages, petite scène à deux personnages qui occupe une place mineure [11]. Le Christ y est toujours debout et de plain-pied avec Pierre.
La mosaïque de Santa Costanza est le premier exemple connu de « traditio clavis » où le Christ est assis sur un globe, dans une position de supériorité hiérarchique.
Sur le Terre comme au Ciel (SCOOP !)
Je pense que l’introduction si atypique du globe à Santa Costanza n’avait pas pour but de créer un distance hiérarchique, qui n’est qu’un effet collatéral. Cette référence céleste permettait d’illustrer la suite immédiate du texte de Matthieu :
« Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux : tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux. «
Les clés peuvent être comprises à la fois comme celles du Royaume de Cieux, mais aussi comme celles d’un cadenas, un moyen de « lier » et de « délier » simultanément sur la Terre et dans le Ciel : comme si le Christ assis sur le Ciel se faisait le relais de Pierre les pieds sur Terre.
Facilitée par la forme sphérique de l’absidiole, l’idée du globe se heurtait aussitôt au problème de la partie droite vide : l’artiste n’a pas pensé à y placer Paul, ou n’a pas voulu, afin de bien marquer la différence avec la traditio legis de l’autre absidiole.
Traditio clavium, 684, Catacombe de Commodilla, Rome
C’est cette solution qui sera adoptée, trois siècles plus tard, dans la seconde « traditio clavis » avec globe.
On comprend ici, incidemment, pourquoi la « traditio legis » inverse les positions habituelles des deux apôtre : mettre Pierre à la place d’honneur ET lui donner un objet marginalise totalement Paul. La « traditio legis » représente, en somme, un compromis protocolaire.
Traditio legis et clavis, fragment de l’Antependium de Magdebourg, 968, Staatsbibliothek, Berlin
Le Moyen-Age réinventera (plutôt qu’il ne reprendra) ces deux iconographies, sous une forme combinée et résolument égalitaire : Saint Pierre retrouve la place d’honneur pour recevoir les clés (comprises désormais comme le pouvoir papal), et c’est Saint Paul qui reçoit la Loi, dont le texte lui est maintenant explicitement adressé : DOMINUS DAT LEGEM SAUL.
Traditio legis et clavium, Ivoire, Leon, 1060, Louvre, Paris
Nous ne suivrons pas plus loin cette iconographie, où le globe, siège ou piédestal, ne réapparaître jamais : dans la formule romane complète, comme ici, le Christ est assis sur un coussin et sur un trône dans sa mandorle ; et l’escabeau, ici posé sur un disque tumultueux, symbolise la Terre au milieu du Cosmos (voir 4 Dieu sur le Globe : âge roman et après).
Revenons à l’époque paléochrétienne et au globe-siège qui, après sa première apparition à Santa Constanza, va laisser quelques rares témoignages.
Sant Agata dei Gotti 462–470, gravure de Ciampini
A Sainte Agathe des Goths, une église de Rome détruite à la fin du XVIème siècle, on voyait dans l’abside un Christ assis sur un globe. Il s’agit semble-t-il d’une formule de transition :
- de la « traditio legis » elle garde la position anti-hiérarchique de Pierre et de Paul ; mais le rouleau tenu par Jésus est remplacé par un livre ;
- de la « traditio clavis » elle garde la présence des clés reçues dans les manches du manteau .
La scène se complétait de part et d’autre par la série complète des apôtres debout et les mains vides.
Mosaïque au dessus de l’arc triomphal, 543-554, Basilique euphrasienne, Porec (Parenzo)
Pour comparaison, cette mosaïque bien postérieure ne garde plus aucun trace de la traditio legis : Pierre et Paul, revenus à leur place hiérarchique, portent les clés et les rouleaux comme des attributs permanents. Attention, ici le globe bleu est une invention des restaurateurs.
Le « diptyque en cinq parties » de Milan
Diptyque « en cinq parties » (cinque parte dittico) (détail)
450-500, atelier ravennais, Tesoro del duomo, Milan
Cette couverture de livre présente, sur un de ses panneaux, les deux seules représentations paléochrétiennes sur ivoire du Christ assis sur un globe (l’image du milieu représente la Cène).
Le Christ offrant des couronnes à Saint Sixte et Saint Timothée, Musée du Vaticansss
La scène du haut ressemble beaucoup à ce verre du Vatican, mais le geste du Christ est différent :
- dans l’un il apporte les couronnes, à la manière dont sur les monnaies romaines on peut voir la Victoire couronner de lauriers l’Empereur) ;
- dans l’autre il bénit les couronnes que deux martyrs anonymes lui apportent dans leurs mains voilées (s’il s’agissait de Pierre et Paul, leurs figures seraient différenciées) [3].
