La pandémie du nouveau coronavirus a déclenché une crise sanitaire à l’échelle mondiale dont les conséquences sur le monde de la culture sont terribles. Annulation de festivals, fermetures de salles de spectacles, et suspension des tournages et répétitions. Africultures a recueilli des témoignages venus, du Sénégal, de l’Algérie et du Mali.
L’Algérie a été l’un des premiers pays africains à détecter des cas de covid-19 sur son territoire. Il a aussi été parmi les premiers à prendre des mesures afin de protéger sa population. Dès la mi-mars, Meriem Medjkane a été « partiellement confinée » dans la ville d’Oran. « Il y a couvre-feu imposé de 17h à 7h du matin. Seuls les commerces d’alimentation, pharmacies et certains services de premières nécessités sont ouverts », nous explique-t-elle. Après avoir joué dans plusieurs films notables tels que Les Terrasses de Merzak Allouache, ou plus récemment Papicha de Mounia Meddour, la comédienne a dû mettre entre parenthèse ses activités. « J’en étais à ma première journée de tournage d’un film long métrage de Damien Ounouri lorsque nous avons appris que nous ne pouvions plus continuer. Il y avait parmi nous des équipes étrangères qui devaient être rapatriées en urgence. Cela a été très douloureux pour tout le monde », se souvient-elle.
« L’impact est terrible, la crise à exacerbé les multiples dysfonctionnements quasi systémiques du secteur culturel en Algérie et qui perdurent depuis bien trop longtemps malheureusement. Il n’y a eu aucune initiative culturelle en cette occasion. A part quelques tournages de sitcoms et séries pour le mois de ramadan qui ont été maintenus malgré le danger inhérent à la promiscuité des plateaux de tournage », Meriem Medjkane, actrice.
La situation est vraiment alarmante et elle sera bientôt critique
Au Sénégal, les mesures de couvre-feu ont été progressivement allégées mais la vie nocturne et artistique est toujours compliquée. René Gomis, manageur du label Kaata Ka Nam House est inquiet pour la situation économique des artistes et des structures qui les accompagnent. Il a dû annuler trois dates de spectacle. Conséquence, après plus de deux mois d’inactivité, les caisses sont vides. « On n’a pas reçu de soutien de l’Etat et je suis obligé de recourir à la solidarité entre amis pour pouvoir survivre et répondre à mes obligations », explique-t-il. Il ajoute que « présentement la situation est vraiment alarmante et si ça continue sur cette lancée elle sera bientôt critique ». Cette période de vaches maigres ne présage pas forcément un avenir sombre pour le label sénégalais.
« Cependant, [cette situation]nous a permis d’accroître notre visibilité sur les réseaux sociaux de par la sensibilisation que nous menons actuellement. Sur le plan production, ce temps d’arrêt m’a permis de réfléchir à des stratégies innovantes qui seront appliquées dans l’après COVID19. Sur le plan de la composition, la création est mitigée: tantôt on est inspiré tantôt on a envie de tout mettre dans le placard et faire autre chose. L’instinct de survie l’emporte souvent et charrie une charge négative qui empêche l’inspiration de prospérer », René Gomis, manageur.
Condamnés à attendre que des partenaires internationaux puissent nous accorder de nouveaux soutiens
Au Mali, Lamine Diarra, le directeur de la compagnie Kuma Sô Théâtre, regrette que l’État n’ait pas développé sa propre stratégie d’endiguement du virus. « Comme toujours on se contente d’appliquer pour son pays les décisions de l’ancienne puissance coloniale sans tenir compte des spécificités de la situation au Mali où la pandémie n’a pas la même allure », juge-t-il. Il estime par ailleurs qu’une « véritable politique sanitaire adaptée » n’a pas été conçue pour le secteur de la culture.
Le metteur en scène s’interroge sur le modèle de financement de la vie artistique. Toutes les activités socio-culturelles se sont arrêtées suite aux mesures de précautions prises par le gouvernement. L’interdiction de toutes formes de regroupement a mis un stop aux spectacles vivants. Pour le metteur en scène, il n’est pour l’heure pas concevable d’instaurer un système d’intermittence à la française, où l’activité en pointillée des artistes est prise en compte par l’assurance chômage. Il se demande néanmoins « qu’attend-t-on pour au moins commencer à penser une politique culturelle qui donne au-delà de leur rôle social, un statut aux artistes dans un pays aussi riche culturellement que le Mali et qui puisse les protéger en temps de crise ? ».
« Kuma Sô Théâtre, la structure que je dirige, est jeune. Elle se trouvait dans une période d’expansion car en plus des Praticables, nous venons de créer une nouvelle coopérative artistique pluridisciplinaire, intitulée Le FIL. Nous étions dans la préparation de grands projets en 2020 et 2021 ainsi que pour les autres années à venir. Mais notre économie est extrêmement fragile et nous dépendons malheureusement des subventions extérieures. Notre situation est représentative du sort des structures culturelles », Lamine Diarra, metteur en scène.
Propos recueillis par Marie-Julie Chalu, Samba Doucouré et Alice Lefilleul
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