La nuit est mon royaume de Claire Fauvel, aux éditions Rue de Sèvres

Publié le 05 juin 2020 par 7bd @7BD

Alice vient d'arriver dans son nouveau lycée de banlieue à Créteil. Avec son look de fille à papa, façon "Bisounours", elle ne passe pas inaperçue aux yeux de la bande à Nawel.
Alice commet même le sacrilège d'utiliser le banc d'arrêt de bus réservé à la bande dès son premier jour...
Nawel, voulant l'intimider, lui empreinte un des écouteurs de son baladeur numérique. Elle y découvre ce qu'Alice écoute et elle est immédiatement séduite par cette musique. C'était du Paul McCartney...
Ce même jour Nawel découvre qu'Alice habite la même cité et le même immeuble qu'elle...
Une amitié va ainsi naître entre les deux filles, liées par leur hobby : la musique. Et cette nouvelle passion s'avèrera comme une vocation pour Nawel...
Déterminée, rien ne l'arrêtera pour percer dans ce domaine, pas même les mœurs conservatrices de ses parents algériens...
Alice et Nawel finissent par monter leur groupe : " Nuit noire " ...

Mon avis sur "La nuit est mon royaume" de Claire Fauvel :

Voici le quatrième album de l'autrice, après " une saison en Egypte " et " Phoolan Devi " aux éditions Casterman, mais surtout la fabuleuse adaptation de " La guerre de Catherine " aux éditions Rue de Sèvres.
C'est donc le deuxième ouvrage de la talentueuse Claire Fauvel dans cette superbe maison d'édition et c'est certainement avec délice que vous le lirez.
Pour mon cas, je l'ai dévoré sans perdre un instant.

Le scénario de "La nuit est mon royaume" de Claire Fauvel

Dans cet ouvrage, Claire Fauvel nous raconte cette transition initiatique de jeunes banlieusardes, de leurs adolescences à leurs vies d'adulte, avec toutes les barrières sociales et familiales qui leurs sont dues, mais aussi la fougue et les désirs juvéniles rebelles d'indépendance.
Alice et Nawel sont deux teenagers que presque tout oppose, hormis le fait qu'elles habitent la même barre d'immeuble et qu'elles soient de familles pauvres.
Mais elles se retrouvent finalement liées par leur passion commune : La musique.
Passion salvatrice ou pas ?
En tout cas, c'est la voie que ces deux protagonistes ont choisi pour se lancer dans le grand bain de la vie d'adulte.

Le récit est évidemment beaucoup plus centré sur le personnage de Nawel afin d'insister sur le côté social et culturel différent, pour une immersion plus soutenue. Et c'est efficace !
On se prend au jeu et on se projette assez facilement quel que soit le genre et l'origine du lecteur.

Ce duo de musiciennes force l'admiration et l'on ne peut que s'y attacher. On espère de tout cœur, tout au long du récit, leur réussite.
Les caractères des deux héroïnes sont bien déterminés et différents. L'une est une acharnée, l'autre plus oisive, mais l'ensemble s'accorde harmonieusement.
Le travail de l'autrice sur la psychologie des personnages est donc admirablement bien réussi.

Le découpage est dynamique et intense, enchaînant des pleines pages avec des pages aux nombreuses vignettes (8 à 10 en moyenne).

Ceci a pour effet d'accentuer le rythme effréné de cette aventure rock n'roll.

Ce scénario est très enivrant et superbement bien construit, autant sur la trame de fond que sur les détails contextuels.
Il vous laissera probablement un petit pincement au cœur mais qui finalement s'effacera bien vite pour revenir à la raison.

Le dessin de "La nuit est mon royaume" de Claire Fauvel

Le dessin semi réaliste de Claire Fauvel est incroyablement vivant et varié.Les mises en scènes sont aérées et dynamiques. Les effets sont maîtrisés, discrets et efficaces, et les plans et les perspectives sont, eux, très diversifiés pour appuyer d'autant mieux la cadence du conte.En bref, l'ensemble (scénario et dessin) est formidablement bien construit, représentant bel et bien la fougue d'une adolescente à vouloir vivre tout ce qu'elle peut, intensément, et surtout avec passion, à braver les dangers quitte à subir de grandes déceptions, et revenir sur les voies de la raison...
Son trait et souple et rapide, mais à la fois minutieux et stylisé.
L'autrice ne s'encombre pas de détails superflus dans la scénographie de ses cases afin de donner un maximum de fluidité à la lecture.
Il ne faut pas s'attarder à contempler une case sauf dans quelques cas où l'artiste a évidemment pris le temps de soigner sa composition pour que l'on savoure le tableau et que l'on prenne un moment de répit dans le rythme endiablé de l'histoire.
En effet les cases, et par conséquent les émotions qu'elles nous transmettent, s'enchainent rapidement, façon Rock 'n roll, à l'image de la musique choisie par nos deux protagonistes.
D'ailleurs, les scènes de concerts sont fabuleuses. Elles nous font vibrer au point que l'on pourrait presque ressentir et entendre la musique jouée.
Les couleurs sont lumineuses et intenses, probablement travaillées informatiquement vu la perfection des magnifiques dégradés. C'est très agréable à admirer.
Les personnages sont vraiment très typés et affectueux. Même pour les "ordures" on arrive à se prendre d'affection !
Mais au fond, n'est-ce pas tout simplement cela devenir adulte ?