La petite excursion dans le département de Shiga ne devait pas durer plus de trois heures, mais monter dans le mauvais train, celui qui longe la rive Est du Lac Biwa aura été fatale. Un heure trente de train, le voyage fut plus long, mais comme d'habitude, le banal de cette vie japonaise devient propice à l'observation. Il est très rare que je me rende de l'autre côté de la montagne, pourtant, à seulement deux stations de métro, on se retrouve dans un autre département. Ce n'est plus Kyoto. Moins de temples, plus de Pachinko. Ce n'est pas la ville à la campagne, c'est l'urbanisme, les usines et les campagnards, autour d'un lac. Rien de péjoratif dans «les campagnards», au contraire.
A la gare de Yamashina, il ne faut donc pas prendre la ligne qui prend la direction de Maibara, mais l'autre, sur le même quaie. Rien de très étonnant dans le paysages. On a pu construire des immeubles qui cachent la vue du lac depuis le train. Seuls ceux qui ont le bon balcon peuvent en profiter. Ils profitent également de l'air frais du lac. Reste l'air conditionné pour ceux qui habitent derrière.
Je pensais qu'à Wani, des champs de riz borderaient la gare. Il n'en est rien. Il y a juste des parking et un pachinko. Je pensais qu'autour de la gare de Yamashina, il n'y aurait que de vieilles maisons en bois et quelques bâtiments bétonnés. Il n'en est rien. On a construit ici un petit lieu de vie urbain qui ressemble à tous les centres-ville de la région, en plus petit. Il y a un Starbucks, un Tsutaya, un centre commercial Daimaru. Malgré les apparences et les marques, les prix de l'immobilier ne doivent pas être si élevés: un excellent restaurant à Curry japonais qui n'est pas celui d'une chaîne, se trouve encore là. Difficile d'imaginer que l'on puisse bien dîner avec un curry nippon.
Il y a cinq ans, le curry du restau universitaire Renais était difficle à digérer. Puis le curry est devenu le symbole du plat qui rempli le ventre. Et enfin, celui du plat à éviter, synonyme de «je ne sais pas quoi manger». Heureusement, les bons ramen-ya sont plus nombreux dans le quartier.
Mais en y réflichissant, le curry est peut-être le plat japonais moderne le plus difficile à faire pour en faire un qui soit bon et pas seulement bof. La majorité des cuisiniers de curry japonais est peut-être tombée dans une routine et ne fait plus que servir un plat à manger en cinq minutes pour estomac masculin pressé. Le curry, ni aimé par celui qui le sert, ni apprécié pour ce qu'il est par ceux qui le mange, ne s'exprime plus.
Mais le curry semble faire son retour. Ou au moins de la résistance. Dans ce petit restaurant de Yamashina qui ne désemplit pas, ou à Kyoto chez Indian ou dans le nouveau restaurant qui a pour nom Petit Monsieur.
Petit Monsieur, ci-dessus, n'a pas la tête d'un restaurant à Curry. Petit Monsieur à l'air parisien, et en plus, à côté du mot curry, on y trouve le mot champagne. Petit Monsieur sert du curry et du champagne. De quoi donner au curry l'envie de se prendre pour un plat de grande cuisine. Je ne sais pas s'il y arrivera, mais on peut lui faire confiance pour ne pas être qu'un simple coupe-faim.