Le denier de la veuve, vers 500, Basilique de Sant’Apollinare Nuovo, Ravenne
La scène du bas représente la scène du Denier de la veuve, où le Christ fait remarquer à ses disciples que sa modeste aumône est plus importante que celle des riches car « tous ont mis de leur superflu, mais elle a mis de son nécessaire » (Marc 12:41-44).
Le grand intérêt de cet exemple est de montrer qu’à la fin du Vème siècle, le globe-siège est adopté aussi bien pour des scènes censées se passer dans l’au-delà et après la mort du Christ (Présentation des Couronnes) qu’ici-bas et durant la vie du Christ. L’artiste a rajouté des étoiles (faute de couleur bleue) afin de marquer son caractère céleste. Mais il est clair que le globe-siège est, en tout cas dans ces oeuvres de petite taille, un élément banal et qui ne choque pas : facilité graphique permettant, mieux que l’auréole, de mettre en évidence la figure du Christ…
Le massacre des Innocents (détail du Diptyque « en cinq parties »)
…avec sans doute ici l’idée d’un contraste pacifique avec la figure guerrière du roi Hérode, assis sur son trône entouré de boucliers.
En aparté : la présentation au Christ-Empereur
Interrompons un instant la série des « traditio legis » pour présenter une autre iconographie source de nombreuses oeuvres monumentales, celle de la Présentation au Christ.
VIème siècle, Saint Appollinaire de Ravenne.
Le Christ assis sur un trône est figuré comme un Empereur, entouré par quatre anges porteurs de verges, insignes de son pouvoir. A droite les martyrs en procession viennent lui offrir leur couronne d’or. Avant la restauration malheureuse du XIXème siècle, le Christ tenait dans sa main gauche un livre ouvert, sur lequel était inscrit :
Je suis le Roi de gloire Ego sum rex gloriae
526-47, Mosaïque de l’abside de la basilique de San Vitale, Ravenne
Vêtu de pourpre impériale, le Christ tient le Livre de l’Apocalypse (un rouleau fermé par sept sceaux), flanqué de deux anges porteurs de verges A sa droite il tend à Saint Vital la couronne du martyre, à sa gauche il reçoit de l’évêque Ecclésius la maquette de la basilique.
La grande nouveauté par rapport à la figuration impériale de saint Appollinaire est bien sûr l’irruption du globe-siège.
Une origine impériale ?
Pour l’expliquer, A.Grabar ([12], p 204) a invoqué l’unique figuration qui montre un empereur assis sur un globe, le médaillon d’Alexandre-Sevère : mais son globe est étoilé, et n’apparaît que parmi toute une quincaillerie de symboles (voir 1 Dieu sur le Globe : époque romaine). Ici, le globe de couleur uniforme, sans étoiles, affaiblit plutôt qu’il ne la renforce la figure impériale.
Une facilité graphique ?
L’ivoire de Milan montre à contrario que l’image du Christ assis sur un globe étoilé, et dans des scènes n’ayant rien d’impérial, était facilement acceptée, en tout cas pour les oeuvres de petite taille. Mais la facilité graphique du globe-siège n’est bien sûr pas la raison de son adoption dans une oeuvre officielle et monumentale, soumise à une intense pression théologique.
Une conception d’ensemble
Toute comme le globe du baptistère de Naples, celui de San Vitale doit être considéré non pas de manière isolée, mais en tant qu’élément d’un ensemble monumental.
En montant, l’oeil rencontre au centre de l’intrados un autre cercle contenant une étoile à six branches, le chrisme sous sa forme non pas chi-rho (CHRistus) mais iota-xhi (Iesus-Christus). Plus haut, un autre globe bleu, contenant une étoile à huit branches, est transporté par deux anges en vol [13].
Céleste et terrestre (SCOOP !)
Tout se passe comme si le concepteur de la mosaïque de San Vitale avait emprunté à celui de la mosaïque de Naples l’idée de la « goutte de ciel sur la Terre », mais à la transposant, depuis l’iconographie de la « traditio legis », à celle de la Présentation. Sans doute l’inscription dans la forme ronde de l’abside a pu aider à ce choix.
Une autre idée similaire au baptistère de Naples est celle de déployer la forme circulaire en hauteur : ainsi, de part et d’autre du chrisme qui les nomme, les deux globes véhiculent deux image du Christ, selon ses deux natures :
- en bas, en tant qu’homme descendu sur terre, il est encadré par deux anges debout, plantant leur lance dans le sol ; mais il a amené avec lui son siège surnaturel, de la forme du Cosmos et de la couleur du Ciel ;
- en haut, en tant que Dieu habitant au ciel, il est porté au zénith par deux anges en vol : la symbolique solaire est évidente, puisque ce globe rayonnant est transporté entre la ville de son lever, Bethléem, et la ville de son coucher, Jérusalem.
Eternité et temporalité (SCOOP !)
Nous avons vu que le médaillon de Sévere Alexandre combine deux images païennes de l’Eternité :
- une Eternité statique, immuable, représentée par le globe-siège ;
- une Eternité dynamique, cyclique, représentée par le disque zodiacal d’Aiôn .
Le globe céleste n’est pas repris ici en tant qu’image (rarissime) du pouvoir impérial, mais en tant que figure bien connue de l’Eternité statique, popularisée par toutes les monnaies avec la déesse Aeternitas.
L’Eternité dynamique est ici christianisée, dans la figure rayonnante transportée par les anges :
- en tant qu’image solaire, elle est cyclique ;
- mais en tant qu’image de la vie du Christ sur Terre, bornée par les deux villes, elle est irréversible et unique.
Le Ciel sur la Terre (SCOOP !)
Le globe bleu, goutte de ciel sur la terre, donne à voir la nature incarnée de celui qui est assis dessus :
- non plus élevé et inaccessible comme la voûte de l’abside, mais de taille humaine, posé à même le sol ;
- non plus immense et éternel, mais limité et temporel : petit cosmos servant de siège, pivot central d’une courte trajectoire entre la naissance et la mort.
En aparté : l’iconographie des deux villes et celle des deux Eglises
Fin 6ème siècle, mosaïque de la basilique Saint Laurent hors les Murs, Rome
L’image des deux villes est ancienne et courante (nous l’avons vue dans le verre du Vatican), et on l’associe en général avec le thème des deux Eglises :
- celle pour les Païens ( Ecclesia ex gentibus ) associée à l’apôtre Pierre, à la droite du Christ et à la place d’honneur ;
- celle pour les Juifs ( Ecclesia ex circoncisione ) associée à l’apôtre Paul ([14], p 295).
Mais même si l’image introduit un lien implicite entre Pierre et Jérusalem à gauche, Paul et Bethléem à droite, aucun texte ne l’atteste. L’association est d’ailleurs quelquefois inversée (abside de Sainte Pudentienne à Rome, ou verre du Vatican).
Pour Pierre Prigent [15], il faut découpler le thème des deux églises et celui des deux villes : ce dernier a trait uniquement au début et à la fin de l’existence terrestre de Jésus.
430-40, mosaïque de l’église Sainte Marie Majeure, Rome
Dans la plus ancienne représentation en mosaïque des deux villes, le découplage est patent : elles occupent les écoinçons tout en bas de l’arc triomphal, sans lien chronologique ni géographique avec les scènes des trois registres au dessus.
432-440, mosaïque de l’église Sainte Marie Majeure, Rome (détail)
En haut, au centre de l’Arc, Pierre l’apôtre des Gentils et Paul l’apôtre des Juifs (les caractères de son livre sont hébreux) se rencontrent de part et d’autre d’un trône vide isolé dans une bulle ( on appelle Hétimasie ce thème de l’attente de Dieu).
432-440, mosaïque de l’église Sainte Marie Majeure, Rome (détail)
Ce trône vide est celui du Christ dont on attend le retour (comme le montrent la croix posée sur le dossier, la couronne posée sur le coussin et le rouleau aux sept sceaux posé sur le marche-pieds). Comme l’a montré A.Grabar dans une analyse magistrale de l’ensemble de la mosaïque ([12], p 215 et ss), ce trône, avec ses deux têtes de lions, reprend l’iconographie romaine de la Concorde Impériale pour l’appliquer à la concorde entre les deux Apôtres et les deux Eglises.
Moïse et ses campagnons échappant à la lapidation, Ste Marie Majeure, 432-440
A noter à un autre point de la mosaïque cette même idée d’une membrane protectrice qui finira, réservée à Dieu seulement, par devenir la mandorle.
Fin 6ème, Saint Laurent hors les Murs, Rome
En supprimant tous les registres intermédiaires de la mosaïque de Sainte Marie Majeure, la mosaïque de Saint Laurent crée une association artificielle entre les deux villes et le deux apôtres. Alors qu’il faut lire les deux villes comme à Saint Vital de Ravenne : en longeant l’arc, début et fin de l’existence terrestre du Christ.
Derniers vestiges du globe-siège
Les deux saints Théodore présentés au Christ par Pierre et Paul
6ème et 14ème siècle, église San Teodoro, Rome
Pour autant qu’on puisse en juger au travers des importantes modifications du 14ème siècle, cette mosaïque est uniquement une scène de Présentation. Le globe-siège, désormais accepté comme une alternative pratique au trône (plus besoin des quatre rivières, comme à Ravenne, pour expliquer son caractère surnaturel), s’avère particulièrement pertinent pour une petite abside.
Il existe une fresque du Christ assis sur un globe à la catacombe de San Gennaro à Naples (cubiculum A47), également du VIème siècle. Il ne s’agit plus d’une traditio legis proprement dite, car c’est sur ses genoux que le Christ tient un rouleau avec l’inscription habituelle.
Ambrosius Codex , 400-50, Abbaye de St Paul im Lavantall
Terminons sur cette dernière image du Christ sur un globe entre Pierre et Paul, dans ce qui est tout de même le livre le plus ancien d’Autriche.
En synthèse : trône, globe-siège et globe-piédestal (SCOOP !)
Ce schéma replace chronologiquement les rares exemples qui nous sont parvenues de la figure du Christ sur le globe, selon les trois iconographies paléochrétiennes où on le rencontre.
Pour la Traditio Clavis, on n’a que deux exemples de globe-siège : l’un très précoce et l’autre tardif.
Pour l’iconographie à succès de la Traditio Legis, on n’a que deux exemples de globe-piédestal : à San Giovanni in Fonte apparaît l’idée de la « goutte de ciel » sur la Terre. On n’en trouve plus d’exemple après 450.
L’iconographie de la Présentation réclame l’horizontalité autour du trône : à Sainte Marie Majeure il est vide et le globe n’est qu’une figure d’isolement, pour signifier la nature spirituelle ou future du Règne. Peut être sous l’influence de l’étagement cosmique du baptistère napolitain, on invente à Saint Vital de Ravenne le globe-siège, innovation qui sera reprise à Rome à Saint Laurent hors les Murs.
Ce second schéma examine le lien entre la formule des deux villes et celle du globe-siège.
Pour la Traditio Legis, les deux villes ne se rencontrent que dans la forme standard du Christ sur la montagne.
Pour l’iconographe de la Présentation, on n’a conservé que trois exemples de cohabitation avec un globe :
- à Sainte Marie-Majeure, elles sont loin en dessous, totalement déconnectées ;
- à Saint Vital, le globe est dédoublé et les deux villes prennent leur pleine acception de début et de fin de la Vie du Christ, aux deux extrémités de sa trajectoire solaire. Le globe fixe et l’astre mobile deviennent alors l’image de la double nature, humaine et divine, du Christ.
- à Saint Laurent hors les Murs, la place manque pour cette figuration complète. Le globe-siège, équidistant des deux villes, posé au sommet de l’arc comme le Christ lui-même est posé à son sommet, prend une nouvelle nuance : celle de la culmination.
En conclusion
A l’issue de ce parcours exhaustif, l’idée que le globe paléochrétien serait une simple récupération du siège d’un Empereur romain ou du piédestal des Victoires apparaît quelque peu réductrice.
On assiste au contraire à une introduction sporadique et parcimonieuse du motif, d’abord comme piédestal dans deux « traditio legis » et comme siège dans une « tradito clavis », puis uniquement comme siège dans trois « Présentations ».
Même en faisant la part des innombrables disparitions, cette formule récursive du Christ posé sur un ciel en miniature lui même posé sur la Terre était trop intellectuelle et paradoxale pour rivaliser avec les figures plus immédiates du trône comme siège, ou de la montagne comme piédestal.
On voit bien cette hésitation à Saint Vital : le globe est posé sur le plateau entouré de falaises avec les quatre fleuves – la parole divine irriguant la Terre.L’ombre des pieds du Christ sur la surface du globe, comme celle des pieds des deux anges sur la pelouse, signale que les deux appartiennent à la même réalité matérielle, ici bas.
Cependant, l’artiste a signalé, par un fin liseré doré, que cette goutte de ciel liquide, qui alimente les sources, n’est pas en contact avec le sol.
Références : [1] https://en.wikipedia.org/wiki/Gold_glass [2] Jean-Michel Spieser Images du Christ: Des catacombes aux lendemains de l’iconoclasme https://books.google.fr/books?id=xBoUCwAAQBAJ&pg=PA244&lpg=PA244&dq=Catacombes+Grottaferrata&source=bl&ots=aRS1BrR34k&sig=ACfU3U3Ru3dReAFaBsPjpv-AP2ctHI7cLg&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwi44-3Vh9HpAhUDyIUKHUunAFcQ6AEwA3oECBwQAQ#v=onepage&q&f=false [3] E. Baldwin Smith, « Early Christian Iconography and a School of Ivory Carvers in Provence », chap XVI et XVII https://books.google.fr/books?id=xVWeCAAAQBAJ&pg=PT1&q=widow&f=false#v=snippet&q=globe&f=false [4] Robert Couzin, « The traditio legis : anatomy of an image » https://www.academia.edu/12388436/The_Traditio_Legis_Anatomy_of_an_Image [5] Pour une synthèse récentes des différentes interprétations, voir Armin Bergmeier, « The Traditio Legis in Late Antiquity and Its Afterlives in the Middle Ages », in: Gesta 56.1 (2017) p 33 et ss https://www.academia.edu/32474965/The_Traditio_Legis_in_Late_Antiquity_and_Its_Afterlives_in_the_Middle_Ages_in_Gesta_56.1_2017_27-52 [6] John Fotopoulos, « The New Testament and Early Christian Literature in Greco-Roman Context: Studies in Honor of David E. Aune » https://books.google.fr/books?id=fux5DwAAQBAJ&pg=PA424&dq=caelus+ »Traditio+legis »&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiatY_u987pAhWSzoUKHbv1AvgQ6AEIKDAA#v=onepage&q=globe%20″Traditio%20legis »&f=false [7] https://it.wikipedia.org/wiki/Battistero_di_San_Giovanni_in_Fonte_(Napoli) [8] Laurence Gosserez, « Le phénix et son Autre: Poétique d’un mythe. Des origines au XVIe siècle », p 106 https://books.google.fr/books?id=9pCUDwAAQBAJ&pg=PA106#v=onepage&q&f=false [9] Pour une description détaillée et critique des deux mosaïques, voir Simone Piazza, « I mosaici esistenti e perduti del Mausoleo di Santa Costanza », dans « L’orizzonte tardoantico e le nuove immagini, 312-468 » (La pittura medievale a Roma, 312-1431, M. Andaloro et S. Romano éd.), Milan 2006, I, p. 22-64Inventée mais peu développée à l’époque paléochrétienne, c’est trois siècles plus tard, après une éclipse totale, que la formule du globe-siège va être remise au goût du jour jusqu’à devenir pratiquement hégémonique à l’époque carolingienne.
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https://www.academia.edu/30690912/I_mosaici_esistenti_e_perduti_del_Mausoleo_di_Santa_Costanza_in_Lorizzonte_tardoantico_e_le_nuove_immagini_312-468_La_pittura_medievale_a_Roma_312-1431_M._Andaloro_et_S._Romano_%C3%A9d._Milan_2006_I_p._22-64_ISBN_88-16-60371-2_ [10] Sauf indirectement Isaïe 2:2–4, selon l’hypothèse stimulante de A.Bergmeier ([5], p 38). Ce texte décrit les nations convergeant vers la montagne de Sion, où leur sera donnée la Loi. [11] Emilie M. van Opstall « Sacred Thresholds: The Door to the Sanctuary in Late Antiquity », p 197 et ss https://books.google.fr/books?id=hKNyDwAAQBAJ&pg=PA197&dq=Imagining+the+Entrance+to+the+Afterlife+in:+Sacred+Thresholds&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjWmMyb2djpAhXFxYUKHaV2BwMQ6AEIKDAA#v=onepage&q=Imagining%20the%20Entrance%20to%20the%20Afterlife%20in%3A%20Sacred%20Thresholds&f=false [12] André Grabar, « L Empereur Dans L Art Byzantin Recherches Sur L Art Officiel De L Empire D Orient », 1936,
https://archive.org/details/grabarandrelempereurdanslartbyzantinrecherchessurlartofficieldelempiredorient1936compressed/mode/2up [13] https://www.christianiconography.info/Wikimedia%20Commons/apseSanVitale.html [14] C. Pietri, « Concordia apostolorum et renovatio urbis (Culte des martyrs et propagande pontificale) » Mélanges de l’école française de Rome Année 1961 73 pp. 275-322 https://www.persee.fr/doc/mefr_0223-4874_1961_num_73_1_7483 [15] Pierre Prigent, « La Jérusalem céleste: histoire d’une tradition iconographique du IVe siècle à la Réforme, 2003, p 32